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"Non mais non. Mais dis le donc,
Dis-moi-le donc, ce non
Ce non-dit-ci, dis-le-moi donc" Olivia Ruiz

Non, c'est non !" L'histoire que je veux retracer est celle des refus oubliés, effacés, incompris, ou irrecevables"
Pourquoi ce "NON" des femmes signifie une... invitation à un autre genre de séduction, pour certains hommes?

"NON" , ce refus a existé sous la plume de Christine de Pizan ou Marguerite de Navarre, ou de Mme de Sévigné. Mais, on l'a escamoté afin de renvoyer les femmes à leur condition de faibles femmes.

La galanterie avait été inventée par ...Les Précieuses pour contrer les agressions sexuelles et le viol ( monnaie courante à l'époque, lors des mariages avec des petites filles de 13 ans!)

Mais Molière ridiculisa ces femmes, avec ses "Précieuses ridicules"!
Gisèle Halimi, Mona Chollet ou Valérie Rey-Robert ( contrairement à Deneuve) parlaient de faire disparaître la galanterie, qui asservit les femmes.

Dans La Belle et la bête,( pas celui de Disney) La Bête ne sait rien refuser à Belle, il lui permet de rendre chez elle, et revoir son père.
Il a besoin du consentement de Belle( pour briser le maléfice dont il est l'objet,) pour arriver dans son lit
Sans cela, la Bête ne peut redevenir un.. Homme ( et un Prince Charmant)

Et quand il se met au lit... il ronfle !
Belle peut se coucher, et encore dire NON !
@https://www.babelio.com/livres/Leprince-de-Beaumont-La-Belle-et-la-Bete-et-Autres-contes/172831/critiques/3867493

