Arpenter le port, énumérer les grues au-dessus des corps
libérés du roulis. Géométries creuses, moi-même subitement
inhabité. Perdu le chant des voiles et des câbles, perdues les
voix qui hissent, nouent, délivrent, font glisser dans leurs pau-
mes une promesse de départ. La terre, seule, attire. Son argile
ne m’offre qu’un souffle de caveau, un insupportable râle
souterrain.
MOBIÛS, TU POINTES FIÈREMENT UN MIDI DISSIDENT…
Mobiûs, tu pointes fièrement un Midi dissident, déroules ma bouche tel un fil dont l’issue demeure floue. Puis me mâche, me tords, me recraches. M’agrippes et m’abrites d’une férocité souveraine. Tes saillances tes sillons tes galons surgissent, clandestins.
[…]
Les drapeaux du désir s’agitent de toutes nos couleurs.
IL N’Y A PAS DE LUNE…
Il n’y a pas de lune, cette fois-ci, pour signaler les guetteurs qui jalonnent l’impasse sous les corniches. Pas même d’ombres détrempées sur le chemin du porche. Au fond de la deuxième cour, l’entrepôt. Ses lanternes pivotent de droite à gauche sous les claques des rafales. Je ne viens pas pour affaires ou trafics. Si mes pupilles tremblent, ce n’est pas de peur mais du même désir qui, là-bas derrière ce soupirail, agite notre réduit. Je visite l’impasse pour la chair. La chair de Mobiûs.
Tripots, liqueurs. Rires, dents d’or, encensoirs.
Contre ma joue, rumeurs rauques, paupières et poterie.
Besoin d’eau.
Qu’espérer d’une ville déchue ?
L’histoire maintient ses hésitations.
Vivre ivresse, envasement et décrépitude.