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EAN : 9782019697440
114 pages
Hachette Livre BNF (01/08/2017)
5/5   1 notes
Résumé :
I - Du Bas-Bleu en général
II - Bas-Bleu Aristocrate
III - Bas-Bleu Impérial
IV - Bas-Bleu Restauration
V - Bas-Bleus contemporains -
VI - Bas-Bleu marié
VII - Le Bas-Bleu libéré
VIII - Le Bas-Bleu associé
IX - Le Bas-Bleu non marié - Bas-Bleu vierge
X - Le Bas-Bleu artistique
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Rares et chers sont les places de Bas-Bleus, mais y parvenir, c'est une douce gloire assurée, c'est être la divinité adorée d'une chapelle aux nombreux fervents :
« il faut avoir pénétré dans les cénacles prétentieux du Faubourg Saint-Germain pour s'imaginer jusqu'à quel point la suffisance, le rayonnement de soi, les fureurs d'admiration peuvent être poussés. C'est dans ce monde que se font encore des lectures présidées par des femmes passées de mode, et suivies par de jeunes gens qui ne seront jamais à la mode. »

Bien du courage est nécessaire à la femme de lettre qu'ambitionne une renommée littéraire et j'honore entièrement, de mon point de vue anachronique, ces femmes qui ont eu l'audace de prouver en leur temps tout leur digne talent.
Cette place de déesse littéraire est âprement convoitée par certaines et quand elle est acquise, est encore férocement défendue. En cela, Frédéric Soulié prête aux femmes les mêmes traits d'ambition et d'envie que peuvent avoir des jeunes écrivains.
La seule nuance étant que, les places de poètes ou romanciers étant plus rares et plus dures à obtenir selon que l'on est femme ou homme, cela expliquerait la méfiance de l'auteur pour le Bas-Bleu, lequel serait plus téméraire, plus combattif dans ses moyens de parvenir.
Indépendamment de leur talent, nullement contesté par l'auteur, les Bas-Bleus sont déclinés et analysés par types dans leurs moeurs avec le sarcasme habituel de la série des physiologies.

1°/ le mari éclipsé :

Certains Bas-Bleus sont tellement adulés que le mari en est effacé. Qui est-il ? Ce n'est pas seulement Monsieur un tel, il est le mari de Madame B(...), avant tout. En ce ménage, « Madame décachette les journaux ; Madame ouvre toutes les lettres ; Madame à son salon, son cabinet et sa chambre ; Madame sort le soir, et Madame a un rendez-vous le matin ; madame est avec son libraire ; Madame est avec son imprimeur ; Madame est à la campagne ; Madame couche en ville ; quand à Monsieur, personne ne le connaît »
Poussant la caricature à son paroxysme :
« Au spectacle, cet homme, qui est relégué derrière tout le monde, qui se tord le cou pour voir le bord de la rampe, qui ouvre la porte à tous ceux qui entrent et sortent sans se donner la peine de le saluer, et qui est chargé du soin des manteaux et de tous les dépens de la soirée, c'est le mari du Bas-Bleu.
Quelques-uns s'accommodent merveilleusement de cette annulation, et se réduisent à la rédaction du livre de cuisine et aux comptes de blanchissage : à dîner, ils servent le potage, et Madame commande les vins fins. Au salon, ils offrent le café, et Madame accepte de la liqueur. Ceux-là sont les maris modèles ; ceux-là sont dans une constante admiration pour leur épouse adorée. Quand elle leur fait l'honneur de sortir avec eux, si c'est à pied, ils marchent derrière elle, portent le parapluie, et en cas d'emplettes, entassent sur leur bras une statuette, un panier de fraises et un morceau de fromage ; si c'est en voiture, ils se mettent sur le devant et doivent savoir le nom de toutes les rues. »

