Aux travailleurs : Où est l'issue ? Le grand crime

A partir des années 1880, l'écrivain Tolstoï concentre ses efforts sur des ouvrages didactiques, au moins une trentaine d'ouvrages, d'essais vont paraître qui même s'ils ont été atomisés par la renommée mondiale de ses romans n'en sont pas moins par leur dimension moderne porteurs d'une vraie vision digne d'intérêt. Ses convictions politiques sont plus des convictions philosophiques, des idéaux à atteindre que des revendications. La clarté de ses cibles universalistes ne fait cependant pas de doute, comme celle de ses prévenances à l'égard du régime impérial en matière de réforme. Il en appelle fondamentalement à la conscience de chacun et rejette toute idée de système. Au militantisme, il répond profession de foi..

Cette apostrophe aux travailleurs trouve ses échos aujourd'hui. On ne peut pas dire qu'avec près de 10 millions de pauvres dans ce pays, plus de 3 million et demi de chômeurs, la question de la valeur travail n'est pas posée, elle demeure essentielle. On devrait parler de travail tous les jours et y revenir sans cesse, ne pas occulter et répondre par des cautères sur des jambes de bois. Il n'y a plus de travail n'est pas une fatalité. Il ne peut avoir d'épanouissement personnel sans travail. L'équilibre mental de l'homme se joue sur une occupation, Une activité, un but .. Un gouvernement ne s'évalue que s'il donne du travail aux gens, -bien entendu, pas d'Etat employeur- s'il est fossoyeur d'emplois, c'est rédhibitoire...

Cet opuscule de 125 pages écrit en 1900, l'auteur a 72 ans, nous dit qu'à l'époque en Russie, le travail n'était pas émancipateur, l'homme ne s'affranchissait pas par le travail . L'homme paysan a rejoint la ville et est venu former les bataillons du prolétariat. Même si l'activité connaît une attractivité urbaine, l'activité rurale demeure forte et majoritaire aux 4/5 ème. Pour reprendre la formule de Tolstoï si quelqu'un en manquait c'est bien parce qu'un autre en profitait sur son dos. La valeur travail était sérieusement inhumaine, mais le travail existait, aujourd'hui elle est carrément sinistrée. et pourtant elle est essentielle à la vie. A mon sens, le but c'est un emploi pour tous, et ramener un onze ou douze pour cent à deux pour cent maximum, défi considérable à première vue, et sans déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais pourquoi serait-il impossible ? Pas à pas ça doit se faire.

"Un garçon est né à la campagne. Il a grandi, travaille, avec son père, son grand-père, sa mère.
Et l'enfant qui, avec son père, a labouré, hersé, ensemencé et fauché les épis, que lui, sa mère et une journalière ont bottelés et liés, voit que son père ne rentre pas chez lui les premières gerbes de ce champ, mais les amène derrière le jardin , dans l' enclos du propriétaire..

Notre réflexion contemporaine sur la valeur travail sent la tombe. Des vieilles lunes encombrent encore le ciel, un emploi pour tous doit être le siège de nos discussions ...