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4,03

sur 768 notes
J'ai eu du mal à entrer dans ce roman, car l'auteur fait des allers et retours sans arrêt entre les époques, Ásta vient de naître, quelques pages plus loin, elle est adolescente dans les fjords de l'Ouest où elle a été envoyée un été, après avoir casser le nez d'un camarade de classe, puis on la retrouve adulte, perdue, et ça continue encore et encore…

J'ai compris que l'auteur faisait raconter l'histoire d'Ásta par son père, Sigvali qui est tombé d'une échelle, donc les images lui reviennent forcément dans le désordre, un peu comme si toute sa vie défilait aux portes de la mort. Donc, je me suis accrochée…

Comment parler d'Ásta ? tout d'abord en expliquant pourquoi ses parents ont choisi de lui attribuer ce prénom : il s'agit en fait d'un hommage à un personnage de roman de Halldor Laxness ! et l'amour est au centre de ce roman :

« En retirant la dernière lettre du prénom, il reste le mot àst qui signifie amour en islandais. »

L'histoire de cette famille est belle, l'auteur pose notamment une question : hérite-t-on de la « folie » de sa mère, ou n'est-ce qu'une répétition du scénario : on abandonne alors qu'on a été abandonné. Et en poussant plus loin la réflexion : peut-on envisager même l'idée d'être aimée après un abandon ?

Et Ásta fuit tout ce qui pourrait l'aider, tous ceux qui l'aiment vraiment pour tomber sur des êtres négatifs. On la suit à Vienne où elle part faire des études, abandonnant sa fille à ses parents. Elle fuit l'amour, elle fuit dans l'alcool, laisse partir son amour de jeunesse, Josef, comme si le bonheur ne pouvait que s'abimer, sans se donner une chance d'y avoir droit.

Jón Kalman Stefánsson évoque aussi et de fort belle manière, le passage de l'adolescence à l'âge adulte : se fait-il en douceur ou un évènement peut-il qui faire basculer brutalement dans le monde des grands, devenir mature avant l'heure ?

On retient l'omniprésence de l'alcool dans ce roman : le père de Sigvali avait des phases d'imprégnation massive, « il était beaucoup moins drôle quand il sombrait dans le trou noir de l'alcool. Ses beuveries duraient en général deux à trois semaines, et aucune puissance terrestre ni céleste ne semblait pourvoir l'arrêter. »

Outre l'alcoolisation massive, on note aussi au passage l'importance de la sexualité : une première scène torride entre Helga et Sigvali, bien sûr, mais parfois on a droit à des scènes de sexe toutes les trois ou quatre pages et cela finit par devenir lassant.

La littérature est omniprésente dans ce roman, Jón Kalman Stefánsson rend hommage aux écrivains de son pays, surtout aux poètes, un des personnages, le frère de Sigvali, est un écrivain, ou du moins tente d'écrire, car l'inspiration n'est pas au rendez-vous, alors il choisit d'écrire une autobiographie, cela lui permet de parler de lui !

« L'écriture libère des choses en moi. Ça te semblera peut-être étrange, mais quand j'écris, je deviens plus grand que l'homme que je suis. Oui, je me transforme en une corde sensible qui tremble entre le visible et l'invisible. »

L'Islande est un pays qui me fascine car tout prend un aspect gigantesque dans ce pays… on retrouve la magie des grands espaces, des éléments déchaînés, la précarité, la vie qui s'apparente parfois à une simple survie et, outre les poèmes, l'auteur évoque comme pour adoucir la rigueur, la musique; on croise notamment Nina Simone ou les nocturnes de Chopin selon l'humeur… sans oublier les prénoms islandais compliqués me font rêver : Sigvali, Helga et Sigrid, Sesselja, Gudmundur…

J'ai aimé l'histoire de cette famille mais le mode de narration choisi par l'auteur m'a dérangée, parfois même irritée et je ne suis pas sûre qu'elle apporte quelque chose de plus au roman.


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Après Ton absence n'est que ténèbres, qui m'avait intriguée, déstabilisée et laissée interrogative, ce roman conclut sans doute la partenariat unilatéral qui me reliait à cet auteur !

La déstructuration temporelle est poussée à l'extrême et même si le linéaire n'est pas indispensable pour se repérer, dans le cas présent, il m'aura désorientée jusqu'à la fin. On navigue entre les lettres qu'Ásta écrit depuis Vienne, les propos brumeux que tient son père qui vient de tomber d'une échelle, les souvenirs d'enfance d'Ásta et l'évocation de la vie déjantée de sa mère !
C'est le style Stefànssson, sa signature et il s'en explique :

« Il est impossible de raconter une histoire sans se garer, sans emprunter des chemins incertain, sans avancer et reculer, non seulement une seule fois, mais au moins trois – car nous vivons en même temps à toutes les époques. »


Sans compter les (trop) nombreuses scènes de sexe, pas spécialement lyriques et inutiles pour faire passer un message.

