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"Ma mère était morte comme elle avait vécu, faisant faux bond, et moi, pris de boisson, je m'étais cassé la gueule d'un toit où je faisais le pitre. J'étais tombé du rebord de la nuit, m'étais écrasé sur la Terre"....
Cette Terre qu'il avait traversée presque dans tous les sens, qu'il aimait voir défiler sous ses pieds, venait en un dixième de seconde de lui fracasser le corps, de lui briser les jambes, de réduire à néant ses rêves de marcheur
"J'avais pris cinquante ans en huit mètres." . Quatre mois plus tard, il quitte l'hôpital, sa paralysie faciale fait peur, sa colonne vertébrale tient le coup grâce à des vis...Tout va de guingois...D'autres se seraient lamentés devant les feuilletons de télé, ou la tête dans des bouquins. Lui choisit, sur les conseils de son médecin, de traiter le mal par la rééducation, par la marche...en traversant la France, depuis la frontière italienne et le col de Vence jusqu'à la presqu'île du Cotentin.
Alors il se lance dans des marches d'une quarantaine de km par jour, des marches qui prennent soin d'éviter routes, autoroutes et villes. Pour cela, il emprunte ces chemins tracés en noir sur les cartes d'état-Major, ces chemins anciens abandonnés depuis, souvent bordés par des ronces, ceux qu'on emprunte en levant les barrières des pairies... ces chemins parfois disparus, labourés au nom des remembrements, ces chemins noirs sur les cartes.
Des chemins qu'on emprunte en refermant les barrières derrière soi, en ouvrant les yeux sur les paysages, en ouvrant son coeur aux rencontres, si rares que chacune en devient importante. Journées solitaires, nuits à la belle étoile, le nez dans les bruyères, et aussi journées en compagnie d'amis de marcheurs qui ont partagé d'autres terres plus lointaines et qui accompagnent sa solitude.
Ils s'appellent Thomas Goisque ou Arnaud Humann. Quelques jours avec eux, des journées de partage de souvenirs, des journées qu'on imagine également de silence..Et puis ils repartiront, puis reviendront. Sa soeur, l'accompagne également...Des amis utiles surtout le jour où le corps faiblit, que Sylvain tombe en panne, inconscient, et est hospitalisé...
Sylvain nous conte tout le bonheur de cette solitude, le bonheur de parcourir la France qu'on dit profonde, loin des routes, la France qui n'a pas été défigurée. Mais aussi il nous fait partager ses coups de gueule, jetés à la face de tous ceux qui détruisent cette France au nom de la productivité agricole, au nom du tourisme de masse ! Il ne porte pas dans son coeur les commissaires européens, ni ceux qui décident et imposent l'Aménagement du territoire...et l'uniformisation de leurs identités.
ZUP, ZAD, tracteurs, canons à neige et sable ratissés sur les plages ont remplacé le charme de notre pays, la typicité de territoires ruraux. Les villages se meurent, les hangars agricoles côtoient les fermes traditionnelles acquises par les Anglais, les Hollandais, l'âme traditionnelle de la France fout le camp...Mais au fait que pèse la France dans le monde dorénavant ? Il nous interroge !
Des pages d'émerveillement et de tristesse, d'amitié et de coups de gueule.... Marcher permet de penser, de s'émerveiller, de rêver, mais aussi de s'indigner, de nous émouvoir...
Presque 80 jours de marche, environ 80 nuits la belle étoile, entrecoupées de repos...et des heures de bonheur de lecture et de nostalgie pour nous.
Il a marché et a pu réparer son corps...Et il nous confirme, page après page, que la marche en avant au nom du modernisme et de la productivité, détruit irrémédiablement nos territoires, et fait perdre à la France qu'il aime une grand partie de son charme, de ses spécificités.
Oui, il ne porte pas dans son coeur, loin de là, tous ces technocrates européens et ces politiques, responsables de tout ceci!
Je le comprends !
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« On m'avait ramassé. J'étais revenu à la vie. Mort, je n'aurais même pas eu la grâce de voir ma mère au ciel. Cent milliards d'êtres humains sont nés sur cette Terre depuis que les Homo sapiens sont devenus ce que nous sommes. Croit-on vraiment qu'on retrouve un proche dans la cohue d'une termitière éternelle encombrée d'angelots? ... »


Ainsi s'exprime Sylvain Tesson, globe-trotter aventureux, qui parcourut le monde avant de s'écraser bêtement alcoolisé au pied d'une maison de dix mètres de haut. En miettes, le visage de travers mais les idées bien en place, il raconte comment avec ou sans l'autorisation des médecins il a traversé la France de part en part, à la recherche d'une reconstruction, à la recherche de lui-même, sur les sentiers à peine dessinés sur les cartes IGN au 25000ème.

