Deuxième couplet, mieux que le premier !
J'avais bien aimé le premier, déjà. Mais ici ça devient carrément passionnant. Surcouf a pris du poids en expérience. Il a laissé son côté chien fou au vestiaire de son adolescence. Il est devenu un corsaire efficace, rusé et brutal quand c'est nécessaire ; un très bon tacticien de la guerre en mer.
Les scènes d'abordage de Guy Michel, par leur manque de précision – volontaire, je suppose – et leur aspect crayonné de dessin pas terminé, traduisent parfaitement la confusion des engagements, comme si la violence de la bataille gommait le trait du crayon. Mais comme d'habitude j'ai été plus impressionné par les raisonnements tactiques de Surcouf, sa capacité à renoncer au combat quand la proportion des forces est à son désavantage, son acuité à utiliser le terrain, la nuit, les circonstances. L'homme est toujours plein de surprises pour son adversaire anglais et – ça, ça m'a surpris – parfois américain.
Arnaud Delalande et
Erick Surcouf montrent que Surcouf avait presque plus maille à partir avec le Directoire qu'avec l'Anglois. Après bien des victoires, voilà t'y pas qu'on vient lui confisquer ses navires qui appartiennent à la Nation. Il lui faudra aller se battre en procès et défendre sa cause devant le conseil des Cinq-cents.
Les auteurs reviennent encore sur les passages sombres de sa carrière, alors qu'il commandait un vaisseau négrier. Ils n'en finissent pas d'expliquer les raisons et son changement de vision progressif sur la traite. Il y a comme un besoin d'effacer une tache sur un portrait par ailleurs immaculé.
Et bien sûr il y a l'intrigue secondaire : ce Jonas Wiggs faux commerçant américain, faux journaliste au Times, vrai espion anglais chargé des basses besognes, qui embarque aux côtés du corsaire. Surcouf n'est pas dupe, mais quand on a trois couches d'identité et que la première est décelée, on croit à la seconde, si bien que la couverture reste efficace. Mais Jonas n'est pas une machine ; il est séduit par la personnalité de Surcouf. Ce balancement est une réserve de bon suspense.
Eh bien il n'y a plus qu'à se préparer au tome 3 en vidant une bonne bouteille de rhum.
Non là il est encore un peu tôt.