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Gallimard (18/10/2012)
2.62/5   4 notes
Résumé :
La bibliothèque du voyageur Gallimard offre dans ce recueil inédit des regards insolites, inspirés et artistiques, sur trois de ses destinations emblématiques en Asie : la Chine, avec Qian zhongshu, l'Inde avec Rabindranath Tagore, enfin le Japon, avec Ryûnosuke Akutagawa.

Chine - Inspiration, de Qian Zhongshu
"L'écrivain le plus célèbre" de Chine, à l'ego démesuré, meurt de déception après son évincement du Prix Nobel. Face au "Directeur de l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'ASIE EN TOUTES LETTRES.

Quelle délicieuse initiative que celle-ci : donner à découvrir, pour l'achat d'un guide de la merveilleuse collection de la «Bibliothèque du Voyageur», cette invite permanente au voyage, aux cultures, à la découverte de contrées et de paysages plus ou moins lointains, trois nouvelles de trois des plus grands auteurs chinois, indiens et enfin japonais du XXème siècle, dans un petit ouvrage répondant au nom, digne de Gobineau (grand orientaliste, bel écrivain voyageur loué par Nicolas Bouvier, mais épouvantable raciste et antisémite notoire par ailleurs), de «Nouvelles asiatiques».

On y rit, non sans grincer des dents, mais d'assez bon coeur avec «Inspiration» de Qian Zhongshu, première nouvelle qui fait le portrait "d'un écrivain célèbre, dont nous ignorons le nom !", tant la notoriété de cet homme fit qu'il était devenu, pour tous "l'Auteur" sans même à s'inquiéter de retenir son patronyme, lequel, ne recevant pas le Prix Nobel pourtant très largement mérité selon ses admirateurs et lui-même (pour la raison que les vieilles badernes de Stockholm ne peuvent lire leurs futurs lauréats que dans des langues européennes de premier plan, et que la traduction de notre impétrant fut passablement loupée), meurt, se retrouve en enfer - un Enfer bien moins terrible que ce qu'on imagine, puisque la vie sur terre en a pris tous les attributs ! - et se retrouve jugé par... ses propres créatures de papier qui lui reprochent de ne les avoir qu'esquissés, rendant leur existence d'outre-monde parfaitement insupportable, monstrueuse !
Un réquisitoire terrible et d'un cynisme assumé contre les écrivains se prenant pour plus qu'ils ne sont réellement...

La seconde nouvelle est de l'indien - et prix Nobel (sic !) - Rabindranath Tagore, aujourd'hui un peu oublié aujourd'hui mais qui connu son heure de gloire internationale dans la première moitié du XXème siècle et même un peu au-delà (avec le "revival" hippie). Il y est question ici d'un vieil homme très riche, un zemindar (une sorte d'équivalent hindou des fermiers-généraux de la fin de l'ancien régime), décidant de se consacrer pleinement à ses affaires spirituelles et qui abandonne pour cette raison ses affaires temporelles à son fils, un être froid, calculateur, rusé, certes dans ses droits quant à sa rigoureuse application de la Loi, mais sans aucune espèce d'état d'âme ni de compassion à l'égard des individus qui vivaient jusque-là sous la conciliante et généreuse administration de son père.
Un seul de ses administrés lui résiste mais lorsque son père apprend que son fils est en train d'acculer cet homme et sa vieille mère à la ruine, celui-ci sort de son temple et de sa retraite pour admonester son héritier et lui intimer l'ordre de rendre toutes ses possessions à cet homme... Un témoin de cette scène fait son enquête et comprend, à partir de ses conclusions, comme les êtres humains peuvent pratiquer une certaine forme de sainteté bien qu'en réalité ce sont, tout au long de leur existence, de parfaits tartufes.

L'ultime nouvelle proposée ici est, sans le moindre doute, la plus profonde, la mieux composée - presque à la manière d'un roman très ramassé, séparé par de courts chapitres -, la plus complexe. On la doit au très grand écrivain japonais (assez méconnu chez nous), Ryunosuke Akutagawa, qui a donné son nom, de manière posthume et parfaitement involontaire, au prix littéraire nippon le plus prestigieux de l'archipel. Celle-ci s'intitule «Engrenage» et elle conte, par des raccourcis saisissant ainsi qu'un sens dramatique implacable au travers d'une écriture précise, presque froide, toujours parfaitement juste, l'engrenage impitoyable de la folie qui atteint, pas après pas, le narrateur du texte qui, double jeu abyssal, semble n'être autre que l'auteur lui-même. Se référant, entre autres, à deux immenses prédécesseurs et, si l'on peut dire, experts en matière de folie, d'hallucinations diverses, de malaises existentiels, à savoir au suédois August Strinberg et à son Inferno (qu'il ne cite jamais directement mais on comprend très bien la référence) ainsi qu'à, peut-être, notre plus grand nouvelliste, le normand Guy de Maupassant (identiquement le Horla n'est jamais explicitement mentionné, mais on saisit très vite la parenté), Akutagawa nous entraîne avec un art consommé du rythme vers les rivages mouvants et flous qui se situent entre fantastique assumé (fantômes, vêtements qui apparaissent et disparaissent sans raison, coïncidences impossibles, etc) et avancée inexorable vers cet autre état de la conscience que nous définissons tellement rapidement sous ce vocable facile de folie.
Cette nouvelle prend un sens encore plus singulier et tragique lorsque l'on sait que, publiée à titre posthume, celle-ci décrit probablement cette angoisse terrible d'un écrivain qui se suicidera de crainte d'être atteint du même mal que celui qui emporta, dans la fleur de l'âge, sa propre mère !
Une nouvelle forte et dérangeante tout à la fois, qui mérite à elle seule l'intérêt que l'on peut porter à ce trop bref recueil.