Relisez avec l'auteure: le petit Chaperon rouge, Andromaque et Bérénice de Racine (ou l'art de larguer un empereur en 5 actes:)
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Au non des femmes, au-delà du jeu de mot, tout est dans le sous-titre de cet essai de la chercheuse spécialisée en littérature de l'Ancien Régime, Jennifer Tamas : Libérer nos classiques du regard masculin.
Savez-vous quel point commun existe entre le petit Chaperon rouge, Bérénice, la Princesse de Clèves, Marilyn Monroe ou bien encore Hélène de Troie ? Je parle bien d'Hélène de Troie, pas de notre chère Hélène de Normandie que je salue ici, bien que j'ai cru comprendre qu'elle avait quelque attache avec la ville de Troyes. Je sens que vous mourez d'envie que je vous donne tout de suite la réponse...
Je vous dirai tout d'abord que l'idée de cet essai vient bousculer nos propres représentations, mais autant du côté féminin que du côté masculin, chacun en prend un peu pour son grade et c'est cela que j'ai trouvé excitant dans ce texte pétillant d'érudition et d'intelligence.
Jennifer Tamas commence par aborder la misogynie des contes de fées. Vous me direz, c'est facile... Que se cache-t-il derrière l'image des belles endormies des contes de fées de notre enfance ? La belle au bois dormant ? Cendrillon ? La Belle et la Bête ? Peau d'âne ? Ces jeunes femmes qui attendent qu'un prince charmant vienne les délivrer... Pour beaucoup de femmes, ces contes de fées sont l'enfer, les héroïnes sont maltraitées d'une certaine manière, certains courants féministes y ont même lu la culture du viol.
Les contes de fées ne s'adressent-ils pas aux petites filles qui doivent faire attention et suivre le droit chemin tracé pour elles ?
Qui a-t-il derrière ces grandes héroïnes tragiques qui ont toujours l'air d'attendre que le destin décide à leur place ? Et si toutes ces femmes de papier qui ont façonné notre imaginaire n'étaient pas si soumises qu'on veut nous le faire croire ? Et si on avait tout simplement mal lu ce qui était écrit au départ ?
C'est ce que nous explique Jennifer Tamas dans Au non des femmes, un essai absolument redoutable où elle met à jour la portée féministe de certaines oeuvres classiques de la Belle au bois dormant aux Liaisons dangereuses en passant par Andromaque ou la princesse de Clèves.
C'est l'occasion de démonter certains clichés qui ont la vie dure, l'idée tenace qu'on s'en fait depuis des siècles...
Jennifer Tamas commence par demeurer provisoirement sur sa zone de confort, le monde qu'elle connaît parfaitement, - la littérature du 17ème et du 18ème siècle. Il n'empêche qu'elle y prend de solides points d'appui pour visiter notre monde contemporain.
N'y aurait-t-il pas des refus enfouis, ou des façons de dire non qu'on n'aurait occulté trop vite dans cette littérature dite ancienne ? Elle en revient aux origines et s'interroge sur les raisons pour lesquelles aujourd'hui encore on fait ce mauvais procès d'intention de cette littérature de l'Ancien Régime, alors elle cherche à déconstruire ces croyances.
L'idée du refus est le fil rouge qui va relier les différents chapitres et les différentes héroïnes que va mettre en relation Jennifer Tamas dans une sororité traversant les âges.
Ainsi Jennifer Tamas, avec beaucoup de courage mais de lucidité aussi, aborde le sujet ô combien tarte à la crème qu'est celui de la galanterie. Ce thème n'est pas nouveau et avec rigueur Jennifer Tamas décrypte les procès d'intention qui lui ont été fait.
Sur ce sujet, le mouvementent #MeToo a été forcement un élément déclencheur. Pour qui ? Pourquoi ? Parce que tout d'un coup on a entendu des femmes parler de la galanterie, des féministes se sont emparé de ce sujet, soit pour incriminer la galanterie disant qu'il fallait s'en extraire afin de réinventer l'amour, soit au contraire l'ont défendue, et pourtant toutes se disaient féministes. Ce sujet n'est pas nouveau, Gisèle Halimi dénonçait déjà la galanterie qui asservissait les femmes, jouant le jeu des hommes.
Visitant les textes de l'Ancien Régime qu'on nomme l'âge galant, c'est l'occasion pour Jennifer Tamas de déconstruire les malentendus, les préjugés sur ce concept de galanterie, de montrer comment les femmes construisent cette galanterie pour penser les rapports de pouvoir, les rapports de sexe et les rapports de séduction, puis se retirer de ce silence auquel on les a invitées.
Repenser ce consentement, repenser la galanterie pour essayer de comprendre ce mot galvaudé dont on a une idée un peu édulcorée, lui rendre sa vision politique, qu'il y a certes un mauvais usage de la galanterie, c'est ce que dénonce Madame de la Fayette dans la princesse de Clèves, avec un duc de Nemours qui paraît respecter les codes galants et se révèle en véritable harceleur à la fin, mais qu'il existe aussi un bon usage de la galanterie au travers duquel il est possible de réinventer l'amour. Il est vrai qu'il colle à la peau de la princesse de Clèves une réputation de femme frigide, alors qu'elle est pétrie de désirs, apprivoise son désir et se refuse à l'homme qu'elle désire parce qu'elle le pense toxique, les femmes peuvent apprendre une belle leçon de ce refus-là.
Jennifer Tamas déploie cette perception polyphonique de la galanterie du 17ème siècle, glanant l'amitié tendre, la passion amoureuse, le coup de foudre, la replace dans son contexte historique, restaure ainsi la place et le pouvoir des femmes qui avaient été invisibilisées sur ce sujet. Il a été dit que la galanterie favorisait la culture du viol, or en réalité les viols étaient monnaies courantes à cette époque et la galanterie est en vérité un contre-modèle, un contre-pouvoir pour se protéger de ces viols, parce que des femmes ont pensé les codes de séduction, ont inventé un nouveau langage, réinventé l'amour dans ce jeu galant.
