- Avis valant pour les deux tomes -
J'ai la chance d'avoir découvert
Gou Tanabe en 2009, lors de la sortie de The Outsider, qui a depuis été réédité. A l'époque, une amie achetait énormément de manga, et alors que nous papotions sur MSN, elle m'a parlé de cet étrange manga qui la perturbait un peu. Elle a alors allumé la webcam et m'a permis de le lire de cette manière (pas ultra pratique, ceci dit) et j'avoue avoir été étonnée de découvrir cette adaptation de
Lovecraft qui, si elle était perfectible, était aussi très bonne ! Depuis, j'ai tout naturellement suivi le parcours de
Gou Tanabe, et ce
lui-ci s'est indubitablement amélioré jusqu'à atteindre aujourd'hui un travail proche de la perfection.
Le cauchemar d'Innsmouth nous raconte ainsi l'histoire d'un jeune homme qui, en quête d'informations généalogiques, décide de prendre un bus qui fait halte à Innsmouth, et ce en dépit des commentaires de tous les habitants du cru qui ont tout tenté pour l'en dissuader. Arrivé dans cette curieuse ville isolée, il va alors se mettre en quête de découvrir l'effroyable vérité...
Si cette nouvelle n'est pas ma préférée de
Lovecraft, je la trouve tout de même excellente. L'ambiance, l'histoire, le sentiment d'enfermement et d'inéluctabilité, la chute... tout est magnifique, et bien qu'on puisse penser que ''
l'indicible'' ne doit pas être aisé à dessiner,
Gou Tanabe y arrive avec brio. Son style graphique est magnifique. Ses dessins sont précis, denses, mélange de clair et d'obscur, avec des aspects de gravures qui collent parfaitement à l'époque. Dans un soucis du détail, le mangaka joue avec ce qu'il peut montrer et ce qu'il est préférable de dissimuler, ce qui
lui permet de composer des ambiances lourdes, oppressantes, presque claustrophobes. La tension est présente tout du long, et les dessins offrent la possibilité d'admirer la beauté (comme les bijoux d'Innsmouth) qui vient se mêler à l'horreur.
Côté découpage, le manga suit la nouvelle, au point d'intégrer certains passages du bouquins tout en les sublimant avec le dessin. Les bulles de dialogues sont bien choisies, elles apportent ce qu'il faut de dynamisme à l'histoire sans pour autant paraître décalées ou anachroniques. Les personnages sont également loin d'être figés, leurs traits sont expressifs et le mangaka sait parfaitement déformer un visage de terreur sans pour autant se perdre dans le grotesque.
Concernant les environnements, eux aussi fourmillent de détails, permettant ainsi une immersion horriblement aisée dans cette Innsmouth où il ne fait pas bon flâner. Les bâtiments sont très détaillés et le mangaka sait jouer avec le cadre pour mieux susciter cette désagréable sensation d'étrangeté qui colle à la ville. Les espaces ouverts sont denses et fourmillent de détails, là où les espaces clos sont sombres et lugubres pour mieux véhiculer l'impression de claustrophobie. Encore une fois, le jeu des cadres et des points de vue joue beaucoup, et
Gou Tanabe les maitrise à merveille.
En bref, je trouve cette adaptation magnifique. Elle ne remplace pas la lecture de la nouvelle, mais elle vient la magnifier tout en étant suffisamment détaillée pour être compréhensible de quelqu'un qui n'a jamais lu
Lovecraft (même si je ne conseille pas de lire les mangas sans connaître les nouvelles auparavant, sous peine de louper quelque chose).