Quartier lointain - Intégrale

Superbe oeuvre de Jirô Taniguchi découverte par hasard dans une librairie, ce livre transporte littéralement le lecteur à la manière de l'auteur qui transporte son personnage à travers le temps.
C'est un voyage haletant en même temps qu'une quête que l'on réalise aux côtés d'Hiroshi, propulsé malgré lui en 1963, année de ses 14 ans.
Outre l'atmosphère propre à cet auteur, on cherche à savoir, tout comme Hiroshi, pourquoi son père décida de disparaître totalement, laissant derrière lui sa vie et sa famille.
Un superbe récit particulièrement émouvant que l'on lit presque d'un trait.
Superbe rencontre.

Qui n'a jamais rêvé de remonter le temps, de faire un bond de quelques années ou même plusieurs décennies afin d'empêcher un drame familial et ainsi modifier le cours de son existence et celles de ses proches ?

C'est l'expérience que va faire Hiroshi NAKAHARA, un cadre Tokyoïte approchant la cinquantaine.
De retour d'un voyage d'affaires, Il va prendre, de manière tout à fait involontaire, un train l'emmenant dans sa ville natale. Après l'étonnement de son étourderie, il décide d'y faire un tour.
Là, il va s'y évanouir et se réveiller dans la peau de l'adolescent de 14 ans qu'il fut jadis pour revivre les derniers mois qui ont précédé la tragédie survenue dans sa famille. Mais peut-être arrivera-t-il à empêcher cet évènement…

« Quartier lointain » est un sublime roman-manga (ou romanga ^^), d'ailleurs la maison d'édition Casterman a bien écrit en 4ème de couverture : « le roman s'écrit aussi en bande dessinée ».
Trois mots-clefs peuvent définir cette oeuvre : nostalgie, poésie et bienveillance.

Je ne suis pas un grand lecteur de B-D ou de manga mais un grand admirateur du travail de Jirô TANIGUCHI (1947-2017). Je l'ai découvert en commençant par la saga « le Sommet des dieux », qui est une oeuvre consacrée à l'alpinisme et à la relation que les hommes ont avec la montagne.
C'était déjà magnifique aussi bien au niveau du dessin que du scénario.
« Quartier lointain », qui est du même niveau, confirme mon envie de découvrir toute l'oeuvre de ce grand Monsieur qu'était Jirô TANIGUCHI.

9 avril 1998. Hiroshi, un homme actif de 48 ans s'apprête à prendre le train qui va le ramener chez lui à Tokyo. Gueule de bois, acte manqué ou besoin irrépressible, nul ne le sait, mais toujours est-il qu'il se retrouve dans un train à destination de son village natal. Il va se rendre sur la tombe de sa mère et le temps d'un bruissement d'ailes de papillon, le voilà revenu au temps de ses 14 ans ! Il va mettre à profit cette « nouvelle chance » afin d'éviter la disparition inexpliquée de son père.
Un manga qui fleure bon les souvenirs d'enfance qu'on a chacun enfouis en soi (un bon repas, un joli cadre environnemental, la vie sociale,…) L'histoire du voyage dans le temps est prétexte à une réflexion sur l'être et sa construction à travers sa relation aux autres. Il amène à s'interroger sur la façon dont on réagit à certains événements, qui dépend d'une forme de maturité qui est acquise au fil du temps. Un manga tout en sensibilité et en évocation pleine de justesse.

9 avril 1998 : Hiroshi Nakahara, 48 ans, revient dans son foyer, à Tokyo, par le train. La veille, il a travaillé durement et un peu trop forcé sur l'alcool. Quand il découvre que le train dans lequel il se trouve va le conduire vers sa ville natale et non Tokyo, comme il le projetait, il s'étonne mais ne se formalise pas trop. Sa gueule de bois doit expliquer cette bizarrerie. Arrivé à destination, ses pas le mènent au temple Genzen où sa mère est enterrée : voilà 23 ans qu'elle est morte. Au pied de sa stèle, Hiroshi se souvient : son père a disparu lorsqu'il était en 2e année de collège. Une disparition subite, inexpliquée. Hiroshi s'endort, franchit « la porte vers le lointain » et se réveille dans le corps de l'adolescent de 14 ans qu'il a été, peu de temps avant la disparition de son père. Remis du choc de cette transmutation, il formule un voeu : dissuader son père de disparaître…

Une BD délicieuse, tout en délicatesse : délicatesse du graphisme, tout d'abord, qui souligne des passages, des transformations ( à l'image de « la porte vers le lointain » où les mots sont absents et les dessins suggèrent le voyage d'Hiroshi dans le temps, ou lors des baignades en mer en compagnie de la belle Tomoko). Délicatesse des mots choisis par l'auteur, notamment dans les intitulés des chapitres qui découpent la BD. le premier titre : « La Porte vers le lointain » laisse présager la poésie qui va habiter toute l'oeuvre.

