Quel régal ! Quel p... de western !
Aussi bien sur le plan de l'écriture (en tous cas si je m'en réfère à l'excellent style du traducteur
Jacques Mailhos, car mes connaissances en anglais ne me permettent pas de lire ce bijou en V.O) que sur celui du scénario ou de la construction, ce western est un dépaysement jouissif de la première à la dernière ligne.
Dans l' histoire de l'Amérique du 19°, où se ruèrent des hordes de fondus vers des gisements de métaux précieux qui fondirent à vue d'oeil en l'espace d'une ou deux générations, dans cette nation de prédateurs bruts de fonderie, dans des villes opportunistes éphémères comme Destiny et Twenty-mile se jouèrent des tragédies paroxystiques.
Un gisement de drames donc où
Trevanian, fouineur lucide et désabusé, nous a déniché une pépite, excelle à la polir et nous en fait miroiter dans le soleil les éclats inquiétants, accrochant nos rétines jusqu'à l'obsession du mot fin. Il malmène nos palpitants autant qu'il nous réjouit parfois de ses dialogues croquignolets !
J'ai pensé tout le long de mon immersion (trop brève ! une après-midi et une partie de la nuit qui suivit disons. Pas moyen de décrocher de ce tourne-page !) à ce que
Tarantino, Leone, Eastwood ou je ne sais quel super cinéaste auraient pu pondre avec un scénar, un décor et des répliques aussi accrocheurs, en me disant que fort heureusement, à mesure que je lisais, défilaient dans mon esprit échauffé mes propres images.
J'aime les westerns sauf la majorités d'entre eux malheureusement, je veux dire ceux de la "grande époque", du moins ceux où les blancs triomphent d'indiens caricaturés. Ceux-là, majoritaires, je les rejette.
J'aime les westerns qui se jouent entre blancs, entre noirs et blancs, ou ceux qui donnent à la race indienne ses lettres de noblesse.
Ici je suis comblé : dans la communauté de spécimens humains qui nous intéresse, rien que des blancs, du blanc sale, du blanc cassé, bien cassé même parfois; du gris aussi, du gris poussiéreux surtout; le noir, quant à lui, est dans les têtes et la nuit. Bon d'accord, un noir y en a un, une jaune et un rouge aussi, mais on va pas chipoter, on n'est pas dans un conflit des peuples. Enfin pas d'abord, même si le plus bargeot des blancs se fait le chantre de la supériorité du colon sur ceux qu'il domine, migrants ou ex esclaves (ex, puisque l'action se passe après la guerre de sécession)...
Pourtant je n'irai pas jusqu'à dire qu'on n'est pas dans le conflit. Que nenni !
Dans le conflit, on y plonge dare-dare et malgré la rareté du jaune et du rouge, braves gens, dans le registre de la tension c'est pas du camaïeu, du monochrome alangui oooh noon... C'est un crescendo haut en couleurs, avec une apothéose qui décoiffe grave, et même un épilogue qui vaut son pesant de cacahuètes ...
Oui, chapeau (Stetson) bas, merci l'artiste et respect à son traducteur !