Le mari n'est pas seulement réduit au rôle de serviteur, c'est aussi un modèle d'inspiration pour le Bas-Bleu qui le torture afin d'en retirer un peu de substance littéraire :
« S'il il lui faut une scène de désespoir, elle le taquine, l'irrite, l'insulte, l'agonise, l'exaspère, et, malgré la longanimité de la victime, finit par lui arracher un moment de révolte, de rage, de désespoir ; puis, au moment où il va se jeter par la fenêtre, elle l'arrête d'un air inspiré en lui disant :
C'est très beau, Monsieur, je tiens ma scène, je vais l'écrire… »

2°/ le Bas-Bleu libéré, célibataire :

Intrigante femme qui joue de la curiosité et de la pitié qu'elle inspire afin de créer nombre d'attachements aléatoires et platoniques :
« Il y a dans ces créatures desséchées des mystères d'impressions qui échappent à l'analyse ; il règne dans l'atmosphère où elles vivent une vapeur aphrodisiaque qui vous monte au cerveau, qui vous rend ivre, furieux »
Elle maîtrise toute la conversation, créée sournoisement une intimité avec vous ; « alors l'immense araignée enveloppe l'imprudent de ses pattes ; liens de fer, étreintes corrodantes où elle ne laisse échapper la victime que lorsqu'elle tombe haletante et épuisée à ses pieds »
Vous restez seulement car vous vous trouvez là, devant elle, vous êtes poli, courtois et l'écoutez sagement : « c'est une jeune vierge perdue, désolée ; c'est un ange souillé, une âme blanche flétrie. Oh ! Tout votre avenir n'est pas assez pour réparer le crime que vous venez de commettre ; vous êtes l'homme fatal, l'homme prédestiné, qui serez son désespoir… »

Fuir quand il est encore temps reste la meilleure solution même si l'on est inondé de lettres « Vous vous dépêtrez tant bien que mal de toutes ces entraves osseuses, et vous vous sauvez pour n'y plus revenir. C'est alors que le Bas-Bleu se révèle ; alors commence l'épreuve des lettres : c'est une par heure ; il y en a quatre pages pour chaque émotion ; en quel style, Mon Dieu ! Quelles phrases ! On dirait que cette femme écrit en trempant sa plume dans un nuage avec de l'encre rose délayée dans l'éther. »

C'est une fois encore en se créant des drames dans la vie réelle qu'elle donnera plus de relief à ses romans ou poésies :
« après une foule de désespoirs et de désastres comme celui-là, elle confie au public les tortures de sa vie et de son âme dans un volume de poésie, avec une couverture de papier rose, et qui a pour titre le nom de quelques fleurs mystiques, et pour épigraphe ces deux mots : j'ai souffert »

3°/ le couple littéraire :

De la même manière que « deux grands poisons mêlés ensemble se neutralisent » il en va de même de l'union entre un Bas-Bleu et de l'homme de lettres : « Le mariage tue les aigreurs de la rivalité littéraire, et la rivalité littéraire tue les aigreurs du mariage ; ce qu'on ne concéderait pas comme mari, on ne s'en aperçoit pas comme homme d'esprit » et vice versa.
Est-il publiquement trompé, humilié, il répondra à qui lui en informe « Je suis trop haut placé pour que de pareils propos puissent m'atteindre, et je porte en moi des sentiments trop purs et trop généreux pour qu'aucune calomnie puisse me faire dévier de la sainte conduite que je me suis imposée »
Une immuable indifférence publique qui ne l'empêchera pas de se justifier : « Ils inventent à ce sujet, les plus jolis petits romans pour se présenter mutuellement sous le jour le plus favorable ; le mari a des petits contes charmants pour expliquer les amants de sa femme ; la femme a les combinaisons les plus exquises pour donner un sens moral et élégant aux turpitudes de son époux »

4°/ le Bas-Bleu enfant chéri :