Perdue par la construction, agacée par la lubricité des personnages, j'aurais bien usé d'une accélération temporelle pour avancer dans le récit et en finir. Il est hautement probable que je ne persévérerai pas dans la découverte de cet auteur, ou alors il faudra des arguments massue pour me convaincre. Et c'est dommage car malgré tout, le roman réfléchit sur le sens de la vie, la course au bonheur, le destin. C'est vraiment la question de la forme qui m'empêche d'accéder à ces messages.


496 pages Grasset 29 Août 2018


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Un magnifique roman islandais, un texte pas si facile d'accès, mais d'une grande qualité d'écriture et d'émotion.

Avec ses chapitres discontinus qui passent des souvenirs d'un homme étendu sur le sol pour mourir aux lettres d'une femme à son amoureux ou aux réflexions d'un écrivain, il n'est pas facile de s'y retrouver. Il faut accepter le plaisir de s'immerger dans les mots et ne pas chercher à tout comprendre au départ, faire comme quand on rencontre une nouvelle personne, on apprend peu à peu à la connaître sans qu'elle nous raconte son histoire de façon chronologique.

Asta, c'est le nom d'une jeune fille du roman, mais « ast », c'est aussi un mot qui signifie amour en islandais. Et c'est beaucoup d'amours qu'on trouvera dans ce livre. L'amour d'un homme pour une femme trop belle, l'amour-passion qu'on assouvit sur la table de la cuisine, l'amour d'une mère qui ne sait pas vraiment aimer, l'amour qu'on cherche, qu'on perd et qui brise les coeurs.

Le roman, c'est aussi celui de la littérature. Un frère poète, un écrivain qu'on héberge comme attraction dans un lieu touristique, les livres qui font partie de la vie car : « Écrire, c'est lutter contre la mort » (p. 81)