Une BD qui laisse aussi place à l'humour. On rit souvent des péripéties du jeune Hiroshi : on se souvient que l'homme de 48 ans était un buveur invétéré. le jeune Hiroshi de 14 ans n'a pas oublié les joies de l'alcool, mais son corps frêle ne peut supporter les mêmes doses qu'un adulte… Aussi, les scènes d'ivresse de l'adolescent sont-elles cocasses aux yeux du lecteur, un peu moins pour ses parents qui savent le rappeler à l'ordre…

Une BD emplie d'émotions contrastées, au final, autour du thème de l'enfance : Jirô Taniguchi évoque à merveille la nostalgie d'une enfance révolue qu'on aimerait rejouer et transformer, l'adolescence et ses amours naissantes, les amitiés fortes, la scolarité… Des thèmes qui se déroulent ici au Japon mais qui apparaissent singulièrement universels…
Un final, en clin d'oeil, « au voyageur du temps ».

Laissons-nous transporter, en un peu plus de 400 pages, sur les ailes de l'enfance, du temps…

Une histoire, des textes et de beaux dessins dans une ambiance japonaise et reposante. Très belle découverte.

La récente disparition de Taniguchi m'a conduite à relire cette merveilleuse histoire de voyage dans le temps empreinte de poésie qui exprime avec la plus grande délicatesse combien il est difficile de confronter les idéaux de l'adolescence aux réalités de l'âge adulte.
Alors qu'il rentre d'un voyage d'affaire, notre héros s'arrête dans la ville de son enfance et en profite pour aller se recueillir sur la tombe de sa mère. A la faveur d'une perte de connaissance, il se réveille bien de nombreuses années auparavant dans la peau de l 'adolescent qu'il était à quatorze ans.
Il va avoir la chance de revivre plusieurs mois auprès des siens à la faveur de ce saut temporel et tentera de percer le secret de son père qui a brusquement quitté sa famille pour disparaitre à jamais.
Fort de la maturité qu'il conserve en esprit, le jeune garçon savourera cette période particulière et puisera dans cette expérience magique les moyens de vivre pleinement sa vie d'homme, de mari et de père.
Comme à chaque fois que j'ouvre un livre de Taniguchi, je suis émerveillée par la délicatesse du dessin, émue par la finesse de l'analyse psychologique des personnages, fascinée par ce Japon ancestral aux traditions millénaires.
Ce sont toutes les problématiques humaines qui sont illustrés par ce grand maître, le rapport à la filiation bien sûr (lire et relire le merveilleux Journal de mon Père) mais aussi le choix amoureux, la responsabilité vis à vis des siens, le culte de la famille et l'amour des animaux (ah les magnifiques chiens qui ont souvent une place à part chez Taniguchi!)
Un moment de plaisir intense et absolu et un immense regret pour la perte qui vient de frapper les lecteurs du monde entier !

Quartier lointain est un très beau roman graphique.

Notre narrateur est en voyage d'affaires et se trompe de train, il atterrit dans la ville de son enfance et en profite pour se rendre sur la tombe de sa mère. Soudain, il s'évanouit et quand il reprend ses esprits, il est dans son corps d'adolescent, et il a fait un saut dans le passé. le voilà revenu une trentaine d'années plus tôt. Quel émoi de retrouver sa famille, ce cocon chaleureux. Puis un souvenir lui revient : son père a disparu à la fin de cet été, il ne l'a jamais revu et n'a jamais su pourquoi. Il va tenter de tirer le meilleur parti de son adolescence et tâcher de comprendre et d'empêcher le départ de son père.

Un très beau récit sur les secrets de famille, les non-dits, les traumatismes qui forgent des adultes, la volonté de ne pas reproduire certains schémas familiaux qui peut parfois tomber à l'eau face à certaines épreuves de la vie. Une très belle histoire d'amour filial