Écrivain doué, fin observateur de l'évolution de notre monde, il nous fait ouvrir les yeux sur ce que devient notre environnement, géographique, historique, politique social.
Par la grâce de l'aménagement du territoire, toute la nature est mise en coupe réglée par l'Homme. « Même le bleu du ciel était strié du panache des longs-courriers.Le paysage était devenu le décor du passage ». Là où l'homme dessinait le décor de son activité agricole, nous en voilà réduits à « une géographie du loisir » !

Ce livre est un régal d'intelligence, de culture, d'ironie et d'auto-dérision. Tesson convoque peintres, musiciens et auteurs - dont l'illustre Braudel - pour étayer son propos d'analyste de l'évolution des paysages. Il y a « trop, trop de tout ». le progrès ? Un ennemi déguisé sous les traits d'un bienfaiteur. « L'escargot lui, ne recule jamais . » Nous, si.

Il décrit comme un botaniste ou un entomologiste plantes et insectes qu'il s'applique à ne pas déranger. Il a la chance, du fait de ses connaissances, de pouvoir désigner ce qu'il voit, quasiment de le dessiner à la manière des savants des siècles passés. On ne profite bien que de ce qu'on peut nommer et Sylvain Tesson semble être un puits de science pour tout ce qui touche à la nature. Et quand à la connaissance on ajoute l'art de savoir dire, on offre au lecteur des minutes de grâce, un peu comme si on l'autorisait à cheminer parmi les lignes poétiques du paysage, à planter sa tente avec vous, à apprendre à se taire et à écouter le monde.

Un grand, un beau livre, foisonnant, riche et plein de beauté qui donnerait envie de prendre un sac à dos et, à son tour, de tracer son itinéraire par les sentiers secrets de notre pays, ou d'ailleurs.

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Après avoir lu Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson, que je n'avais pas vraiment apprécié, je m'étais juré de ne plus rien lire de lui. Mais un ami m'a mis dans les mains, d'autorité, Sur les chemins noirs, ne comprenant pas que je n'apprécie pas cet auteur que lui trouve exceptionnel.
Sur les chemins noirs n'étant pas un livre très épais, et puisque je suis dans ma série de lectures sur la marche, je me suis laissée convaincre.
Je peux dire que Sylvain Tesson remonte un peu dans mon estime. J'ai du moins trouvé plus d'intérêt dans ce dernier livre.
Le contexte est différent puisque Sylvain Tesson a décidé de traverser la France en diagonale depuis Tende à la frontière italienne jusqu'à la pointe du Cotentin, en empruntant les "chemins noirs", c'est à dire des chemins de campagne, hors des sentiers battus.
Il entreprend cette balade comme une "lente entreprise de reconstruction" après la chute qui lui valut quatre mois d'hôpital et de nombreux mois de rééducation.
L'enjeu était donc de taille, le défi titanesque.
Sylvain Tesson aurait donc pu tirer une grande fierté pour avoir réussi son pari, être allé au delà de ses limites pour affronter à la fois le chemin et ses démons intérieurs.
Mais de cela il ne parle pas. Est-ce par pudeur et humilité ?
Les chemins noirs, les chemins hors des sentiers battus qui traversent la France profonde, la faune et la flore, la montagne, la forêt, les rivières, le soleil et la lumière, les rencontres avec les habitants, les lieux chargés du travail des hommes vont révéler des valeurs oubliées, des désirs nouveaux, des réflexions sur l'histoire ou la politique.
On sent bien pourtant que Sylvain Tesson a trouvé autre chose sur le chemin, mais il ne nous le partage pas. Et c'est bien dommage.
Même si Sylvain Tesson maîtrise parfaitement l'écriture, possède une fine intelligence et une grande érudition, je reste un peu sur ma faim.
Mais d'autres livres de cet auteur m'attendent, peut-être y trouverai-je des réponses ?
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La carte et le territoire.... (comme un clin d'oeil)

La ligne noire de la carte IGN symbole du chemin et du sentier ;
La ligne noire faite d'oscillations comme celle d'un électrocardiogramme synonyme de murs en pierre sèche ou en ruine, de soutènement ou en maçonnerie ;
Une référence au titre du roman de René Frégni ;
Les chemins parcourus par l'auteur avec ces crises, ou ses crises, surnommées "mon mal noir"...

