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Jean-Baptiste Coursaud (Traducteur)
EAN : 9782351788448
288 pages
Gallmeister (06/04/2023)
3.82/5   70 notes
Résumé :
A l'âge de sept ans, Risten est forcée de quitter sa mère dans le Nord de la Norvège et d'aller vivre avec son père dans le Sud du Danemark où il a décidé de s'installer avec sa nouvelle femme. Habitée par les croyances et superstitions ancestrales de la culture Sami, elle se retrouve, du jour au lendemain, complètement déracinée. Et sans sa grand-mère, il n'y a plus personne pour la protéger contre les ruses maléfiques des sous-terriens...
Un voyage surpren... >Voir plus
Que lire après Et voilà tout (La petite fille et le monde secret)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (30) Voir plus Ajouter une critique
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« Risten deviendrait Kirsten. Ça sonnait autrement plus danois.
J'imagine que ça ne devrait pas trop poser de problèmes, dit Knut.
Du moins tant que Risten n'a rien contre. Risten haussa les épaules en guise de réponse.
Et voilà tout. »

Non, voilà rien du tout ! C'est le roman d'un déracinement qui m'a collé les tripes à l'air, ce sont les minorités nationales norvégiennes qui trinquent. Les Sames et les Kvènes en général et l'histoire de la famille de Risten en particulier où tout est embrouillé par les disparités spirituelles et emmêlé par la hiérarchie des ethnies.

L'écriture de Maren Uthaug possède une telle acuité et une telle justesse dans les chagrins et les tourments de son héroïne qu'il me semble improbable qu'elle n'ait pas vécu elle-même les inégalités et les divisions de ce morceau d'Europe où les croyances shamaniques demeurent.

J'ai adoré ressentir l'affection que Risten porte à Ahkku sa grand-mère qui la protège des méchants sous-terriens qui te capturent et des aurores boréales qui dès qu'on les regarde t'ensorcellent.
J'ai gouté avec avidité à l'exotisme de ce roman aussi déroutant par le milieu glacial du grand nord que par les allures et les caractères aussi troublants que réconfortants des protagonistes.
J'ai savouré le langage leste et cru rendu nécessaire par des situations cocasses et grivoises si plausibles et tellement jubilatoires.

L'humour omniprésent apporte une fraicheur et une légèreté bénéfique à ce drame familial qui réserve aux lecteurs un lot d'imprévisibles rebondissements passionnants.

Risten, ta rébellion légitime m'a fait assimiler que la révélations des secrets bouleverse l'existence et illumine l'avenir mais que du coup : « c'est dur de rentrer chez soi quand ce foyer n'est plus le sien. »

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Une découverte et un dépaysement complets avec ce premier roman d'une illustratrice danoise , de renom [mère norvégienne et père same] qui narre justement l'enfance d'une petite fille,née , elle, d'un père norvégien et d'une mère same. Cette communauté same , plus connue chez sous le terme de "lapone"...

Dans la note préliminaire du traducteur, Jean-Baptiste Coursaud, nous
apprenons que ce terme "Same" est péjoratif, issu du substantif "lapp" signifiant "haillons" , "lambeaux"; il désigne en réalité l'habit traditionnel porté par les Sames....


"Nomades à l'origine, les Sames ont de fait été victimes, par les nations sur lesquelles s'étendent leurs terres (tant par l'administration que par l'église d'état), d'une assimilation forcée qualifiée par eux-mêmes de
génocide culturel, un ostracisme qui prend fin après 1945. " (p. 7)

Risten passe sa petite enfance (jusqu'à ses 7 ans) chez les Sames, peuple autochtone, tout au nord de la Norvège, entre ses parents qui se déchirent, et une grand-mère ancrée dans les traditions les plus profondes des Sames,
et qui ne cache pas son rejet de son gendre, qui a le plus gros défaut à ses yeux: il est Norvégien, comme un ennemi avant tout !

Risten adore sa grand-mère comme elle aime ses parents, même si elle est plus proche de son papa et qu'elle ne saisit pas la froideur maternelle !

Un jour, le père, pour échapper à cette ambiance mortifère et protéger sa petite-fille de la folie de sa belle-famille, part vers le Sud du Danemark vivre avec sa nouvelle amie...Pour atténuer cette séparation brutale, le
père précise à son enfant que ce départ n'est que momentané, pour des vacances !

Risten ne reverra plus sa grand-mère vivante, et sa mère, elle la retrouvera 20 années plus tard, lorsqu'elle en fera elle-même la démarche... arrivant, pour ces retrouvailles tardives, avec son petit garçon...

