Un livre passionnant , jamais ennuyeux, qui couvre, en 411 pages, les portraits de 20 négociateurs ayant marqué leur époque par leur longévité et/ou leur vision géopolitique. Certains sont très connus comme
Charles Maurice de Talleyrand-Perigord (pour moi le prince des diplomates), d'autres que j'ai découvert au fil de ces courts portraits comme Louis Berthou ou Gustav Stresemann, enfin des personnages connus pour leurs responsabilités mais dont l'histoire éclaire l'oeuvre comme
Kofi Annan ou
Boutros Boutros-Ghali.
Au fil de leurs histoires l'ouvrage met en exergue les lignes de force de leur « métier » et des aptitudes à cette fonction de négociateurs. Parmi les points forts « la concentration de la décision […], le faible poids de l'opinion, la possibilité du secret », mais il y avait aussi une connaissance approfondie de l'histoire, les relations, l'empathie entre ces hommes, ces adversaires, qui se rencontraient, s'affrontaient mais se respectaient et prenaient le temps de traiter des problèmes complexes car la négociation était « ce que la civilisation avait imaginé de mieux pour empêcher la force de présider seule aux rapport internationaux ».
Le dernier chapitre, écrit par
Hubert Védrine, fait la somme de cet « âge classique » et le constat d'une disparition annoncée. A partir des années 70, avec la mondialisation arrivent de nouveaux acteurs et la mise en avant des chefs d'état avec la création des G5, G7…G20 etc.., les cohortes de « sherpas » préparant les dossiers et tentant de gérer la coordination « d'une globalisation économique et l'interdépendance généralisée ». D'autres niveaux de coordination apparaissent, notamment à l'échelle européenne entrainant une certaine marginalisation des ministres des affaires étrangères. Les chefs d'état sont donc de plus en plus exposés, en proie à la transparence des médias, à la pression de l'opinion publique à travers les réseaux sociaux et les réactions émotionnelles. Tellement faciles à manipuler.
Et
Hubert Védrine de trancher « Rendre compte, oui ; expliquer, oui ; mais la transparence permanente, instantanée et totale, c'est la mort des compromis et, donc, de la négociation »
« L'écologisation rationnelle et scientifique des modes de production, de transport et de vie » verra-t-elle par nécessité le retour des grands négociateurs ? La question reste ouverte et termine l'ouvrage.