Un livre touffu, rempli d'émotions et de bien jolies citations.
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Ásta est pour moi le roman magnifique d'un auteur, Jón Kalman Stefánsson, que j'avais eu le plaisir de découvrir lors de la lecture de son merveilleux livre, Entre ciel et terre.
Ce roman pourrait rebuter le lecteur au premier abord. À cause de son épaisseur, 491 pages, ce n'est pas rien. Et puis, en raison de sa façon de casser l'ordre des choses, ne pas suivre la chronologie classique d'une histoire. C'est pourtant sans doute ici, à mon avis, l'une de ses forces, sa lumière, sa façon non pas de remonter le temps mais d'aller puiser ici et là, un peu dans le désordre d'une mémoire qui vacille, chercher des voix, des musiques aussi, se raccrocher à cela comme à des bouées de sauvetage...
Ainsi, Sigvaldi, artisan peintre en bâtiment, tombe d'une échelle et tente un instant de se raccrocher au rideau du temps et l'emporte avec lui dans sa chute. Il est le père d'Ásta. C'est un peu comme si, tombant de cette échelle, allant frapper le trottoir d'en bas, il avait cherché à se retenir à quelques souvenirs, mais en définitive entraînant dans cette chute tout un monde fait de bonheur et de malheur.
Ásta est un magnifique portrait féminin, féministe aussi, le personnage revendique dans son parcours cet engagement. Elle est malmenée par la vie. Tour à tour vibrante comme la corde d'un instrument de musique qui vivre, puis mélancolique et touchée par la douleur...
Il est difficile de raconter cette histoire, il y a plusieurs histoires qui s'entremêlent, d'ailleurs ce n'est pas l'objet de mon propos. C'est une famille bousculée par les aléas de la vie, comme tant d'autres vies, les personnages de cette famille sont malmenés, meurtris, blessés, rêvent aussi, espèrent. Rebondissent parfois, d'autres s'effondrent dans l'alcool, la désillusion, la chute depuis une échelle...
Le paysage d'Islande joue aussi un rôle fondamental. Est-il possible d'être heureux et d'aimer dans une terre de désolation ? Ce n'est pas moi qui le dit mais un des narrateurs... Pourtant la nature devient parfois un personnage à part entière, notamment quand une partie du récit s'en va du côté des fjords de l'ouest. Ici, le ciel se donne en spectacle.
Comme en Bretagne, il semble que là-bas aussi la terre sent bon après la pluie. J'ai toujours adoré la pluie pour cela.
Les personnages ont parfois peur d'aimer car ils ont l'impression d'aimer pour la première fois. Parfois ils ont l'impression de se retrouver dans des impasses. « N'est-il aucun chemin qui nous mène hors du monde ? »
C'est un livre qui parle de maternité, de paternité, de déracinement, du bonheur d'exister et puis forcément d'amour. A quoi reconnaît-t-on l'amour ? C'est la question que se pose un des personnages du livre. Les souvenirs sont présents. L'éternité s'invite ici comme pour prolonger l'espoir des personnages et la limite du paysage.
Ásta est un très beau personnage, dans tous les sens du terme, qui évoque la mélancolie, la passion, la curiosité, l'impatience.
Ásta est une enfant abandonnée sans l'être vraiment.
Pourtant, ce sont les personnages secondaires, ceux qui sont dans l'ombre de ce texte, qui m'ont le plus touché.
Il y a tout d'abord cette nourrice, sa présence tout au long du roman, même lorsqu'elle n'est pas physiquement présente. D'ailleurs, elle n'est quasiment jamais là, on ne la voit pas, mais elle est là pourtant, à travers le regard d'Ásta, son souvenir, dans ses lettres, sa douceur est là, sa chaleur humaine, la confiance d'Ásta en elle.
J'ai été aussi épris d'émotion pour cette petite vieille qui s'appelait Kristín. Son fils est paysan. C'est là-bas dans cette ferme du côté des fjords de l'ouest qu'Ásta, recueillie pour un temps, va rencontrer Jósef.
Le travail d'Ásta et de Jósef consiste à enlever des pierres dans un champ immense.
Kristín se perd dans l'été, se réveille parfois à une autre époque, souvent en 1910, c'est-à-dire cinquante-cinq ans avant. Son fils l'attache à un poteau pour ne pas qu'elle s'égare dans le paysage. Parfois elle réussit à faire des fugues et quand on la retrouve, elle pleure en silence. Elle aussi a un secret qui sera révélé dans ce récit.
Souvent la pluie apporte une douce mélancolie au récit, la pluie d'été, la pluie d'automne. Il y a aussi un été dans ce roman, cet été qui allume des étoiles dans le ciel d'août.
Et tandis que Sigvaldi n'en finit pas de dégringoler de son échelle, nous n'en finissons pas de descendre dans les paysages intimes de nos vies, comme Kristín qui s'égare dans un champ de pierres, bascule brusquement soixante ans en arrière, ressemble forcément à nos vies, à nos proches...
Dans ce livre, j'ai aimé aussi la bande son. C'est un livre sonore. Nina Simone, tout d'abord qu'Ásta adore. Mais il y aussi Chet Baker. Je ne sais pas si c'était un hasard ou pas de la part de l'auteur. Il s'avère que Chet Baker est mort en tombant depuis la fenêtre d'une chambre d'hôtel à Amsterdam.
Je referme ce livre magnifique tandis que Nina Simone chante I put a spell on you.
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Je suis très heureuse d'avoir enfin fait la connaissance de Jon Kalman Stefansson.
Il m'est toujours agréable de me plonger dans les pages d'un auteur célèbre, dont je connais à peine le nom.
Cette immersion en terre islandaise a été une découverte assez déconcertante dans les premières pages. J'ai été déroutée par le manque de linéarité dans le récit, Jon Kalman Stefansson n'hésitant pas à nous balader d'un personnage à l'autre, d'un pays à l'autre avec souvent quelques décennies d'écart.

Mon plaisir a commencé lorsque j'ai accepté de me laisser guider à l'aveugle par un auteur ô combien talentueux, sur les pas d'Asta, superbe héroïne née de la passion brûlante entre Sigvaldi et Helga.
Toute l'histoire d'Asta nous est relatée par Sigvaldi étendu sur un trottoir après avoir chuté de l'échelle sur laquelle il travaillait.
Cette vie qui le quitte peu à peu est intimement liée à celle de sa fille Asta.

Jon Kalman Stefansson a l'art de tisser les destins, dresser les portraits des protagonistes, croiser leurs regards et nous raconter les péripéties de leur vie. Chaque personnage est brossé avec beaucoup d'application et une grande sensibilité.

« Asta » est un roman foisonnant porté par une écriture lyrique, sensuelle qui mélange les époques et les personnages. J'ai adoré me perdre dans ces lignes pour mieux me retrouver dans cette Islande grandiose aux paysages époustouflants magnifiquement décrits.