Une très émouvante évocation d'une enfance déracinée, et une description passionnante d'une communauté méconnue, et singulièrement sacrifiée !

Une très intéressante lecture, qui semble posséder des échos nombreux dans la propre vie de l'écrivaine.
Je vais aller chercher le contenu des illustrations de cette illustratrice et auteur de BD....Là aussi peut-être l'univers de son enfance lapone a dû transparaître dans ses "oeuvres graphiques" ... Car au fil de ce roman, on
voit cette petite fille, le crayon et le papier à dessin, pour "croquer" en permanence son environnement, par passion, besoin instinctif et irrépressible, mais aussi pour amadouer et se faire pardonner, à l'occasion, des uns et les autres.


In-fine, un très court lexique de quelques termes "sames" spécifiques !!

A peine retrouvée, Risten revient à Copenhague et apprend le suicide de sa mère, condamnée par un cancer...
... après un suspens particulier, un secret de famille se dévoile... La véritable filiation de Risten... Je ne vous en dirai pas plus !...

Une auteure ... qui j'espère poursuivra, en dehors de sa carrière d'illustratrice, l'écriture....A suivre fort attentivement !

"Le premier hiver au Danemark, Kirsten se rendit compte qu'elle échappait ainsi à l'un de ses pires cauchemars: les auréoles boréales. Ici, les nuits étaient uniquement noires et constellées d'étoiles. Parfois éclairées par la lune, elle-même de temps en temps pleine. Autrement dit, des nuits supportables". (p. 103)




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Une fois n'est pas coutume, les éditions Gallmeister proposent à leurs lecteurs un voyage en Scandinavie, ça change des grands espaces américains. Mais les grands espaces sont quand même là, qu'on se rassure. Nous sommes en Norvège du Nord puis au Danemark.

La Norvège du Nord est une terre peu peuplée où l'on dénombre plus de rennes que d'humains. Mais des humains sont quand même là depuis des temps quasi immémoriaux : les Sames et les Kvènes, des peuples lapons nomades et éleveurs qui font figure de minorités sur un territoire où s'inscrit pourtant toute leur histoire.

Une histoire basée sur de belles légendes, gravées dans la mémoire des femmes du pays [tiens, ça me rappelle la magnifique chanson "Marie-Jeanne Gabrielle" de Louis Capart, fin du hors-sujet].

Kirsten, la jeune héroïne de ce roman initiatique a passé sa petite enfance au sein de sa famille same, sur les genoux de sa grand-mère qui lui a transmis oralement les traditions fantastiques et folkloriques du peuple de sa mère - qui a commis l'offense impardonnable de se marier à un Norvégien d'Oslo. Kirsten grandit donc avec la crainte incessante que des créatures non-humaines et souterraines viennent l'enlever pour l'entraîner de force dans les entrailles de la terre.

Cette éducation peu commune aura sur son développement d'enfant puis d'adolescente des conséquences telles qu'elles rendront sa nouvelle vie au Danemark, où son père refait sa vie en l'emmenant avec lui, plutôt difficiles en termes d'intégration. Kirsten, en plus de devoir apprendre une nouvelle langue, se sentira toujours à part, tout comme "Niels", le jeune réfugié vietnamien hébergé par sa belle-mère. Une complicité intime et profonde unira les deux enfants déracinés et exilés, chacun en quête d'une figure maternelle perdue dans un passé flou ou fantasmagorique.

"Et voilà tout" est un premier roman ; on a du mal à le croire tant le roman est bien structuré, bien écrit (et bien traduit), tour à tour coloré et angoissant. Surprenant. C'est un récit qui explore beaucoup de thèmes intéressants comme l'identité, la nationalité, le rattachement culturel, la mutation des civilisations, les flux migratoires et surtout les rapports entre enfants et parents.

Une belle découverte qui change agréablement des polars scandinaves qui se vendent à la tonne, prouvant ainsi que quand un éditeur veut bien s'en donner la peine, il peut ne pas céder à la facilité et dénicher des pépites.


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‌Le titre "Et voilà tout" , frôlant le patapouf, comme celui de la précédente édition "La petite fille et le monde secret", au niaiseux fatal, sont bien impotents pour porter le charme puissant de ce livre. Ces béquilles pour éléphant fraîchement plâtré sont bien loin de l'habileté d'un texte d'eau vive, aux tourbillons irrésistibles.


