J'ai reçu ce roman dans le cadre d'une opération « Masse Critique : le mauvais genre ». Il m'avait intriguée tant par son titre, intriguant, que par sa couverture, peu commune et j'ai eu l'heur de le recevoir.
La geste est « un ensemble de poèmes en vers du Moyen-Âge, narrant les hauts faits de héros ou de personnages illustres »,
Estelle Tolliac n'use pas de vers mais d'une très belle narration en prose reprenant les codes de l'épopée en une geste chorale qui mêlera le destin de cinq personnages et relatera leurs hauts faits. Quel est le lien entre une princesse, ultime espoir d'un peuple disparu, une fugitive à la blanche chevelure poursuivie, sans pitié, par des hordes de soldats aveugles, un trouvère misanthrope, une étrange Altesse « miroir », une héritière décidée à conserver ce qui revient à sa lignée et une future reine asservie aux lois patriarcales? C'est ce que relate l'autrice dans un formidable roman qu'on ne lâche pas une fois commencé.
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La quinte geste » se déroule en cinq temps, cinq histoires, dans un monde médiéval imaginaire, qui se rejoignent autour d'Aigle, un jeune trouvère des îles Salines. Son histoire croise sans cesse quatre autres pour amener les uns et les autres à combattre le peuple des Antharites dont les guerriers aveugles ravagent le Continent par leurs raids sauvages et incessants. Lorsqu'il rencontre Ysèle, lors d'un séjour en prison, il s'aperçoit que les Antharites entreprennent une campagne de conquête du monde et qu'ils recherchent une femme et un bébé. le mystère s'épaissit d'autant plus que l'autrice interrompt le récit pour en commencer un autre qui apportera de quoi combler les blancs du précédent. Chaque geste répond aux autres en un chant choral de manière magistrale. Chaque geste m'a transportée dans un univers particulier qui m'a aidée à comprendre l'ensemble du roman. La force d'évocation de l'écriture d'
Estelle Tolliac est d'une grande beauté, tout y est juste, mesuré avec brio pour que l'intensité dramatique soit amenée au bon moment.
L'univers créé par l'autrice invite également à s'attacher aux personnages et à s'interroger sur ce qui fait notre humanité, ses aspects sombres comme ses côtés lumineux. le désir irrépressible de domination de l'autre, et ce jusqu'à l'annihilation, d'un peuple sur les autres, la sauvagerie exercée sur la nature comme sur les êtres humains. Ou encore, l'interrogation sur le genre : être femme est-ce être esclave du patriarcat le plus dur ? Peut-on être à la fois homme et femme ? Ysèle, l'Altesse philite, devient un élément de réponse …. et si ce n'était qu'une question de point de vue ou de l'image que l'on souhaite renvoyer à l'autre ? «
La quinte geste » renvoie aussi à la question de l'individualisme, forcément égoïste, que ressent souvent Aigle, face à la noblesse des sentiments dont il fera, aussi, preuve au moment où on s'y attendra le moins. Quoique Aigle est tout sauf un personnage froid et insensible, il a érigé des défenses autour de lui pour ne pas sombrer dans le désespoir.
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La quinte geste » est un roman rythmé, avec des coups de théâtre, des rebondissements inattendus, des voies improbables, des moments d'intense émotion, de la dramaturgie, des points d'orgue et une quête primordiale qui relancent le récit.
Je ne connaissais pas du tout l'autrice
Estelle Tolliac, je n'avais jamais rien lu d'elle et j'ai été captivée par sa plume incisive et d'une grande richesse. Son style est agréable, elle sait trouver les mots justes, les descriptions qui permettront une immersion dans son univers. Il n'y a rien à enlever ou à ajouter, c'est umami : toutes les saveurs de l'épopée héroïque sont présentes pour parvenir à ce sentiment de plénitude.
Une très belle découverte offerte par Masse Critique de Babelio et les éditions Forgotten DREAMS, découverte donnant envie de lire les précédents romans de l'autrice.
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