Jennifer Tamas nous dit que l'effacement de l'histoire des femmes se fait autant par des dominants que par des dominés, nous invitant à sortir des stéréotypes parfois un peu évidents.
Bien sûr, la question du consentement est au coeur des intrigues, théâtrales, romanesques, dans les contes de fées, avec une dimension politique liée au consentement dont on voit aujourd'hui les résonances et les déflagrations, c'est là aussi qu'est le malaise.
Comme l'histoire est encore écrite par les dominants, il y a ce regard masculin qui est surplombant, mais ce qui est intéressant c'est de montrer que les textes quand ils paraissent y compris à leur époque, il y a une polyphonie de perceptions, si bien que la princesse de Clèves peut passer pour une héroïne du NON pour certains, mais peut paraître pour une prude, une coquette pour d'autres et ainsi cheminer jusqu'à nous dans cette perception patriarcale, message relayé par des Sollers, et autre Sarkozy et tutti quanti.
Ce qui est intéressant, me semble-t-il à l'aune de cette lecture inspirante, c'est de déconstruire ces regards, c'est ce qui est enthousiasmant dans la période actuelle, on vit aujourd'hui avec la richesse de tous ces essais à portée de main, la pensée féministe dans sa diversité, sa bienveillance constructive et nuancée posée sur un versant, sa démarche outrancière et contre-productive sur l'autre versant, la pensée décoloniale, s'emparer de toute cette littérature, cette intelligence, pour déconstruire tous nos préjugés.
Le travail de chercheuse de Jennifer Tamas est de renouer des liens pour montrer que les préjugés soient déconstruits afin de nous rendre plus que jamais vivants.
Elle nous montre aussi que la littérature est présente pour nous suggérer que les frontières n'existent que pour être bougées, elles sont poreuses et c'est cela qui est intéressant. Elle nous montre que souvent la littérature a un temps d'avance sur la société
La littérature n'est rien sans le regard des lecteurs capables de porter un regard neuf sur ces grands textes, Jennifer Tamas nous montre comment on peut être invité à lire les grands classiques avec ce regard de 2024.
Pour finir mon billet, je ne résiste pas à inviter ici deux personnages féminins qui me sont chères et sans Jennifer Tamas, je j'aurais jamais fait le lien entre elles deux. La victime consentante, c'est un chapitre intéressant de son essai qu'elle a cherché à élaborer de manière nouvelle en faisant un parallèle entre deux femmes fatales : Hélène de Troie qu'on a incriminée et responsabilisé pour lui a attribué la cause de la guerre de Troie, donc du désastre qui s'en est suivi et Marilyn Monroe. Femmes fatales toutes deux, mais que signifie ce concept de femme fatale ? C'est le regard masculin qui dit que si on croise leur chemin c'est fatal pour eux, alors qu'en vérité elles sont surtout fatales à elles-mêmes, à cause de leur beauté qui font d'elles des proies, qui sont violées, leurs viols sont invisibilisés, vous l'aurez compris, c'est une façon de raconter, ou plutôt de réinventer l'histoire. En vérité Hélène de Troie est kidnappée, la cause profonde de la guerre de Troie n'est donc pas elle de son propre fait, Jennifer Tamas montre ainsi que la victime consentante n'existe pas.
Pour conclure, Jennifer Tamas nous invite à faire ce pas de côté, redécouvrir les héroïnes qu'on conçues ces grands auteurs qu'on connaît très bien comme Racine par exemple parce que la vision qu'on a des personnages féminins telles que Phèdre, Bérénice, Andromaque... est souvent totalement biaisée, y compris dans les discours féministes qui disent que ces héroïnes sont sans envergure, éplorées, en galère, alors que la réelle intrigue montre qu'elles ont une vraie force d'action, une agentivité, qu'elles pensent le refus. de même dans Les Liaisons dangereuses, la force féminine ne se limite pas au seul personnage de la marquise de Merteuil, Madame de Tourvel a beaucoup de choses aussi à nous dire... Ainsi Jennifer Tamas nous invite à resituer les héroïnes de classiques qu'ils faut relire sous un autre regard de manière nouvelle mais aussi les héroïnes écrites et pensées par ces femmes qui on été invisibilisées, souvent ce sont des textes qui ont été soit passés à la trappe ou soit réappropriés par les hommes,c'est bien dommage, mais ce n'est pas une fatalité.
De même, le Petit chaperon rouge n'est pas du tout une petite fille obéissante : Jennifer Tamas montre que derrière les contes de fées existe l'apprentissage du non et s'agissant précisément de ce conte entré dans l'universel de l'imaginaire, qu'il en existait d'ailleurs à l'origine une version folklorique dans ce sens, réinterprétée plus tard à la sauce masculine par les frères Grimm et notre Charles Perrault national.
Jennifer Tamas nous invite dans ce très bel essai à revisiter ces histoires qui touchent les questions morales et politiques d'aujourd'hui. Intelligent ! Jubilatoire ! Inspirant !
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« J'aurais aimé qu'on m'apprenne la littérature autrement, qu'on me fasse découvrir les oeuvres des femmes, qu'on m'explique à travers le prisme du féminin les contes et les fables, et j'espère qu'il en sera ainsi pour nos enfants. Cet essai aspire à donner à chacun et chacune le pouvoir de repenser l'histoire littéraire à travers le refus féminin, non pour abolir le passé mais pour le sortir de l'illisibilité. La littérature est un puissant outil pour penser le monde ; parce qu'elle imite au plus près l'expérience de la vie, on aurait tort de minorer ses enseignements. »

