MAIN COURANTE DE L’INVISIBLE…
Un jour, la main s’en va
sans penser à demain.
Elle se délie, se met en mouvement, dessine d’étrange signes
que n’enserre aucun alphabet.
Ce sont des formes en résonance,
des miroirs souples,
des lignes, des traits,
des façons d’ajuster les dispersions élémentaires,
de se trouver des repères dans le monde - soubresaut
et de se retirer,
tout aussitôt,
quand la page d’instant est accomplie.
Main courante de l’invisible
qui consigne les faits secrets,
et sans jamais déposer plainte.
Puis un jour, la main décide de prendre
tout son temps,
elle caresse un dos, elle apaise une joue,
elle se pose en douceur sur la bouche,
comme pour mieux dire silence,
elle frôle un souffle d’air
où se tiennent le jour, et la nuit, et le travail
du nuage d’écrire,
muets encore de tout ce qui se passe
et ne se passe pas encore,
elle pressent
l’autre main
qui, elle aussi s’en va, sur un autre trottoir,
sans penser à demain,
et la reconnaîtra.
À DÉFAUT DE LIVRE, AU MOINS CETTE PROMESSE DE POÈME…
Extrait 1/2
À défaut de livre, au moins cette promesse de poème,
à défaut de poème, vite, au moins cette phrase
prononcée à tâtons dans la nuit,
à défaut de phrase, ce cri venu du ventre,
à défaut de cri, cette voix introuvable,
avec son bruit d’herbe
obstinée,
un léger souffle d’air en quelque sorte
sans défaut....
Résolution
Finie
la mascarade des accablés.
C’est l’heure de tomber
du bon côté de la biscotte,
l’heure d’affoler le chat noir
avec une escouade de souris insolentes
et de subtiliser l’échelle
sous laquelle passe la fatalité poussiéreuse.
Si tu as mal au pied, fracasse ton épaule,
dit le conseil du jour ; tu verras
comment blêmit ta première douleur.
Commence ta journée sur l’écorce d’un verbe
à tailler tes lettre de sève et d’or.
Pour le reste, écoute
et regarde
et surtout respire,
respire ce brin d’herbe, en répétant avec l’écho :
ceci est ma première volonté.
Puis je me remets à marcher.
Elles pivotent leurs yeux pour tenir le contact,
quelques minutes encore.
Quand je me serai affranchi de leur espace d’existence, elles inclineront à nouveau
la tête vers le dieu du sol,
arracheront leur dose d’herbe
pour initier la cérémonie de la mâche.
Plus tard viendra le temps de la rumination.
Où serai-je ? À mâcher un au - revoir,
à contempler leurs mamelles pleines
à l’arrière du convoi, à mesurer leurs pis prêts à céder
à la main vigoureuse qui libèrera leur lait bienheureux
de nourrice.