Pas de quoi faire un fromage de ce Petit Bleu
Avec
Leo Malet et Céline, Manchette est un des auteurs privilégiés de
Tardi.
"
Le Petit Bleu de la Côte Ouest" raconte sous forme de flash-back, la dérive d'un anodin cadre supérieur, nommé Georges Gerfaut.
Alors qu'il roule dans l'Aube, mais le soir, il décide de porter secours à un inconnu dont la voiture vient d'embrasser un peu trop fougueusement, un platane.
Dès lors, de mystérieux tueurs vont se lancer à sa poursuite, l'obligeant à se lancer dans une longue et sanglante cavale.
Cette adaptation par
Tardi du roman de
Jean-Patrick Manchette, s'insère entre l'excellent "
Griffu", fruit d'une collaboration fructueuse entre les deux auteurs et "
La position du tireur couché" qui souffre d'un matériau de départ sans doute trop peu consistant.
Avec ce Petit Bleu, on retrouve tout ce qui fait le charme et la puissance de Manchette avec ces textes qui mélangent de façon aussi improbable qu'habile, situationnisme et détachement.
Son héros n'a pas au départ d'envergure particulière et par bien des aspects, n'en acquiert guère entre temps, quelques morts plus tard. Il est là au mauvais moment, il survit.
Manchette dissèque, ne juge pas, il expose.
Mais s'il a bien contribué à son niveau à effacer un peu la ridicule frontière entre polar et littérature, son style novateur hier, accuse aujourd'hui son âge et peine parfois à dissimuler quelques tics.
Heureusement,
Tardi parvient plutôt agréablement à exposer tout ce qui fait la force du roman et à rendre certaines lourdeurs (le gimmick des titres de Jazz par exemple), plus digestes. Il reste un artiste d'exception et globalement, so
n adaptation est solide.
Mais je trouve que certains passages sont un peu décevants pour un dessinateur de sa trempe.
Je ne m'étends pas sur l'ahurissante erreur anatomique qui nous vaut une dame posée en amazone sur une moto avec une jambe droite qui s'enroule autour de la gauche pour présenter sur l'arrière, un pied de face ! Une femme avec une telle souplesse surnaturelle ferait la joie de certaines maisons, mais on peut s'étonner d'une erreur aussi grossière chez quelqu'un comme
Tardi.
Plus embêtant, cette adaptation à peu près fidèle, donne quand même à voir des passages entiers et notamment ceux qui sont situés –une fois n'est pas coutume pour ces deux auteurs- dans la nature et qui sont présentés de manière bien moins nuancée que dans le livre, ce qui rend le personnage de Gerfaut, un peu trop monolithique et déterminé, là où il était surtout ballotté par les circonstances.
C'est du très bon
Tardi. Mais en le relisant aujourd'hui, je ne le trouve plus excellent.
Si vous avez déjà ses adaptations ou illustrations, de Malet, Céline, Vautrin… pourquoi pas, ça reste un bon choix. Sinon, je vous inviterais plutôt à aller voir ailleurs.