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ll n'est pas simple de résumer en quelques mots cette saga qui se déroule en Islande des années 50 à nos jours autour d'Asta (sans le a en islandais ce prénom signifie amour) et de Sigaldi son père ainsi que de tous ceux qui ont compté dans leur vie.
Ce roman est tellement riche qu'on a l'impression que face à un festin, on a décrit chichement un misérable amuse bouche.
Asta est une saga mélancolique qui envoûte au fur et à mesure de la lecture ; au fur et à mesure que Sigaldi -peintre en bâtiment victime d'une chute d'échelle et allongé sur le trottoir, incapable désormais de bouger- se remémorait des épisodes de sa vie ; au fur et à mesure que l'on découvre les lettres écrites par Asta à celui qui partageait sa vie.
Asta est une saga exaltante tant il y est question de poésie, du pouvoir de la musique, du rôle de l'écrivain par rapport à ses personnages (le narrateur apparaît ainsi lors de plusieurs chapitres) sans jamais tomber dans l'exposé. Au contraire Jón Kalman Stefánsson a le don de mêler idées et actions, sensations et images...suite sur blog
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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#Asta #JonKalmanStefansson #MRL18 #Rakuten
Une très belle lecture pour cette participation aux Matchs de la Rentrée Littéraire Rakuten.
Un grand merci aux organisateurs et aux marraines toujours très inspirées dans leur choix de livres.

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Un jour, Sigvaldi tombe de son échelle.

Allongé sur le sol, sa vie se déplie en flashs de souvenirs depuis son enfance jusqu'à cet âge mûr qui l'a peut-être fait perdre l'équilibre. Une vie, ça se remplit d'amour, d'amitié, de regrets, de rancoeur, même de haine. Elle peut aussi être source de culpabilité, pour lui, père incertain d'Ásta, à l'enfance cabossée par le désamour de ses parents.

Ásta aussi se raconte ou est racontée par d'autres voix. Car elle est la pierre angulaire de tous ces destins, ces êtres qu'on croise, dont on s'approprie si peu ou si vite l'intimité fragmentée, et que la mémoire collective perdra. Il y a tant de possibilités de rencontres, de choisir son chemin librement. Une existence de mortel passe si vite, déterminée par des choix judicieux ou malheureux.

Cet éphémère de destins multiples est-il le terreau de la création littéraire? Question essentielle de l'écrivain qui s'invite dans le récit, tel un biographe de tous ces anonymes qui vivent et seront oubliés irrémédiablement.

C'est un livre à tiroirs qui brouille l'espace-temps et les individus. Il faut tout remettre d'aplomb en établissant peu à peu une chronologie et des liens entre les personnages. On se prend aisement au jeu des indices placés au fil de la lecture, écoutant chacun apporter voix au chapitre par des lettres, des récits et des poèmes.

Un beau roman sur l'éphémère et le temps qui passe, singulier dans sa construction narrative, pétri d'humanité, illustré par l'identité islandaise, l'ambiance si particulière de ces paysages et de ce climat tourmenté.

(Mention spéciale pour la couverture qui se comprend au fil du récit et pour la qualité de la traduction).
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Deuxième livre de cet auteur islandais ( après les poissons n'ont pas de pied )
Et à nouveau ce même sentiment de construction complexe , avec beaucoup d'aller retour et l'impression d'avoir le tournis temporel mais aussi de perdre le fil parfois des personnages.
Pourtant, cet exercice de style manipule à merveille le lecteur et nous ballade entre les époques de la vie d'Asta . Il le fait à travers les souvenirs du père qui vient de tomber d'une échelle en Norvège où il vit désormais , un narrateur...
Asta est la fille d'Helga , pulpeuse version nordique d'Elizabeth Taylor, et de Sigvaldi, pêcheur et peintre, sans doute moins pulpeux. Très vite , On comprend que le couple se déchire , se sépare et confie Asta à une nourrice. Il est difficile d'en dire plus , les aller retours dans ce puzzle géant laissant planer beaucoup d'énigmes.
On s'attache forcément à Asta, à son exil dans les fjords de l'Ouest, à la construction de sa personnalité, à ses relations compliquées avec ses parents. Très vite , sa fille apparait mais pas le père.Toujours ce jeu avec le lecteur.
Jeu qui malgré quelques longueurs vaut la lecture.
On regrettera cependant que l'auteur nous balance de gros poncifs , du style "La vie c'est bien" (ce n'est qu'une image). Il doit être coutumier du fait , il l'avait déjà fait dans les poissons.
On se ballade en Islande où il semblerait que le dernier des habitants est féru de poésie et où les touristes passent pour des gros nazes en payant le prix fort pour vivre des expériences de vie que l'on ne souhaite pas à son pire ennemi.Islande, où l'eau, la pêche , la nature ...et le manque de clarté semblent poser les fondements de la vie avec la gnôle.
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Encore une fois j'ai été bercée par la magie du texte, ces récits croisés d'êtres au destin difficile, dans un pays au climat rude mais aux paysages grandioses, où certains en perdent la tête, comme ailleurs, alors que la vie continue…