Dès l'exergue, le ton est donné :
« Je vais sortir. Il faut oublier aujourd'hui les vieux chagrins, car l'air est frais et les montagnes sont élevées. Les forêts sont tranquilles comme le cimetière. Cela va m'ôter la fièvre et je ne serai plus malheureux dorénavant ». Thomas de Quincey 

Avec la lucidité qui est sienne, Sylvain Tesson nous emmène sur ces chemins noirs à moins que ça ne soit sur ses chemins noirs.
Une lettre qui fait toute la différence ou toute la convergence.
Un accident qui le transformera, mais sur lequel sa vision est, comme à son habitude, d'une terrible réalité : "J'étais tombé du rebord de la nuit, m'étais écrasé sur la Terre. Il avait suffi de huit mètres pour me briser les côtes, les vertèbres, le crâne. J'étais tombé sur un tas d'os."
Une rémission comme un défi : « Si je m'en sors, je traverse la France à pied. »

Et nous voilà partis avec lui, à traverser la France à pieds de Tende, dans les Alpes-Maritimes au point le plus septentrional du Cotentin : le sémaphore de la Hague..
Un peu à l'instar de ce qu'il fera dans ce livre plus récent intitulé sobrement Blanc.

En parallèle de ces chemins noirs les voies ferrées et leurs TGV, les voies routières et leurs autoroutes, les voies câblées et leur haut-débit, les voies des ondes et leurs fréquences 4G ou 5G. Là où tout va vite, trop vite...

Sur ces chemins noirs, nous voilà au coeur du pays perdu, dans les zones grises de « l'hyper-ruralité », dans les zones blanches de « l'hyper-connectivite », à moins que... Car ceux que l'on appelle ces néo ruraux qui cherchent le déconnexion et pour qui la première question avant de savoir si il y a une école est de savoir si il y a du haut débit.

Cet itinéraire est aussi pour lui source de reconstruction, de réflexion comme dans cette maison d'hôtes d'Azay-sur-Indre, où l'auteur tombe "sur une histoire du bagne de Cayenne. J'y découvris l'antienne des condamnés : « Le passé m'a trahi, le présent me tourmente, l'avenir m'épouvante. » La marche dans les bois balayait ces effrois. J'aurais pu recomposer la ritournelle : « Le passé m'oblige, le présent me guérit, je me fous de l'avenir. »".

Et pour nous lecteurs, c'est un bien plus qu'un simple voyage, c'est partager bien plus qu'un chemin, c'est se glisser dans ce que Tesson appelle ces interstices, c'est partager un rêve :
" Un rêve m'obsédait. J'imaginais la naissance d'un mouvement baptisé confrérie des chemins noirs. Non contents de tracer un réseau de traverse, les chemins noirs pouvaient aussi définir les cheminements mentaux que nous emprunterions pour nous soustraire à l'époque. Dessinés sur la carte et serpentant au sol ils se prolongeraient ainsi en nous-mêmes, composeraient une cartographie mentale de l'esquive. Il ne s'agirait pas de mépriser le monde, ni de manifester l'outrecuidance de le changer. Non ! Il suffirait de ne rien avoir de commun avec lui. L'évitement me paraissait le mariage de la force avec l'élégance. Orchestrer le repli me semblait une urgence. Les règles de cette dissimulation existentielle se réduisaient à de menus impératifs : ne pas tressaillir aux soubresauts de l'actualité, réserver ses colères, choisir ses levées d'armes, ses goûts, ses écoeurements, demeurer entre les murs de livres, les haies forestières, les tables d'amis, se souvenir des morts chéris, s'entourer des siens, prêter secours aux êtres dont on avait connu le visage et pas uniquement étudié l'existence statistique. En somme, se détourner. Mieux encore ! disparaître. « Dissimule ta vie », disait Épicure dans l'une de ses maximes (en l'occurrence c'était peu réussi car on se souvenait de lui deux millénaires après sa mort). Il avait donné là une devise pour les chemins noirs."

En voilà une idée merveilleuse, cette idée de confrérie.... Tel le Petit Poucet il dépose des cailloux au fil de ses livres que chacun est libre ou non de suivre, ou de ramasser tels des souvenirs de promenades littéraires.