L'ouvrage n'a, finalement, qu'un seul véritable défaut : dans la mesure où il était offert pour l'achat d'un autre ouvrage, il n'est pas commercialisé - je remercie au passage cette excellente librairie du centre de St Denis (93) mais dont j'ai aujourd'hui oublié le nom, et qui cédait nombre de ces ouvrages gratuits pour l'achat de n'importe quel autre livre ! Il m'aura fallu bien du temps pour le dévorer (il date de 2012 et je n'ai dû me le procurer qu'en 2014), mais comme le veut l'adage : mieux vaut tard que jamais !
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
- Ici, c'est ce qu'on appelle l'"Enfer" dans le monde des humains, répondit calmement le Barbu, dont l'intonation glaciale fit descendre jusqu'au point de congélation l'air noir qui entourait ces mots.
Affolé, l'Écrivain s'exclama en bondissant de sa chaise : «Quel scandale ! la conduite de toute ma vie ne mérite pas une telle punition : descendre en Enfer pour y souffrir !»
D'un geste de la main, le Barbu le pria de se rasseoir et lui dit : «Ne vous tracassez pas ! Il y a longtemps qu'un tel Enfer a été transféré dans le monde des hommes. Absorbé par votre labeur, vous n'étiez pas au courant de ce qui se passait autour de vous. Oh, cela n'a rien d'étonnant...»

[extrait de la nouvelle «Inspiration» du chinois Qian Zhongshu]
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Maintenant, il acquérait la conviction qu'une enquête sérieuse aurait pour résultat de démasquer tous les hommes soi-disant «pieux». Ils ont beau réciter leur chapelet à l'infini, pensait-il joyeusement , tous les êtres humains sont aussi mauvais que moi. La seule différence qui sépare l'homme bon de l'homme mauvais est que le premier sait dissimuler, tandis que l'autre agit ouvertement.

[Extrait de la nouvelle «La clé de l'énigme» de Rabindranath Tagore]
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Je dénichai finalement le passage et m'y engageai dans la boue des ornières. Or, j'avais dû à un moment quelconque faire fausse route car je me retrouvai soudain devant la salle des funérailles d'Aoyama. Cela faisait bien dix ans que je n'étais plus repassé devant ce bâtiment, depuis exactement la cérémonie funèbre de Natsume Sôseki. Dix ans plus tôt non plus je n'étais pas heureux. Mais j'étais au moins en paix. Les yeux fixés sur la plage de gravier qui s'étendait à l'intérieur du portail, je revis le bananier de la «Villa Sôseki». Je ne pouvais m'empêcher de sentir que ma vie était elle aussi arrivée à échéance. Et je ne pouvais non plus me défendre du sentiment que ce n'était pas le hasard qui, au bout de dix ans, avait conduit mes pas jusqu'ici.
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Chez nous, lors d'un deuil, on porte des habits blancs, tandis que chez eux on s'habille en noir.
Donc, si leurs fonctionnaires intègres portent une perruque blanche, les nôtres, en signe d'équité, doivent laisser pousser sous leur mâchoire inférieure une barbe noire. Ainsi seront satisfaits, sans préjudice pour les catégories qu'ils ont établies, ceux qui aiment à opposer les civilisations orientales et occidentales.
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Videos de Rabindranath Tagore (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Rabindranath Tagore
Lecture de Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman et concert autour des oeuvres de Théodore de Banville, Gérard de Nerval, Paul Eluard et Rabindranath Tagore.
« C'est l'angoisse de la séparation qui s'épand par tout le monde et donne naissance à des formes sans nombre dans le ciel infini. C'est ce chagrin de la séparation qui contemple en silence toute la nuit d'étoile en étoile et qui éveille une lyre parmi les chuchotantes feuilles dans la pluvieuse obscurité de juillet. C'est cette envahissante peine qui s'épaissit en amours et désirs, en souffrances et en joies dans les demeures humaines, et c'est toujours elle qui fond et ruisselle en chansons. »
L'Offrande lyrique, Rabindranath Tagore, traduit par André Gide.
Ces émotions douces et amères qui nous secouent ne sont-elles pas universelles ? Ne sont-elles pas l'essence même de notre existence ? Deleyaman, groupe franco-américain dans la veine céleste de Dead Can Dance, aborde ces questions vibrantes, parle d'art, d'amour, de beauté et de contemplation comme des réponses à nos contraintes existentielles.C'est une amicale collaboration artistique entre le groupe et Fanny Ardant qui a donné naissance à cette création. Au travers d'un texte lu, elle dialogue avec le groupe sur une musique créée par Deleyaman. Avec le son du doudouk, le groupe d'Aret Madilian interprétera les titres français de sa discographie
Fanny Ardant : voix Béatrice Valantin : voix, clavier Aret Madilian : piano, clavier, guitare, percussion Guillaume Leprevost : basse, guitare Artyom Minasyan : doudouk, plul, pku Madalina Obreja : violon Gérard Madilian : doudouk
Création en partenariat avec le Trianon Transatlantique de Sotteville lès Rouen – Scène conventionnée d'intérêt national art et création chanson francophone.
À écouter – Deleyaman, « Sentinel », 2020. Plus d'informations sur www.deleyaman.com À écouter : https://deleyaman.bandcamp.com/album/sentinel
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