L'étranger

Nous sommes amateurs des courtes aventures fantastiques de Chris van Allsburg, cela ne manque ni d'humour ni de mystère avec entre autres sa formule magique " Probouditi" qui transforme les petites soeurs trop collantes en "chiens" dociles, avec sa "figue de rêve" qui offre un voeu à des dentistes sans scrupules ou avec son jeu de société " Jumanji" plus vrai que nature.
Il y a peu de temps l'éditeur D'eux nous avait fait redécouvrir le tout premier album de van Allsburg "Le jardin d'Abdul Gasazi", une bonne surprise magique et facétieuse toute enveloppée d'un charme rétro noir et blanc délicieux.

L'album de "L'étranger" se montrera moins désopilant et plus serein, nous laissant rêveur jusqu'à la fin.
Ça aurait pu s'appeler " l'inconnu" plutôt que l'"étranger".
Le titre se montrera très subtil dans une grande simplicité d'intrigue, son sens dépassera assurément celui de l'hospitalité.
En finissant l'histoire, l'auteur nous laissera seul juge de ce qui s'est vraiment passé, comme avec " le jardin d'Abdul Gasazi".
Les Bailey ont-ils tout imaginé?

Ici, personne ne jouera de tour à personne, tout est extrêmement prévenant et bienveillant et la famille Bailey, un peu coupable, ne cherchera pas à savoir qui est l'"étranger". Et pourtant, il y aura quelque de chose de trop mystérieux chez cet " étranger". Mais les Bailey, vivant au milieu de nul part, sembleront bien trop contents d'accueillir plutôt que de se méfier. D'autant que l'étranger n'est pas hostile voire même plutôt utile.

Pour reprendre du début, un jour le fermier Bailey renversera par accident un jeune homme avec sa camionette en pleine campagne.
Très naturellement, il l'accueillera chez lui et fera mander le médecin: pauvre étranger, amnésie!
On ne saura pas trop quoi penser au début de cette intrigue et il faudra se laisser porter par le moment présent.
Les Bailey n'en attendront pas d'avantage du personnage doux, naïf, fort comme un boeuf pour aider aux tâches de la ferme et assez enjoué autour d'un air de piano.
L'étranger apportera bonne compagnie et nous devrons nous résigner à cette raison seule qui fera de l'album quelque chose de plaisant autour du thème de l'accueil.

Nous comprendrons bien qu'il existe un mystère surnaturel autour de l'étranger qui ne se souviendra pas d'où il vient et quelques pistes nous seront données pour supposer des identités.
Elles seront incroyables et impossibles et pourtant l'indice de fin pourrait confirmer au moins une hypothèse: cet étranger très lié à la nature n'est clairement pas d'ici.

On aimera sans doute l'histoire pour cela, son caractère simple mais très mystérieux.
C'est arrivé un jour, c'est resté un souvenir et les Bailey ne savent pas si ils n'ont pas rêvé. Mais ce jour là des amis se sont trouvés.

Dans sa camionnette, le fermier Mr. Bailey est perdu dans ses pensées. Il renverse par accident un homme portant d'étranges vêtements de cuir brut. Il l'aide à se relever et ramène cet homme inconnu jusqu'à sa maison. Surprise de l'arrivée d'un homme qu'elle ne connait pas, sa fille, Katy le regarde avec méfiance. Quant au fermier et sa femme, ils s'interrogent sur l'identité de cet homme : est-ce un ermite, un bohème, une âme perdue ?
Inquiets du comportement taiseux et étrange de l'homme, Mr. Bailey appelle un médecin. Celui-ci remarque la présence d'une bosse derrière la tête. Il pose comme diagnostic que cet homme a perdu la mémoire.
Petit à petit, l'homme s'intègre au sein du foyer, aidant le fermier à travailler aux champs, contemplant un vol d'oies sauvages aux cotés de Katy, dansant avec toute la famille.
L'automne pointe le bout de son nez, l'étranger aide le fermier à soulever les grosses citrouilles, contemple la couleur changeante des arbres. Triste de voir que les arbres restent verts, il décide de partir. Son départ coïncide avec l'arrivée de l'automne. Pourquoi prend-il cette décision, lui qui s'entendait si bien avec toute la famille ? Cette saison lui évoque-t-elle de mauvais souvenirs ?
Des illustrations aux couleurs saisissantes et des expressions venant des personnages dignes de véritables tableaux de peintres, rappelant le mouvement du réalisme américain. Une fin énigmatique qui laisse libres cours à l'imagination, à la rêverie car cet homme reste étranger à nos yeux. Sa rencontre avec les Bailey est temporaire, de la même manière que le temps est éphémère. Cette fin nous laisse des doutes : reviendra-t-il l'été prochain et disparaitra-t-il l'automne prochain ?

Alors que l'été s'achève, le fermier Bailey heurte brusquement quelque chose en conduisant. C'est un homme qu'il découvre étendu sur la route, un homme qui ne prononce aucun mot et semble être amnésique. le fermier décide de le recueillir chez lui le temps de son rétablissement. Les jours passent et l'étranger s'intègre à la famille Bailey, aide le fermier dans les champs.

Cependant, la fillette Katy observe des choses étranges chez l'individu. Il apprivoise les animaux avec une étonnante facilité, ne transpire pas quand il travaille et les journées sont aussi chaudes qu'en été alors que l'automne devrait déjà avoir fait son entrée. Qui est réellement cet homme et d'où vient-il ?

C'est toujours un régal pour les yeux de se plonger dans un album du talentueux et renommé Chris van Allsburg. Une lecture énigmatique, sujette à différentes interprétations car l'identité de l'étranger reste mystérieuse jusqu'au dénouement.

Des pages qui éveillent la curiosité par le biais d'une atmosphère oscillant entre réel et fantastique. La beauté de la nature, aux superbes couleurs automnales, nous est offerte grâce à de somptueuses illustrations.

Les plus jeunes pourront laisser libre court à leur imagination avec cet album jeunesse surprenant et fascinant. 
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