Pour conclure cette critique de ce livre qui a tout de l'ADN de Tesson, le mieux est de lui laisser la parole, la page ou l'écran :
" J'avais rêvé cette balade de France dans un lit, je m'étais levé pour l'accomplir, elle s'achevait. C'était un voyage né d'une chute. Certains chemins avaient été suffisamment labyrinthiques et solitaires pour mon goût. Y flottait encore l'odeur des aubépines et des écorces fraîches. J'avais assorti ma balade de quelques trébuchements. Mon arrivée consistait à m'approcher des parapets pour y solder mes comptes et oublier les infortunes. Désormais, s'ouvraient de nouveaux chemins noirs : ceux que je devais inventer, hors du 25 000e. Des fuites, des replis, des pas de côté, de longues absences lardées de silence et nourries de visions. Une stratégie de la rétractation."
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Après un grave accident, Sylvain Tesson décide de rester en France au lieu de partir au bout du monde. Cependant, il la traverse par ses "chemins noirs", ses voies piétonnes, les anciens chemins paysans mais aussi des cheminements mentaux qui ne sont pas les chemins de randonnée.
Il part de Nice à Cherbourg et cette traversée est occasion de réflexion sur la géographie, sur sa mutation en soixante ans.
Ces chemins noirs constituent une "cartographe du pays perdu" de la Haute Provence, le Massif central, la Normandie. Souvenir d'une France piétonne.
Très beau récit de voyage initiatique, de renaissance dans le cas de l'auteur. Belles réflexions géographiques (aménagement du territoire), historiques, philosophiques, anthropologiques. Superbe prose
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Certaines fois, le lecteur est en osmose avec le livre et son auteur. C'est ce qui m'est arrivé avec "Sur les Chemins noirs' de Sylvain Tesson. Comme lui, je suis attachée à la ruralité et peste contre les rocades, le goudron, les affichages publicitaires, les ZAC et autres "Espaces Entreprises" qui dévorent l'espace.
Mais je ne vais pas refaire l'histoire ni le livre ! Comme l'auteur, je crains d'être taxée de ringardise. C'est vrai qu'en défendant cette thèse, on fait vite vieux ronchon. Et pourtant, n'est-ce pas une pensée tout simplement avant-gardiste ? Peut-on se "ressourcer" sur un bord d'autoroute ? Difficilement. L'espèce humaine n'est pas encore assez ancienne pour avoir oublié son lien à la nature. Et Sylvain Tesson, comme beaucoup, part recouvrer la santé en marchant le long des chemins. Lui, avec sa longue expérience de marcheur, à choisi les "chemins noirs", ces anciennes sentes oubliées. Il bivouaque, ce qui devient de plus en plus rare, non seulement parce que l'habitude en est perdue, mais aussi parce que cela devient de plus en plus difficile de trouver un endroit libre. J'aurais souhaité, il est vrai, plus de descriptions qui me fassent rêver ; mais peut-être ces chemins noirs se trouvent-ils désormais trop rétrécis pour susciter l'élan littéraire, l'emphase romantique ? Ce serait alors le début de la fin.
Alors, gardons de l'espace naturel, de l'espace vital, pour les "déplacements doux" (comme disent maintenant les aménageurs). L'une des données fondamentales de la piété au Moyen-Âge n'était-elle pas le pèlerinage ? "Marche ! Sois guéri ! Vois !".
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Après sa chute d'un toit, Sylvain Tesson est esquinté, défiguré, affaibli. Il décide de traverser la France à pied pour se requinquer. Son itinéraire devra passer le plus possible par les "chemins noirs" (= les sentiers sur ses cartes au 25.000ème). Il va en profiter pour traverser des territoires français ruraux qu'en grand voyageur mondial, il ne connaît pas.

Les descriptions des paysages et des habitants sont largement accompagnées de réflexions sur la société et les modes de vie actuels, réflexions teintées d'un certain passéisme, et de postures très intellos (beau style, mais un peu alambiqué gratuitement). du coup, on perd la magie du territoire au profit d'un "c'était mieux avant ma bonne dame", plein de clichés décevants de la part d'un globe-trotter.