Après un début un peu faseyant, l'art d'écrire de Maren Uthaug s'ancre prestement et zoome avec brio sur des moments de vie formidablement bien vus, triviaux ou essentiels, toujours frappants de vérité. L'empathie s'impose rapidement pour ne plus nous lâcher et on finit bien calés au fond de ce boa au moelleux de première classe qui nous aura subrepticement dévorés à notre plus grande satisfaction.


Caméra à l'épaule, l'auteur ne loupe aucun personnage haut en couleur, aucun moment décisif, aucun sentiment habilement dissimulé sous des objets fétiches.
Un humour subtil huile de joie un lecteur déjà comblé.

Le thriller génétique est la bouchée de saumon sur la patate, nous faisant tambouriner sur la dernière page , refusant de croire que l'auteur nous a porté sans ménagement l'estocade de son point final .

Merveilleux livre donc, abordant la culture samie, dont on a des aperçus très vivants , transmis de sa grand-mère à Risten et cristallisant sur des êtres légendaires et des talismans caressés toute une vie.
Une vie ballotée entre Norvège et Danemark pour cette enfant aux adultes défaillants mais qui saura s'abreuver à des rivières souterraines.
Un grand plaisir de lecture !
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Risten est une petite fille Sames qui grandit auprès d'une mère un peu indifférente, d'un père norvégien qui ne semble pas à sa place parmi les sames et d'une grand-mère qui lui raconte comment se protéger des sous-terriens et des aurores boréales. Une drôle de famille, inquiétante par moment, d'autant que la tante et l'oncle semblent avoir perdus la tête. Knut emmène sa fille vivre à Copenhague où les histoires de la grand-mère la suivent et font d'elle une adolescente difficile à comprendre.
J'ai dévoré cette histoire, c'est vraiment prenant ! On découvre bien sûr la culture des Sames mais de nombreux thèmes sont abordés comme la découverte de la sexualité, le déracinement, l'impact que peuvent avoir les histoires que l'on racontent aux enfants. de plus s'ajoute un secret, que l'on ne voit pas forcement arriver ! Une lecture qui nous fait voyager auprès de personnages attachants.
Challenge Totem
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critiques presse (1)
Actualitte
18 avril 2017
Une tonalité originale, à distance, mesurée et en même temps très intime ; une écriture sans emphase mais précise, âpre et légère à la fois.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Le paysage automnal insiste pour qu'on lui prête attention. avec leurs troncs blancs et leurs branches noires, les bouleaux arctiques le long de cette route asphaltée qui semble conduire à la fin du monde lui souhaitent à leur tour la bienvenue, mais eux, surtout, un bon retour à la maison. (...)
Kirsten ferme les yeux. C'est dur de rentrer chez soi quand ce foyer n'est plus le sien. (p. 199)
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Le premier hiver au Danemark, Kirsten se rendit compte qu'elle échappait ainsi à l'un de ses pires cauchemars: les auréoles boréales. Ici, les nuits étaient uniquement noires et constellées d'étoiles. Parfois éclairées par la lune, elle-même de temps en temps pleine. Autrement dit, des nuits supportables. (p. 103)
Commenter  J’apprécie          270
C’est pendant ses jeunes années, sur les genoux d’Áhkku, que Risten
apprit à avoir peur des sous-terriens.
Tandis que le fauteuil à bascule grinçait d’avant en arrière, Áhkku
évoquait ces créatures mystérieuses, ces suppôts de Satan qui vivaient sous
la terre et ne supportaient pas le signe de croix.
— “Quiconque restera caché devant la présence de Dieu vivra à jamais
caché devant Sa grâce”, cita-t-elle.
Elle lui parla de ces sous-terriens, et notamment des femmes qui
attiraient les êtres humains au fond de cavernes creusées dans la forêt. Et, si
tout le monde pouvait subir un tel sort, c’étaient surtout les hommes et les
enfants, qui ne savaient résister à leurs mouvements fluides et à leurs chants
suaves. Qui plus est, ces créatures maléfiques ne trouvaient rien de mieux
que de se déguiser en êtres humains, si bien qu’on ne pouvait pas voir
