Les patrons de la presse nationale : Tous mauvais

Jean Stern débute sa carrière de journaliste à Libération en 1985, mais il suit de près l'actualité du Monde. En 2012, il publie aux éditions La Fabrique Les patrons de la presse nationale. Tous mauvais, qui retrace principalement l'histoire des deux structures, et à travers elles, l'évolution de la presse en France depuis 1945. Il en dresse un bilan désastreux, déjà annoncé sur la 4e de couverture : « La presse va mal en France parce que les patrons du CAC 40 ont mis la main dessus ».

Serge Dassault, Vincent Bolloré, Xavier Niel, Bernard-Henri Lévy, Arnaud Lagardère sont les figures régulièrement évoquées dans ce livre. le fil de l'histoire est difficile à suivre avec les grands patrons qui investissent dans plusieurs journaux, indépendamment de leur orientation politique, puis revendent leurs parts pour investir dans d'autres sociétés de presse. Cette organisation est la même que dans les médias audiovisuels, comme le décrit le livre de Serge Halimi paru en 1997, Les Nouveaux Chiens de garde, qui sera adapté en documentaire en 2012.

Les actionnaires de la presse utilisent ce média à des fins personnelles : « Dans ce monde de grands patrons où les haines souvent farouches sont nombreuses, où la puissance égale la défiance, la presse est aussi une arme entre eux-mêmes. Une arme de dissuasion qui peut charger le rival, sortir une affaire pourrie. Ils ont les uns et les autres des cibles, des rancoeurs, des cadavres dans les placards ».

Patricia Barbizet, classée parmi les 20 femmes d'affaires les plus puissantes au monde, siège aux Conseils d'administration de TF1, Total, Air France, l'Opéra de Paris ou encore la Réunion des musées nationaux. Ainsi, tout est lié : culture, firmes multinationales, médias, mais aussi politique grâce aux relations étroites qu'entretiennent les chefs d'État ou les ministres avec les grands patrons.

Les rédactions ne peuvent pas révéler des affaires qui compromettraient les actionnaires de la société de presse pour laquelle elles oeuvrent. Les propos de Xavier Niel (fondateur de Free et actionnaire de plusieurs sites comme Deezer ou Société.com) l'illustrent bien : « Quand les journalistes m'emmerdent, je prends une participation dans leur canard et ensuite ils me foutent la paix ». On pourrait penser qu'il reste des médias un peu plus respectables, comme Mediapart, mais là encore, on se rend compte que Xavier Niel a investi dans le site d'information en ligne.

L'épilogue évoque la situation précaire des journalistes, avec l'apparition d'un journalisme low cost notamment aux États-Unis, où les pigistes d'agences de presse d'un genre nouveau, appelées « fermes de contenus », produisent à la chaîne des articles revendus à faibles coûts. À Paris, l'agence Relax News fonctionne déjà sur le même principe, et revend des articles à des quotidiens, des magazines ou des sites web. Et parmi ses actionnaires, on retrouve bien-sûr Serge Dassault.