Fred Vargas avait interrompu depuis six ans la série des Adamsberg pour écrire deux libelles écologisants (*) de peu d'intérêt au demeurant.
Et voilà qu'elle nous donne une nouvelle aventure de son commissaire et de son équipe ; comme beaucoup d'autres, je m'en suis réjoui.
Pas longtemps. Pour l'amour des ouvrages précédents, j'ai poursuivi vaillamment ma lecture jusqu'à la moitié du livre environ ; l'ennui qui m'avait envahi dès les premières pages dès les premières pages de
Sur la dalle m'a hélas contraint à l'abandonner. La pointe de curiosité que je gardais encore m'a conduit à lire cependant les trois derniers chapitres pour connaître le dénouement, Et le dénouement, c'est le bouquet.
Maxime Chattam lui-même n'aurait pas fait mieux. Ou pire. Je ne vous le raconterai naturellement pas, quoique je vous rendrais peut-être service si son absurdité (et le mot est faible) pouvait vous décourage d'entreprendre cette lecture
Mais commençons par le début. Je ne vous parlerai pas du sujet,vous le connaîtrez bien assez tôt si vous entreprenez cette lecture malgré mes conseils.
Je dirai seulement que nous nageons dans l'invraisemblance de bout en bout.
Son oeuvre baigne (ou baignait) au contraire dans une sorte de...je dirais bien réalisme magique si le terme n'était déjà pris, et je la rangerais bien aux côtes de
Pierre Véry, d'
André Dhôtel, et même du Grand Meaulnes,
Mais rien de de tout cela ici.
Et l'invraisemblance se loge au niveau le plus trivial, au point que la taxerais d'ignorance, nonobstant les titres universitaires de la dame, ou de je-m'en-foutisme.
Jugez-en et gardez bien à l'esprit que l'action se déroule de nos jours.
Madame Vargas a-t-elle si peu dépassé le périphérique pour imaginer qu'il puisse exister en 2023 un bourg de 1200 âmes doté d'une mercerie, d'un magasin d'électro-ménager, d'un garage et même d'un internat dont les pensionnaires (y compris des enfants du bourg!) ne sortent pas le week-end ?
Quant à Combourg (ce village en est proche), on y trouve un casino (pour ceux qui se poseraient la question, le plus proche se trouve à Saint-Malo, à une trentaine de kilomètres)
Mais ce n'est pas tout. Dans cette curieuse contrée, on ne peut recourir à un avortement légal à cause du scandale (?) et il faut recourir à des « faiseuses d'anges ».
La Bretagne est sans doute une contrée arriérée où le secret médical est inconnu et où les lois de la République Française ne s'appliquent pas.
Mais après tout c'est peut-être bien le cas si on en juge d'après le déroulement de l'enquête. La gendarmerie n'existe pas, le juge d'instruction est inconnu, et il existe dans la police un curieux grade de commandant divisionnaire.
On m'a dit qu'il s'agissait de "fiction". L'argument est irrecevable. Si l'intrigue du roman et les personnages sont fictifs, ils s'inscrivent dans un contexte conforme à la réalité objective. le reproche d'invtaisemblance par rapport à ce contexte est donc pleinement justifié. L'auteur a le droit de s'affranchir de cette règle, mais alors il écrit du fantastique, de la SF, ce que l'on veut, ce qui pourrait difficilement être invoqué pour défendre cet opus, à moins que l'on admette qu'Adamsberg n'ait franchi un portail spatio-temporel et basculé dans un univers parallèle. Alors...
Et j'en oublie. Quant à la psychologie des personnages, n'en parlons même pas. Il ne sont plus que leur propre caricature, au moins qu'on a parfois l'impression de lire un plagiaire maladroit.
On peut aussi noter qu'au milieu du livre surgissent comme des cheveux sur la soupe (ou pour moderniser la métaphore, une machine à coudre sur une table de dissection) deux truands échappés d'une Série Noire des années cinquante lancés à la poursuite des policiers (si, si!) qui disparaissent rapidement à la satisfaction du lecteur qui a tenu jusque là, sans avoir rien apporté à l'intrigue.
J'ai gardé le plus beau pour la fin : le style.
Je vous en livre un échantillon, digne du devoir de français d'un mauvais élève de troisième :
« Le commissaire leur en avait fait préalablement un portrait rapide : le petit, Berrond, souple et liant, n'avait pas, au physique, l'allure d'un homme déluré et productif, alors qu'il était un énergique infatigable et subtil. Verdun, lui, dont on devinait à son visage lumineux qu'il était un homme entreprenant et rapide, présentait une face inverse faite de prévoyance, de discrétion et de réserve »(**)
Tout comptes faits, et contrairement à ce que je disais plus haut, l'auteur a peut-être eu tort d'abandonner l'écologie,,
Dernière minute: le corps du Commissaire Adamsberg, disparu à Combourg depuis la mi-juillet, avait été retrouvé en début de semaine dernière en forêt de Ville Cartier.
Attendu les circonstances du dossier, le parquet avait immédiatement ouvert une enquête préliminaire confiée à la Section de Recherche de la Gendarmerie de Rennes, sous la direction du Lieutenant -Colonel Cruchot.
L'enquête s'est très vite orientée vers une piste prometteuse.
On apprend aujourd'hui que Madame Frédérique Audouin -Rouzeau, dite
Fred Vargas, romancière et universitaire, est entendue dans les locaux de la Section de Recherche.
D'après une source proche de l'enquête, les enquêteurs la soupçonne d'avoir commandité l'assassinat du Commissaire par deux malfrats parisiens actuellement en fuite
Madame Vargas aurait tenté de se pre-constituer un alibi grâce à un roman publié bien avant les faits sous le titre de Sous la Dalle, tissu d'elucu raisons invraisemblables qui ne pouvait tromper les enquêteurs
PS il est intéressant de constater que les cinq critiques les plus appréciées attribuent au livre des notes de 1 ou 2
(*) Je ne me prononce pas sur le bien-fondé des thèses qu'elle a voulu défendre ; je constate simplement que ces ouvrages auraient pu être écrits par beaucoup de gens, alors que Vargas était la seule à pouvoir écrire des Adamsberg ; c'était dommage pour la littérature.
(**) Entre autres :
Énergique ne peut pas s'employer comme subjonctif
Qu'est-ce que la face inverse d'un visage, fût -il lumineux ? Et en quoi les deux membres de la phrase recèlent -ils une contradiction ?
Les adjectifs sont employés de manière approximative et mal associés ; les descriptions ne correspondent à rien de précis
Du temps que j'étais au lycée, j'aurais écopé d'un "mal dit" pour moins que ça