Howard Alan Treesong, le paladingue.
Atteint de la folie des grandeurs mais agissant avec méthode dans la démesure de ses projets dont celui de devenir empereur de l'aire gaïane, Howard Alan Treesong est un Prince-Démon qui ne lésine pas sur le meurtre, le chantage, la corruption à grande échelle. Aucune image ne le représente jusqu'au jour où un portrait de groupe le mentionne. Pour Kirth Gersen, la découverte de cette photographie représente une aubaine inestimable lui permettant d'approcher enfin le dernier des cinq Princes-Démons responsables du massacre de Mount Pleasant dont eut à souffrir Gersen dans son enfance. A travers sa pseudo-activité de journaliste sous le nom de Henry Lucas, Kirth Gersen va lancer un concours à travers la galaxie afin d'identifier les individus sur la photographie. Treesong réagit en dépêchant au siège du journal une jeune femme séduisante, Alice Wroke pour qu'elle se fasse embaucher et obtienne des informations sur le but du concours. Commence pour Gersen une enquête intersidérale et déboussolante visant à traquer l'insaisissable Treesong mais le roi des voleurs est maniaque et méfiant. Kirth Gersen va avoir bien des difficultés à contrecarrer le Prince-Démon. En mettant la main sur un cahier rouge intitulé « le livre des rêves » rédigé par Howard dans son enfance, l'aventurier justicier a encore un atout à jouer mais la partie est truquée et il l'ignore.
5e et dernier tome de la geste des Princes-Démons, « le livre des rêves » propose des rebondissements et des périples dépaysant dans des lieux qui laissent songeur : la sinistre planète Boniface, le vieux monde de Moudervelt d'où Treesong est originaire, la planète-vivarium de la Réserve de Béthune, en orbite autour de la naine jaune Corvus 892. Chaque planète conditionne des moeurs et coutumes extravagants, inquiétants mais humains dans la mesure où les colons proviennent tous de la bonne vieille Terre depuis des temps reculés. le chapitre 20 qui clôt la saga tient sur une demi-page. Il est aussi lapidaire que le désarroi de Kirth Gersen est grand avec sa phrase conclusive : « Tout est fini pour moi ». Est-il délivré du poids de la vendetta ou bien est-il anéanti parce que sa vie n'a plus de sens ? Bien que la trame narrative soit simple à l'extrême avec la traque et l'exécution méthodique des Princes-Démons responsables d'une tuerie restée impunie, la verve de Jack Vance est communicative et entraîne le lecteur dans un voyage enlevé, déroutant et réjouissant.
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Kirth Gersen continue sa moisson de Princes-démons ,le quatrième de la série Howard Alan Treesong est aussi truand que les autres (tel Vautrin il intrigue pour devenir chef de la police …) et également bien barré . On peut vraiment dire de lui qu'il n'est pas seul dans sa tête. L'histoire se déroule suivant un schéma immuable :Gersen enquête pour découvrir le vrai nom du personnage , puis ses origines (planète et milieu) ce qui lui permet de déterrer les racines de sa « vocation » criminelle . Puis vient le moment de la chasse (à l'appât et à l'affut ) souvent avec l'aide d'une ravissante auxiliaire (ses James Bond girls à lui) . L'originalité vient de l'intarissable inventivité de Vance en ce qui concerne les planètes , leur faune , leurs populations et leurs moeurs . A noter que la règle d'or de son univers est le désir d'escroquer son prochain ce qui en dit long sur sa vision de l'humanité..
