C'est l'histoire de Hunter Thompson, un sale type en plus d'être un héros de la littérature, qui utilise sa maîtrise des mots pour écraser son entourage, sa femme, son fils, tout le monde.
C'est sa biographie, une plongée dans son initimité formidable, pourquoi formidable? parce qu'il est génial, alcoolique, drogué, imprévisible, barré, bref, parce qu'il a des idées qu'on n'aura jamais, mais c'est aussi l'autobiographie d'un fils qui rend hommage à son père qu'il a haï, admiré, puis aimé, un peu comme tous les fils du monde avec tous les pères du monde.
Très vite, la question de la légitimité de ce livre - de quel droit Juan Thompson utilise-t-il sa filiation avec un auteur célèbre pour écrire son livre? ne se pose plus. Chaque anecdote est réfléchie, signifiante et s'enchaine à la suivante en crescendo jusqu'à l'apotheose finale, les bouleversantes obsèques de Hunter Thompson, un grand homme.
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Ceci est un mémoire, pas une biographie, un mémoire éminemment subjectif et peu fiable, traitant de la façon dont mon pere et moi avons appris à nous connaître en l'espace de quarante et un ans, jusqu'à son suicide en 2005. Il est plein d'exagérations, d'inexactitudes, de souvenirs erronés, de faux-fuyant, d'ommissions et d'élisions. Il recèle aussi une profonde vérité à propos de mon pere et moi, plus de vrai que de faux, je pense.
Si je vous induis en erreur, toutefois, c'est avant tout moi que je dupe. Je n'ai que des souvenirs, à ma disposition, or la mémoire nous joue des tours : elle peut être défaillante, infidèle. Traître, sournoise. La mémoire n'est pas objective. Ce n'est pas un outil d'enregistrement impartial, mais plutôt une matiere sélective, changeante et peu fiable, qui se modifie et se réécrit constamment au gré de nos besoins et de nos désirs. Et cependant, nos vies et nos identités sont largement construites sur la base de nos souvenirs, et implicitement nous faisons confiances à ces derniers afin de pouvoir tirer des conclusions sur nos vies et sur les gens qui les peuplent. Alors nous faisons de notre mieux, tout en sachant que nous nous leurrons souvent. Nous allons de l'avant malgré cela. Je vais de l'avant malgré cela. Telles sont les histoires que je me raconte.
Hunter S. Thompson était un homme compte, bien trop complexe pour que je le connaisse ou le comprenne complètement. Il était célèbre, presque adulé dans certains cercles, inconnu dans d'autres, brillant, c'était un grand maître de la chose écrite, un des grands auteurs du XXe siècle. C'était aussi un alcoolique et un toxicomane, un homme extravagant furieux, passionné, parfois dangereux, charismatique, imprévisible, irresponsable, idéaliste, sensible, animé d'un sens de la justice profondément ancré en lui. Mais ce qui importe davantage pour moi, c'est qu'il était mon père et que j'étais son fils. Et aucun fils ne peut échapper à ce qu'implique cette relation. Bons ou mauvais, faibles ou forts, vivants ou morts, proches ou distants, nos pères sont avec nous. Ce livre raconte comment mon père et moi nous sommes beaucoup éloignés l'un de l'autre et, en l'espace de vingt-cinq ans, avons réussi à nous retrouver avant qu'il ne soit trop tard.
Hunter avait la ferme intention, sitôt libéré de l'armée, de faire des études de journalisme. Mais, chemin faisant, ce projet devint moins impérieux et il n'alla jamais à l'université hormis pour suivre quelques cours à Columbia, en 1959. Il m'a confié bien plus tard que, pour devenir un grand écrivain, il avait besoin d'écrire, non de suivre des cours. Lorsque j'ai décroché mon diplôme universitaire, il m'a affirmé que le seul intérêt des étude était de disposez de quatre années pour lire.
Hunter étant un homme profondément sentimental, il ne jetait rien. Les individus de ce genre – et j’en fais partie – projettent sur les objets l’essence d’une personne, d’un lieu ou d’un événement. Plus que de simples rappels, ce sont des talismans, des objets consacrés par le souvenir. Ils ont des propriétés magiques et on ne peut s’en débarrasser à la légère ni les donner car, en les perdant, c’est une partie de nos souvenirs qui disparaissent. Or les souvenirs sont les briques des maisons que nous sommes, de nos vies.
Hunter S. Thompson’s son on his father's last days | CBC Radio