Ainsi s'achève cet essai : par les raisons de son écriture.

D'abord sensible au titre « Au non des femmes », j'ai été attirée ensuite par le siècle choisi pour repenser la littérature : celui du XVIIème siècle.
Ce siècle est aujourd'hui réduit à quelques figures magistrales : Molière, Racine, La Fontaine, Perrault pour les hommes et Mesdames de Sévigné et La Fayette pour les femmes. C'est traditionnellement le siècle des classiques, des règles, du retour au mythe et parfois de l'ennui, il faut bien le dire. Cette apparence de l'ennui est une des conséquences de l'analyse purement masculine qui nous est parvenue aujourd'hui. Ne dit-on pas que les lettres de Madame de Sévigné sont futiles ? Que la Princesse de Clèves est, par excellence, une femme qui ne sait pas choisir, capricieuse voire frigide ? Que les héroïnes de Racine sont faibles et passives ?

Seulement voilà, on peut choisir de les voir autrement qu'à travers les fantasmes masculins.

A travers cet essai, Jennifer Tamas contemple « autrement nos classiques » mais aussi « se débarrasse des assignations faites aux femmes aussi fausses que délétères. ». Ainsi, vous pourrez, entre autres :

- découvrir que « Non, la princesse de Clèves n'est pas un modèle de pruderie et de frigidité » ;

- comprendre que la reine de Palestine, Bérénice, ne se réduit pas à une femme éplorée, prototype de la femme hystérique qui ne se laisse pas quitter » ;

- découvrir les versions folkloriques des contes les plus célèbres (Le Petit Chaperon rouge, pour ne donner qu'un exemple, n'est jamais avalé par le loup)

- remettre en question les trois adaptations cinématographiques masculines de la Belle et la Bête ;

- et comprendre que les femmes n'ont pas été pensées comme des objets dans la littérature, qu'elles ne sont pas réduites à l'attente (nécessaire et propre au sexe féminin, selon Freud et Bettelheim, car le corps féminin ne serait pas excité aussi rapidement que celui de l'homme !)

Ainsi, vous pourrez voir autrement, ces héroïnes classiques dont le refus a été effacé, dont la résistance a été spoliée car même si leur nom figure en titre, elles sont réduites à ce que le regard masculin a fait d'elles : des femmes fragiles et dénuées de tout pouvoir d'action.

Je remercie chaleureusement l'autrice, les éditions Seuil et Babelio car j'ai pu redécouvrir ce siècle autrement. Jennifer Tamas a cet art de bouleverser simplement notre vision de la littérature. Je n'en dis pas plus car désormais je n'ai plus qu'une seule envie : relire mes classiques !



Lien : https://litteralfr.cms.webno..
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Cet essai de Jennifer Tamas, qui se développe autour de la notion de consentement dans la littérature classique qu'elle enseigne aux Etats-Unis, a le mérite de préciser des notions souvent méconnues ou utilisées à contre-sens comme celle de "galanterie" dans la pétition sur le droit d'importuner.