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Ce tome ci est, à mon goût, un peu mieux que les autres puisqu'il conclut presque magistralement la saga. Et c'est avant tout par la description de ce cinquième prince démon, absolument formidable, complètement à l'opposé de tous les autres, complètement fou, et qui bouleverse radicalement le fonctionnement habituel de Kirth Gersen, ce qui le rend du coup plus attachant et plus humain. L'originalité et l'intérêt du prince est aussi rendu grâce à sa faculté à "échapper" plusieurs fois au héros. Telle une anguille, il échappe plusieurs fois au sort funeste que lui réserve Gersen. Et c'est également l'occasion de lire un récit différent. Si dans les autres tomes, il se déroulait toujours de la même façon, avec un dénouement identique, ici le récit prend une tournure décalé, presque détachée à l'image de l'attitude de Gersen, plus intéressé par son avenir amoureux que par le plus grand criminel intergalactique de tous les temps. Un peu de légèreté amène de la fraîcheur à ce cinquième tome, et à cette saga qui en avait besoin.
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Chacun des princes-démons veut contrôler la réalité, faire une planète à son image. Malagate cherchait une planète pour sa race, Kokkor Hekkus écrivait sa romance sur sa planète, Viole Falushe la traitait comme un décor où contrôler les corps, Lens Larque voulait modifier la psyché d'un système solaire. Forcément, le défi doit être plus formidable encore pour Howard Alan Treesong: c'est le monde qui doit être à ses pieds.
Et c'est là le tour de force de ce livre. L'autoritaire, hypersensible Treesong (jusque là rien de nouveau), s'est nourri de ses fantasmes et fantaisies, de sa volonté de puissance, pour écrire son Livre des Rêves, et c'est à cette science-fiction que le monde doit ressembler.
Un ado potache ou passionné, un tyran cruel, un maître détâché des contingences: on aura beau le psychanaliser, on ne peut le réduire à un aspect, sauf à dire que c'est une personnification du lecteur "prototypique" de SF. Vance a souvent fait part de réticence à considérer la SF et la fantasy comme une littérature adulte ou sérieuse - pourtant pas faute d'y contribuer. Ce qu'il nous livre ici, c'est une réflexion sur les motivations du lecteur voir le héros triompher, à imposer son contrôle à un monde trop complexe, à des relations amoureuses qui demandent effort et compréhension - et c'est d'ailleurs la seule fois que l'intérêt amoureux de Gersen est son équivalent, et que tous deux... échouent. Comme eux, comme les parents vengeurs de Nymphotis (celui qui n'a pu se transformer en papillon), il ne reste que la faillite finale: l'objet du désir - la vengeance - disparu, que faire de sa vie, comment en retrouver le contrôle? N'y a-t-il que la violence, imposer aux autres sa volonté? Gersen le disait à Alusz Iphigenia dans le Visage du démon: il n'est pas un véritable homme, hors de sa monomanie, il n'a pas atteint l'âge adulte, celui de la responsabilité (qui lui incombe en tant que multimilliardaire et dont il refuse les conséquences dans le palais de l'amour, car s'il met fin à l'esclavage en rachetant une entreprise, l'escalvage se dévelppera ailleurs... hum... il s'est passé quoi avec sa famille et son village déjà?).
Avec le Livre des rêves, Vance recontextualise sa pentalogie pour questionner le sens moral de la littérature d'évasion, un tour de force bien moins acrobatique et ambitieux, mais moins aride que celui du Rêve de fer de Spinrad.
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Pontefract sur Aloysius, petite cité notable surtout pour son brouillard persistant, était devenue par la fantaisie du sort un important centre de l’édition et de la finance. Dans le plus vieux quartier de la ville, dominant la Place St. Paidrign, s’élevait l’antique Tour Bramville, présentement siège de Cosmopolis, périodique comportant des nouvelles, des photographies et de courts essais. Le contenu de cette revue, parfois profond, souvent dramatique ou même sentimental, était proposé à l’attention de personnes intelligentes appartenant à la classe moyenne dans la totalité de l’Œcumène.
Extrait du livre audio « Madouc, Lyonesse, T3 » de Jack Vance, traduit par E.C.L Meistermann et Pierre-Paul Durastanti, lu par Marvin Schlick. Parution numérique le 30 août 2023.
https://www.audiolib.fr/livre/madouc-9791035410391/