Ayant traversé la Lozère à pied, mais aussi l'Aubrac et un peu la Corrèze, j'ai regretté de ne pas trouver dans les mots de Sylvian Tesson la magie que j'avais ressentie alors. Au contraire, on a l'impression d'une épopée terne et pleine d'une pseudo-nostalgie d'intellectuel citadin.
Grosse déception.
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Après la très lourde chute qui lui a démoli le crâne, la cage thoracique et le dos, pour ne citer que quelques blessures (je me souviens l'avoir vu à Livrés à domicile pour un autre livre que celui-ci et il en portait encore les traces sur le visage), après un an d'hôpital et alors que les médecins voulaient l'envoyer dans une hypothétique rééducation, Sylvain Tesson a décidé de se soigner par la marche en traversant la France en oblique, du Sud-Est au Nord, et seulement par des chemins « de campagne » : non pas des sentiers de grande randonnée, qu'il estime trop « civilisés », trop fréquentés, plutôt des petits chemins répertoriés sur des cartes IGN et qui, parfois, ne sont plus entretenus quand ils n'ont pas été absorbés dans les champs par des fermiers indélicats.

Tout au long de son périple, Sylvain Tesson observe les paysages, les villages, les campagnes modelés par la main de l'homme, ou plutôt par les différents pouvoirs en place qui ont décidé de s'attaquer à ces zones dites « d'hyper-ruralité » (c'est-à-dire, selon les critères de l'équipement et des infrastructures, déficitaires en autoroutes, connexion 4G, zonings commerciaux et autres joyeusetés du progrès moderne). Il croise notamment des paysans qui payent les pots cassés de politiques incohérentes. Face à la vitesse, à l'hyper-connectivité, à la surconsommation, à l'épuisement des richesses, Sylvain Tesson ose la lenteur, le silence, une forme de contemplation qu'il compare à celle des moines cisterciens.

Bien sûr, on sent bien que l'ami Tesson résiste des pieds et des mains au progrès imposé, aux gens (des politiques, des technocrates) qui veulent faire votre bonheur malgré vous, il freine des quatre fers face au mouvement perpétuel qui nous est imposé et qui nous arrache à nous-mêmes : à ce titre, il pourrait passer parois pour très conservateur. Mais ce que j'ai apprécié, c'est que la marche finit non seulement par cette reconnaissance physique des chemins noirs mais aussi par l'exploration des chemins noirs de l'intériorité, de la méditation. Au bout de la route, émaillée de multiples rencontres, la mer et l'appel de nouveaux chemins noirs à dénicher pour Sylvain Tesson.
Lien : http://desmotsetdesnotes.wor..
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Sylvain Tesson a l'art du mot bien choisi, bien placé. Naturellement érudit, il ne cache pas l'intime mais ne l'étale pas non plus. Sur les chemins noirs est son regard le temps d'une traversée de la France à pied. Son regard par les yeux, l'oreille, l'odeur, le toucher. Et par la pensée aussi : les descriptions nous emmènent en voyage, les réflexions sont un partage, un dévoilement de l'auteur. Grand voyageur de l'extrême ramené brutalement dans une autre réalité par une chute, c'est une vision inédite de lui-même qu'il explore au fur à mesure des pas, de ce qu'il rencontre. Que reste-t-il du passé, dans la campagne française et dans son corps à lui ? Où trouver les chemins noirs – les chemins singuliers, ceux qui s'éloignent des routes à suivre – lorsque la vie prend une nouvelle tournure ? Une vision de la vie qui interroge doucement la nôtre.
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Quand on tient une carte IGN au 25 000è, une foule d'informations nous apparaît. Et quand on trace un itinéraire, on a tendance à emprunter les GR ou les PR... et ceux que je préfère: les chemins blancs. Ils sont souvent en terre ou sablés, voire goudronnés, mais surtout: ils sont carrossables!
De temps en temps, pas le choix, il faut prendre un chemin noir, voire un chemin pointillé noir! Et alors, c'est l'aventure! Parfois il n'existe plus, et nous voilà à travers bois à l'azimut, parfois il est tellement encombré de ronces ou d'herbes qu'on ne voit plus notre prédecesseur....

L'auteur a su parler à mon coeur en utilisant ce terme que je manie aussi et j'ai pu partir un peu avec lui au travers de ses bivouacs, de ses pensées sur la mondialisation et sur les chemins noirs.

Je ne me reconnais pas dans tout... du tout! Mais il a parlé à la marcheuse et aux pensées qu'on se fait par les pieds en explorant notre si belle France mais qui s'éteint dans certains endroits. Oui une certaine nostalgie vient quand on pérégrine lentement et qu'on constate tant de beauté et tant d'abandons.

Merci à l'auteur pour ce partage qui crée une certaine connivence avec lui par le biais d'une expérience qu'on sent commune.
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Sur les chemins noirs (Sylvain Tesson)

Dans quelles circonstances Sylvain Tesson est-il tombé du toit ?

Il y était monté pour faire des réparations.
Il y était monté pour se rendre intéressant.

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