Enfant prodigue élevé au rang de Dieu par sa famille, chacun s'abaisse et se sacrifie pour une ingrate et irrévérencieuse impératrice des lettres :
« C'est une chose curieuse que d'assister à la présentation d'un étranger dans une maison où il y a un pareil Bas-Bleu : l'impertinence avec laquelle il interrompt à tout propos Monsieur son père, Madame sa mère ; le sourire prétentieux qui commence ses interruptions, et qui veut dire indubitablement : mon père est un âne et ma mère une sotte ; ne faites pas attention à ces gens là »

Elle seule va au bal ou dans les salons tandis que ses soeurs font des reprises à ses bas. Animée d'un sens aigu du spectacle, elle impressionne sans cesse par des postures tragiques : « il (le Bas-Bleu) se pose immobile et les yeux levés au ciel dans l'endroit le plus apparent du salon et s'arrête tout à coup en portant sa main à son front, et reste abîmé dans l'idée lumineuse qui vient de le surprendre. » (…) « et, au bout de tout cela, ce sont des pièces de vers récitées solennellement, et assez souvent terminées par un évanouissement, résultat des émotions du génie »

Il y a une constante raillerie dans toutes ces variétés car c'est le but même de toute la série humoristique des « physiologies ».
La dénomination de « Bas-Bleu » est seulement reprise par l'auteur en vue d'apporter un peu plus de piquant à l'ouvrage mais lui-même se fiche bien de ce mot :
« Molière les appelait des femmes savantes ; nous les avons nommés Bas-Bleus. Pourquoi ? Je n'en sais rien et je ne m'en occupe guère, mais j'aime ce nom, qui ne signifie absolument rien, par cela seul qu'il dénonce cette espèce féminine par un mot du genre masculin. »

L'auteur est plus subtile qu'il n'y parait, car il me semble qu'il craint et admire tout à la fois la supériorité de ces femmes de lettre sur les hommes. Elles sont terriblement intelligentes selon lui, il les estime d'une certaine façon même s'il s'en moque pour les besoins de cet ouvrage à but satirique.

Cela le distingue nettement de d'Aurevilly qui dédaignait tous les « Bas-Bleus » dénomination qu'il utilisait aussi mais dans un but volontairement méprisant sur le plan des facultés intellectuelles, en vue de rabaisser, jugeait d'une façon très suspecte les femmes de lettres et n'approuvait qu'à de très rares occasions certaines de leurs oeuvres.

De manière générale, bien que cela puisse surprendre, les femmes de lettres avaient réellement le vent en poupe et particulièrement sous Louis-Philippe. George Sand n'était pas une exception, c'était une reine qui partageait sa couronne avec Delphine de Girardin, lesquelles avaient un tas de petites soeurs, de filiales, qui tenaient ci et là sur tout Paris des salons littéraires où ces femmes étaient admirablement respectées.

Passez quelques articles de presse moqueurs, sexistes, la plupart ne l'étaient pas particulièrement. Rare sont les critiques négatives sur la foule d'oeuvres publiées par George Sand ou Madame de Girardin. Sainte-Beuve, l'un des plus grands critiques littéraires du 19ème, ne cachait pas sa haute admiration pour les femmes de lettres, Jules Janin également.

La postérité n'a retenu, par ce médiocre qualificatif de Bas-Bleu que certaines critiques amères et jalouses de personnalités douteuses comme d'Aurevilly « Madame G.Sand a joui, sans conteste, d'une inaltérable félicité d'écrivain, et elle mourra pleine de jours, d'argent et de célébrité, sans qu'il y ait un seul pli de roses à sa couchette » (extrait de « Les bas-bleus » Jules Barbey d'Aurevilly)

La réalité était sans doute plus complexe, les « Bas-Bleus » ou femmes de lettres, divisaient à mon sens l'opinion public, les uns étaient séduits, hypnotisés presque d'admiration pour ces femmes, et d'autres s'en méfiaient, les moquaient… de tout cela, Frédéric Soulié s'amuse et pioche comme bon lui semble pour les bons plaisirs d'une bonne satire physiologique.
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