Ásta si belle mais abandonnée par sa mère puis délaissée par son père, laisse elle-même son enfant grandir loin d'elle. Perdue dans la nostalgie d'un amour de jeunesse, elle laisse partir celui qu'elle aurait pu aimer, puis fuit à travers l'Europe, Vienne, Prague, Oslo, sa destinée, la folie alcoolique de sa mère, le souvenir de son amant disparu trop tôt, l'ambivalence de son petit pays envahi par les touristes, qui ne sauront jamais ce qu'étaient leur vie.

Un très beau texte qui déroule les derniers instants d'un homme, Sigvaldi, le père d'Ásta, qui en mourant revoit sa vie et peut-être ce qu'il a manqué… Et toujours cette poésie magnifique, qui même traduite arrive à nous toucher car les mots et les sentiments qu'elle véhicule sont universels.
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Explorer et découvrir de nouveau horizons, c'est ce que m'a permis la lecture de ce nouveau roman de l'écrivain islandais, Jón Kalman Stefánsson : Ásta, et son sous-titre qui laisse rêveur (Où se réfugier quand aucun chemin ne mène hors du monde).

Je me suis donc laissé emporter en Islande, balloté parfois entre les fréquents changements d'époque et de point de vue, l'écrivain revenant régulièrement dans le jeu ce qui lui permet de mettre en exergue l'invasion touristique de son île.
L'histoire d'Ásta m'a fait frémir, souffrir et j'ai regretté que tant de possibilités soient gâchées au cours de cette vie si intense, marquée d'abord et avant tout du sceau de l'amour. L'amour sans tabou, sans retenue apporte tant de joies, tant de bonheur mais lorsqu'il est avant tout prioritaire, il peut mener à la catastrophe et causer d'irréversibles dégâts comme cela est bien démontré tout au long des péripéties de la vie de la seconde fille d'Helga et Sigvaldi.
Sigvaldi, justement, est fort mal en point après sa chute d'une échelle, en Norvège cette fois, sur ce trottoir où une femme recueille ses derniers mots. La mort menace toujours : « Certains collectionnent des timbres, d'autres des livres, d'autres encore de l'argent, la mort collectionne les vies et elle n'en a jamais assez, il lui reste toujours de la place. »
Ce sont des vies qui commencent bien, ont tout pour réussir mais tournent mal : « Il est impossible de vivre sans faire de bêtises », affirme l'auteur qui le prouve et nous emmène loin de Reykjavik, dans les fjords de l'ouest où, dans une ferme, on se charge de remettre dans le droit chemin les ados récalcitrants. Ásta est de ceux-là et ce séjour constitue une des périodes les plus intrigantes du roman car elle y rencontre Jósef, du même âge. Ils travaillent pour Árni et Kristín, sa mère. Que j'ai aimé ce passage sur le foin dans cette partie intitulée : « Condensé de l'Histoire de l'Islande. » ! Quand la vie ou la mort des paysans dépendait de la quantité de foin engrangée durant l'été… C'était pareil dans bien des campagnes françaises.
Ces passages sont révélateurs de l'esprit profond des gens de ce pays comme les références fréquentes aux auteurs et poètes auxquels Stefánsson se réfère. de plus, je l'ai déjà laissé entendre, la structure de ce roman n'est pas ordinaire et l'originalité se retrouve dans la présentation des différents chapitres qui n'en sont pas exactement. Un début de phrase commence au milieu d'une page blanche… et se poursuit deux pages plus loin. Cela m'a étonné mais j'ai complètement adhéré, ce qui a contribué à faire de la lecture d'Ásta un bon et long moment de plaisir.
Ásta, cette héroïne que j'ai suivie, abandonnée pour connaître de façon plus détaillée la vie d'Helga, sa mère, ou d'autres personnages secondaires, se confie même au cours d'une série de six lettres auxquelles il faut ajouter un autre courrier venu de l'abîme mais dont je ne peux citer l'auteur.

Je me suis régalé. J'ai été patient. Je me suis laissé emporter par le style de Jón Kalman Stefánsson qui sait être poétique, direct, éloquent, précis, trivial, énigmatique parfois et fournit enfin un épilogue qui ne résout pas tout mais qu'importe, le régal était complet.


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