Traduire l'oeuvre de
Georg Trakl n'est pas une tâche des plus aisées, ainsi la musicalité des vers a été abandonnée de la grande majorité des
poèmes en rime au profit d'une restitution du sens, on ne peut pas tout avoir…
Le poète autrichien, lecteur de Rimbaud,
Baudelaire et
Nietzsche, fait partie, avec le poète allemand
Gottfried Benn dont les écrits de jeunesses sont même plus “trash” que ceux de
Trakl, du mouvement des “expressionnistes”. Je ne sais guère ce que cela recouvre, si ce n'est une vision subjective que l'on retrouve à la fois chez
Trakl et Benn, qui passe par les émotions avec un je ne sais quoi de macabre et d'obscène mais très magnétique, un peu dans la lignée du mouvement symboliste, à l'image du poète anarchiste belge
Emile Verhaeren, notamment dans les visions décadentes et les couleurs post-apocalyptiques que charrient les métaphores de ces poètes.
“La neige noire qui ruisselle des toits;
Un doigt rouge plonge dans ton front,
(…)
En lourds morceaux éclate la tête et médite
Les ombres dans le miroir des névés bleus,
Le sourire froid d'une putain morte.
Dans des parfums d'oeillet pleure le vent du soir.”
La poésie de
Trakl est d'une grande beauté, hypnotique et très évocatrice, en dépit de la récurrence des thèmes et des mots. Variations éternelles sur les mêmes muses, les mêmes couleurs, les mêmes nuits, la même violence. Et malgré cela, si l'on accepte la récurrence d‘un vocabulaire restreint, alors on est touché par les agencements, l'espoir toujours à portée de strophe mais qui s'échappe sans cesse, que l'on poursuit de page en page, en passant par les affres de la mélancolie, des meurtres, du sang, des jours sans soleil, et des crépuscules glacés…
Le poète salzbourgeois a écrit de trop rares et merveilleux
poèmes en prose, véritables cauchemars hallucinatoires et morbide, symboles d'une âme à jamais tourmentée, dont le trépas, à seulement 27 ans, l'âge maudit, après une overdose de cocaïne, en fait pour l'éternité la première des rock stars… d'autres suivront, Hendrix, Joplin, Morrison, Cobain et Winehouse…
Qu'en pensez-vous ?