Leonardo Sinisgalli
EAN : 9780050148624
Arfuyen
(03/10/1996)
5/5
1 notes
L'âge de la lune
Résumé :
Publié en 1962, L’âge de la lune, est un livre central dans l’œuvre de Sinisgalli. L’univers du poète est là tout entier, en sa maturité, à travers son art précis du vers, et des textes en prose elliptiques, de grandes enjambées... Dans ce livre, vers et prose se confrontent donc, réflexions sur la poésie, la peinture, aphorismes… Un texte majeur de la littérature italienne.
Devant le tombeau de Frédéric II
dans la cathédrale de Palerme
Qui peut vaincre contre le règne
des Choses sans Nom ?
Comme un nid vide est tombée
ta couronne, ton sceptre
comme une plume.
Ta gloire est un petit tas de mots.
Tu ne t’es pas refusé au geste faible,
à l’extase honteuse, à la gorge
serrée, au tremblement dans la poitrine.
Pour une pauvre rose,
pour un moustique affolé.
Maintenant n’entends-tu pas la lumière
derrière la porte ramper ?
Sous le marbre, au long des poutres
tu grandiras dans la mort.
Jour ouvert
Le sommeil trompeur met sous mes yeux
Cette anxieuse agitation de feuilles que le pommier
Déverse plein de doute. L’ombre
À brisé l’écorce et se laisse
Découvrir à l’haleine, aux pas
Inexpérimentés. Le lézard ne la craint pas :
Immobile aux confins du soleil elle exalte
Sa verte ardeur. Tortueuse
Elle s’enroule autour des troncs, prudente
Monte sa plainte obscure.
Dans mes articulations les plus attentives
J’en éprouve la contagion :
Ici, entre les plantes gorgées de sève, le serpent
Sent sa peau qui se délite.
Larmes antiques
Les vieillards ont les larmes faciles.
En plein midi
assis dans un recoin de la maison vide
ils éclatent en sanglots.
Ils sont saisis par surprise
d’un désespoir infini.
Ils portent à leurs lèvres
un quartier de poire desséché, la pulpe
d’une figue cuite sur les tuiles.
Une gorgée d’eau elle aussi
peut apaiser la crise
et la visite infime d’un escargot.
La flamme
Il semble que les miroirs,
avec leur puissance d’illusion,
plus que tout autre objet,
nous donnent l’idée du temps,
autant dire celle d’une profonde immobilité,
d’un chemin que nous sentons clos
quoiqu’il soit infini,
sous nos yeux.
Nous regardons la flamme,
et nous ne pensons pas
qu’elle n’est plus celle
que nous avons regardée
un instant auparavant.
« La nature vient paisiblement dans nos capsules, en mots et en symboles, des lettres et des chiffres. Nous concluons également les pensées. Ils entrent dans des formules simples qui gouvernent le monde. Les équations d’Einstein sont aussi courtes que les formules de l’eau et du sel. Dieu est laconique »