immédiatement s’il s’agissait de sous-terriens.
— Mais pourquoi elles veulent nous capturer ? chuchota Risten en se
cramponnant à l’accoudoir.
— Parce qu’elles ont des hommes et des enfants d’une laideur
épouvantable. Et c’est aussi pour ça qu’elles ont parfois l’idée d’échanger
nos enfants avec les leurs à leur naissance. Si jamais tu rencontres un enfant
avec un bec-de-lièvre, un pied bot ou une tête à la forme bizarre, tu peux
être sûre qu’il a été échangé à sa naissance. Donc c’est un sous-terrien que
tu regardes.
— Oui mais… tu viens juste de me dire que je ne pourrais pas faire la
différence entre les sous-terriens et nous et que c’est pour ça que je risque
d’être attirée dans leur caverne…
— Les femmes peuvent se déguiser au point de nous ressembler.
Seulement, elles ne peuvent pas cacher leur queue. Même si elles portent
une jupe longue, tu apercevras le bout de leur queue qui dépasse. Donc,
quand tu croises un étranger, il faut d’abord que tu le contournes avant de
lui dire bonjour.
Risten acquiesça et prit une légère inspiration.
— Mais il y a une chose qui marche toujours !
Áhkku se pencha si près de Risten que celle-ci se serait reculée pour
échapper à sa mauvaise haleine si elle n’avait su qu’il s’agissait maintenant
d’une question de vie ou de mort.
— C’est quoi ? murmura-t-elle.
— Ils ne supportent pas l’argent.
— L’argent ?
— Oui, les objets en argent. Donc il faut que tu aies en permanence sur
toi quelque chose en argent pour les tenir éloignés.
Risten sentit les larmes monter dans sa gorge.
— Mais je n’ai pas d’objet en argent, moi !
— Tiens, prends ça.
Áhkku défit son bracelet et l’accrocha au poignet de Risten.
— Moi, il n’y a pas de chance qu’ils veuillent me capturer. Je suis une
vieille et grosse bonne femme. Et puis, je vais bientôt monter au ciel.
Rejoindre Læstadius.
— Merci, Áhkku.
Soulagée, Risten caressa du bout des doigts cette toute nouvelle sécurité
qui ornait son poignet.
— Mais surtout, ne t’avise pas d’en parler à ta mère ! Rihtta n’a jamais
rien compris à tout ça, ni à quel point c’est important. Oui, certaines fois, je
me suis même demandé si elle n’avait pas été échangée à sa naissance elle
aussi, hargneuse et lubrique comme elle est. Remarque, ça expliquerait
pourquoi elle s’est mariée avec un stállu* pareil. Enfin, c’est comme ça,
que veux-tu. Les petits enfants gigotent sur les genoux de leur mère, les
grands enfants piétinent le cœur de leur mère.
Áhkku se frotta les yeux et poussa un profond soupir.
— Bon, descends d’ici que je te regarde.
Risten obéit aussitôt.
— Tourne-toi que je te voie de derrière.
Risten fit volte-face.
— Non, tu n’es décidément pas un sous-terrien, affirma Áhkku en
l’envoyant paître d’un geste de la main.
Risten se précipita dehors, franchissant la porte d’un pas rapide, encore
une fois soulagée d’avoir été reconnue comme un être humain.
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— Pourquoi Áhkku elle parle bizarre quand elle discute avec Læstadius ?
demanda Risten à sa mère le lendemain matin, alors qu’elles empruntaient
le chemin de l’école.
— Il ne faut pas que tu écoutes les sornettes de ta grand-mère sur ce fichu
Læstadius. Dieu n’existe pas. Et ce Læstadius n’était qu’un idiot qui a
poussé les gens à croire à ce qu’il disait.
— Oui, mais pourquoi elle parle bizarre ?
— Parce qu’elle parle en kvène.
Rihtta serra la main de sa fille en voyant quelqu’un s’approcher sur le
sentier.
— C’est quoi, le kvène ?
— Une espèce de vieux finnois que parlaient des gens de Finlande qui
ont immigré ici.
— Ils venaient d’où ?
— De Finlande, je te dis. Ils se sont installés ici il y a plusieurs centaines
d’années.
— Pourquoi ?
— Va savoir. Ils devaient avoir faim. C’était comme ça autrefois.
— Et ils ont eu de quoi manger ?
— Ça m’en a tout l’air, oui. Puisque les Kvènes habitent toujours par
chez nous.
— Et Læstadius, il ne comprend pas le same ou le norvégien ?
Risten avait envie de libérer sa main de celle de sa mère tant elle la
comprimait. Ce qu’elle ne fit cependant pas car jamais à ce jour Rihtta ne
l’avait accompagnée à l’école, et elle ne voulait surtout pas commettre un