Elle réinterprète le sens profond des contes appartenant à la tradition orale et d'abord fixés à l'écrit par les auteures telles Madame d'Aulnoy avant que leur contenu n'intéresse Perrault ou les frères Grimm. Leur signification fut alors remaniée par la tradition masculine et le "male gaze" (terme emprunté aux études universitaires de genre américaines) : les héroïnes y perdirent leur force agissante et furent transformées en faire-valoir des valeurs masculines, toujours dans l'attente que le monde extérieur décide de leur destinée. Elles pouvaient ainsi servir de modèle et d'avertissement aux femmes de la haute société en célébrant leur passivité et en les incitant à la prudence dans un monde de loups.
Elle restaure à leur vraie place les héroïnes de Racine, telle Bérénice et Phèdre et réhabilite la Princesse de Clèves, grossièrement mise à mal par Nicolas Sarkozy draguant grossièrement les masses populaires dans leur ignorance supposée (sa boutade fit scandale sur les campus américains). Cette oeuvre illustre un autre aspect du consentement : on peut désirer et pourtant ne pas consentir.

L'essai ne formule pas des notions nouvelles, mais précise le sens de celles que nous utilisons de façon parfois erronée. Il offre un outil interprétatif des mythes et légendes qui forment le tissu de nos références culturelles : qui osera encore dire que Pénélope attendit passivement le retour d'Ulysse, elle qui sut réfréner avec un talent politique affirmé les ambitions des prétendants et pratiqua avec succès le difficile art de temporiser ?
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Livre très éclairant sur des classiques de la littérature selon le point de vue d'une femme et non plus des hommes. Ça se lit très facilement et l'oeuvre aborde différents thèmes comme le consentement, le viol ou le refus, toujours à travers des oeuvres.
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J'ai lu ce livre en édition de poche Points Essais au Seuil. Si on survit comme moi au Prologue (pour l'édition de poche je présume, ainsi que la postface, même remarque) et à l'introduction sur le wokisme et la cancel culture typiques de ce qu'il se passe dans les universités étatsuniennes (Rutgers NJ) où l'autrice enseigne avec enthousiasme les classiques français, ce bouquin est tout à fait enthousiasmant. A travers les contes du Petit Chaperon rouge, de la Belle et la Bête (autrice Madame de Villeneuve 1740, largement dénaturé par les adaptations cinématographiques), les mythes de la Belle Hélène, d'Andromaque, héroïnes antiques, le roman épistolaire Les liaisons dangereuses, La Princesse de Clèves, et Bérénice de Racine, Jennifer Tamas propose une déconstruction du 'male gaze', de la façon dont les hommes ont mis en scène, analysé, et produit leur propre interprétation de ces textes du NON des femmes, du non consentement au mariage, de la résistance au viol et au statut de victime. Jennifer Tamas démontre que les femmes ont résisté au brutal désir masculin, à la brutalité des relations femmes-hommes d'une époque, le XVIIè siècle, en disant NON et en inventant une sociabilité, la galanterie, la courtoisie, la conversation des sexes. L'essai est truffé de références très contemporaines aussi : Marilyn Monroe et sa fin atroce, Sarkozy et sa détestation de la Princesse de Clèves, le goût des autres, film d'Agnès Jaoui, où un homme d'affaires assez frustre accède à la littérature en allant au Théâtre où se joue Bérénice de Racine, et tombe amoureux de l'héroïne et de l'actrice qui l'interprète. Elégant et érudit. On passe un très bon moment de lecture.
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Je trouve ce livre un peu inégal, ce qui ne m'empêche pas d'en avoir savouré la lecture !
L'autrice commence par nous mettre vaguement au parfum de l'époque, nous invitant à nous dépouiller de notre regard et sensibilité personnel.le.s qui peuvent troubler notre compréhension de textes d'un autre age. Elle s' étend aussi sur diverses considérations, qui m'ont parfois semblé dispensables, comme l'opinion de la jeunesse américaine sur la littérature française de l'époque étudiée et le prix des études américaines.
La digression sur les sévices subis par Flavie Flament me semble également, plus que dispensables : déplacée, içi. Ce n'est pas le sujet… quand aux tortures que représentent le repassage des seins et l'excision, si l'exemple semble pertinent d'un premier abord, je ne vois pas comment comparer avec une réelle justesse les moeurs patriarcale de l'Afrique actuelle et le message véhiculé depuis l'Occident du XVIIe siècle via ses conteuses et leur contexte de vie. Il eu été plus intéressant de comparer le comparable !
Par la suite, il est très agréable de passer aux analyses du conte de la Belle et la Bête (première version, de mme de Villeneuve, celle de mme Leprince Beaumont et les principaux films) et d'Andromaque, riches en informations passionnantes. Nous rentrons, enfin, dans le vif du sujet… et ça se révèle captivant, au point de ne plus savoir lâcher le bouquin !
L'analyse de Les liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos, est intéressante. Au passage, vous prendrez note du fait que que « liaisons » signifie içi, et pour l'auteur du roman, ainsi que ses contemporain.e.s « fréquentations » au sens large du terme. Voila qui est éclairant, non ?
L'autrice nous promêne ensuite dans une analyse de la Princesse de Clèves, passe par Bérénice et termine en nous éclairant sur le parallèle existant entre cette oeuvre de Racine et l'histoire d'amour contrariée de Marie Mancini et Louis XIV...
Petit bonus, tout à la fin: le conte dans une version très « pure » du Petit Chaperon Rouge !
En somme, je vous conseille sans hésiter ce bon livre, qui m'a donné une furieuse envie de relire plusieurs des oeuvres étudiées !
Merci aux éditions Seuil et à Babélio de m'avoir permis d'obtenir ce livre. J'en suis ravie !
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Que dire mise à part que j'ai adoré cet essai de Jennifer Tamas !
En lisant le résumé de cette oeuvre, j'étais tout simplement perplexe de la dimension féministe de la littérature d'Ancien Régime avec la présence d'un refus féminin.
Il est vrai, comme beaucoup de personnes le pense, cette époque apparaît comme étant riche d'un point de vue historique et nulle vis-à-vis de l'émancipation de la femme.
C'est pourtant la vision et la réappropriation masculine (ce fameux « male gaze ») de la littérature qui cache ce fameux refus féminin, pour lequel l'autrice s'est donné pour objectif de le faire connaître.