Après avoir trop bu, un homme de 48 ans se retrouve projeté dans son corps de garçon de 14 ans. Il retrouve sa famille, sa maison, et, passé les premières heures de panique, il se met à apprécier cette expérience extraordinaire de revivre son adolescence. Un rêve pour beaucoup de gens : retourner dans le passé, fort de son expérience et de son recul d'adulte, et le modifier en rectifiant ses erreurs ou en empêchant les autres d'en faire.
Ce manga a quelque chose de psychanalytique : nombre de souvenirs du personnage principal son enfouis, erronés, incomplets ou alors font écran à d'autres souvenirs. Et c'est grâce à une longue introspection qu'il pourra y remettre de l'ordre et leur donner du sens. Finalement, Hiroshi est taraudé par une seule question : pourquoi son père est-il parti ? Et aurait-il pu le retenir ? Cette question, tous les enfants de parents divorcés se la posent car ils se sentent souvent responsables. Hiroshi ne comprend pas : sa famille était heureuse, du moins dans ses souvenirs, alors pourquoi cela n'a-t-il pas suffi à retenir son père ?
Nous connaissons souvent peu ou mal la vie de nos parents, finalement, leurs rêves, leurs désirs, leurs déceptions, et c'est ce que montre ce manga avec beaucoup de finesse.
Peu à peu Hiroshi comprend des choses qu'il n'avait pas saisies à l'époque, certains détails font sens et ce n'est que parce qu'il a maintenant 48 ans qu'il peut comprendre son père. Lorsqu'il en avait 14 beaucoup d'autres choses le préoccupaient : les cours, les copains, les filles, et il ne voyait pas ce qu'il se passait dans le monde des adultes.
Le scénario est très bien construit : le fil des souvenirs de Hiroshi se déroule avec beaucoup de fluidité, on n'est jamais perdu dans les différentes époques. de nombreux thèmes sont abordés, outre le souvenir et le temps qui passe : la question du choix, l'amour, la vie de famille, l'amitié, le travail, les études... Et c'est aussi un très beau tableau du Japon des années 60 avec des dessins détaillés et réalistes, plus proches de la bande-dessinée franco-belge que du manga.
Un beau voyage intérieur qui a quelque chose d'universel.

Wow! Un manga de haute qualité, tant par l'histoire que par la qualité du dessin. Une histoire assez étrange pour insister a continué la lecture, et ce, dans un décor et des personnages très réaliste et plausible. J'aime les décors, la nature et la finesse des architectures et surtout sur un rythme très calme avec ces silences, ces images sans texte d'une grande beauté malgré qu'elle soit en noir et blanc, justement c'est ce qui nous permet de ce concentré sur l'histoire. J'apprécie aussi les personnages avec les yeux de formats normaux et les gestes plus naturels, ce qui n'est pas dans le standard dans le monde du manga avec les regards et expressions et gestes surdimensionnés et excessifs. Il y a quand même la petite soeur qui est surexcitée, mais ça balance bien le rythme de cette histoire. J'ai connu le dessin de Jirô Taniguchi dans la série « le sommet des dieux ” qui m'avait impressionner et qui ma faite aimez les mangas. Mais avec « Quartier lointain », il s'est surpassé. Un plaisir pour yeux avec les images et une belle interrogation sur l'amour et les liens familiaux.

En commençant Quartier lointain, je n'imaginais pas que l'ouvrage me passionnerait, me toucherait autant. Tout y est d'une grande finesse. Les lignes du dessin, la narration, les émotions, les mots... Il se dégage une infinie légèreté d'un texte frugal, d'une scène de repas familial, du vent dans les branchages, du ressac de la mer. Et pourtant l'histoire saisit immédiatement le lecteur, nous attache aux destins complexes des personnages. le dessin complète ce que ne transcrivent pas les dialogues, et vice-versa, pour créer une vraie intensité émotionnelle. Les cadrages surprennent, esthétiques, cinématographiques, changeant de points de vue, obligeant à une lecture lente, réflexive, à lever les yeux de la page parfois, pour chercher en nous ce qui est hors-vignette. le merveilleux, dosé à sa juste mesure, se distille dans la narration pour lui donner une étrangeté qui nous envoie, comme dans un roman médiéval, vers un Autre Monde qui n'est pas là pour épater la galerie mais pour donner du sens.
Quartier lointain nous emmène vers cette mémoire familiale qui nous échappe en grande partie. Parce que nous n'avons pas connu nos parents, nos grands-parents jeunes, parce que tout ne nous est pas raconté de leur vie avant nous, soit qu'il y ait des secrets, des douleurs, de la pudeur aussi. Des silences, des blancs qui nous façonnent aussi, car ils influent sur le cours des choses.
De la même façon que notre voix nous est étrangère lorsque nous l'entendons enregistrée, de l'extérieur, la vision que nous avons de nos parents est verrouillée par un point de vue interne qu'il est difficile de modifier. Et au-delà des autres, c'est la vision que nous avons de nous-même qui est tout aussi parcellaire et tronquée. Quartier lointain déverrouille ce point de vue, sort du cadre, interroge cette mémoire cachée, inconnue, inconsciente, par un regard différent, décalé de quelques mètres. Ou de quelques années.
Après ce voyage à Kurayoshi, on guette le battement d'aile d'un papillon et on se dit que c'est peut-être ça l'éternité, un simple ciel dessiné par Jirô Taniguchi.