impair qui pousserait celle-ci à changer d’avis. Ce serait agréable de l’avoir
à côté de soi quand, dans quelques mois, la noirceur de l’hiver engloutirait
les reliquats de lumière du jour.
— Bien sûr que si, il était Suédois, répondit Rihtta d’un air absent, en se
retournant au passage d’un homme.
Ce n’était que l’épicier. Rihtta lâcha la main de Risten et lui dit sans la
regarder :
— Je te défends de parler à d’autres grandes personnes que papa, Isak et
moi.
— Et Áhkku ?
— Oui oui, Áhkku, tu as le droit.
Elle semblait agacée.
— D’accord.
Rihtta accéléra le pas et Risten, presque obligée de courir, la suivit à
grand-peine.
— Mais Áhkku, pourquoi elle lui parle dans l’autre langue ?
— Oh, écoute, je n’ai pas envie d’en discuter, là tout de suite.
Risten regarda ses pieds. Rihtta prit une profonde inspiration avant de
répondre :
— Parce que, à l’époque où vivait Læstadius, il a fait croire à une tonne
de gens que le norvégien était la langue de Satan. Que le same était la
langue du cœur. Et le kvène, la langue sacrée. Donc j’imagine qu’Áhkku
doit se croire un peu plus près de Dieu si elle récite ses prières en kvène.
— Et toi, tu sais le parler, le kvène ?
— Non, il n’y a que les Kvènes qui parlent kvène.
— Alors même eux, on peut pas leur parler ?
Risten contourna une pierre au lieu de sauter dessus puis d’en
redescendre, comme elle l’aurait fait d’habitude.
— Pourquoi veux-tu qu’on leur parle ? Bon, maintenant tu peux courir
sur le bout de chemin qui te reste à faire. Pendant ce temps, moi, je te
surveille.
— Tu viendras me chercher comme hier à la fin de l’école ?
— Oui. Sinon ce sera Knut.
— J’ai le droit de parler avec les maîtres et les maîtresses ?
— Oui, mais à personne d’autre. Et surtout pas à Aslak ni à Ravna. Tu
m’entends ?
— C’est qui ?
— Contente-toi de n’adresser la parole à personne.
— D’ac.
Risten ne put réprimer un petit sourire : sa maman avait sûrement peur
des sous-terriens. Aussi sec, elle toucha le bracelet d’Áhkku avant de
s’élancer vers l’école. La sensation de sécurité se dilata dans un grand
sourire. Arrivée devant le portail, elle se tourna pour faire au revoir à Rihtta
qui la regardait. Elle ne lui rendit pas son coucou.
Commenter  J’apprécie          10
Déjà qu'on était pas mal déprimé à cause de cette foutue nuit polaire. Même les locaux, ceux qui étaient nés ici, dans cette Norvège du Nord, ils ne la supportaient pas. Pas étonnant que la région ait le plus haut taux de suicide du pays. Le froid, passait encore, on pouvait s'en protéger: il suffisait de mettre une couche de vêtements supplémentaire. Mais l'obscurité, non: le noir se glissait dans le crâne et colonisait l'esprit. (p. 9)
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Vidéo de Maren Uthaug
-- ENTRE LES MAINS DES LIBRAIRES --
Coup de coeur lecture 2023
Une fin heureuse
Comme sa mère, son grand-père et tous les hommes de la famille avant lui depuis sept générations, Nicolas est croque-mort et adore son métier. Il tient désormais les rênes de la florissante entreprise familiale. Pourtant, il s'apprête à prendre la décision la plus difficile de sa vie. En plus d'un héritage déjà bien lourd à porter, le voici à présent obsédé par des pulsions inavouables. Tandis qu'il emmène ses deux enfants en voyage, Nicolas tente de comprendre sa part d'ombre et retrace l'histoire de cette lignée d'excentriques au service des défunts. D'une île perdue au milieu de l'océan Pacifique au XIXe siècle, berceau de leur généalogie, à l'actuelle Copenhague, se dessine une incroyable saga familiale où les gènes décident de l'avenir de chacun. Car la question se pose : une dynastie qui vit des morts depuis des siècles peut-elle vraiment connaître une fin heureuse ? Maren Uthaug réinvente la saga nordique, en l'épiçant d'humour noir et de provocation.
Une fin heureuse de Maren Uthaug @gallmeister -- traduit du danois par Marina Heide et Françoise Heide
Disponible au rayon Littérature de la librairie et sur le site ! https://www.ombres-blanches.fr/product/655110/maren-uthaug-une-fin-heureuse
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