Quelle fut ma surprise de redécouvrir l'origine de la galanterie qui est non pas une entreprise seulement masculine, mais également féminine pour repenser les rapports humains ! Comme le disait si bien Montesquieu : « Ce désir général de plaire produit la galanterie, qui n'est point l'amour, mais le délicat, mais le léger, mais le perpétuel mensonge de l'amour ».

Aujourd'hui, les contes de fées laissent apparaître des femmes totalement passives à travers l'exemple de la Belle au bois dormant, Blanche-neige ou encore dans la Belle et la Bête.
C'est incroyable à quel point la tradition orale des femmes de raconter des contes comme source de divertissement est passée sous silence au profit de la réappropriation masculine grâce à leur domination de l'écrit.
Je pourrais en écrire davantage, tellement j'ai pu prendre de notes au cours de ma lecture !
Cependant, je veux vous laisser découvrir par vous-même l'agentivité du Petit chaperon rouge, le pouvoir et la force féminine de la Belle au bois dormant, ou encore la vulnérabilité de la Bête face à une Belle qui est non pas objet de désir (présentée comme telle dans les films Disney) mais sujet de désir.

Mis à part les contes qui prennent une place importante au sein de cet essai, nous avons la chance de bénéficier de la passion de l'autrice (terme tout à fait employé et normal dans le passé !) pour Racine.
En effet, nous redécouvrons le mythe d 'Andromaque à travers la notion de résistance passive, mais aussi le personnage de Bérénice, inspiré du refus effacé de Marie Mancini au grand roi soleil !
En somme, ma partie préférée reste celle qui porte sur le roman de Madame de la Fayette avec la Princesse de Clèves, femmes du « non » éclipsée par le mythe de la frigidité qui est totalement faux !

Enfin, c'est avec beaucoup d'émotion que j'ai refermé cet essai avec une grande satisfaction et beaucoup de gratitude envers l'autrice pour m'avoir fait prendre conscience de l'existence de ce refus féminin. Il ne faut pas juger un livre à sa couverture, comme il ne faut pas juger une époque en s'arrêtant à ses stéréotypes qui découlent dans le cas présent d'une vision masculine.

Merci beaucoup à Babelio de m'avoir envoyé ce livre dans le cadre de la Masse critique de février !

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