Il se dégage une odeur de roussi dans ce tourne-page qu'est la nouvelle version remaniée de ce roman paru en 2015 chez XYZ Éditeur. Un roman « incisif, direct, parfois comique, mais surtout très efficace » comme le qualifie un des personnages de «
Cochons rôtis ».
Avec son intrigue solide, tissée serrée, cette histoire de vengeance à plusieurs niveaux s'appuie sur une description des plus réaliste du travail quotidien des équipes de patrouilleurs en binôme associées aux postes de quartier du Service de police de la ville de Montréal (SPVM). Au point de se demander si le récit est fictionnel.
L'auteur met en scène une galerie de personnages principaux et secondaires tous crédibles et les fait évoluer dans des lieux bien connus de la métropole québécoise. de brefs détails biographiques sur les membres du « Groupe 2 du poste de quartier 16 » du SPVM sont livrés au lecteur en pages liminaires.
J'ai été accroché à cette histoire « porcine » dès les premières pages, intrigué par ce narrateur psychologue qui « passe le plus clair de [ses] journées à écouter les problèmes des autres » qu'il considère « même parfois jouissif, un plaisir coupable ». En refermant le livre, force est de constater qu'il n'avait pas tort. Et, en passant, impossible de deviner la conclusion de cette enquête. Je me retiens de vous la dévoiler même si cela me brûle les lèvres .
J'ai grandement apprécié les quelques notes en bas de page qu'a insérées le romancier pour nous faire découvrir des expressions consacrées du travail policier :
• la désignation des voitures de police en patrouille ;
• l'organisation du travail sur un cycle de 35 jours ;
• l'abréviation SD, sergent détective ;
• les quatre centres opérationnels (C.O.) sur l'île de Montréal ;
• les « fall in », les réunions de toute l'équipe de policiers avant le début du quart de travail ;
• l'abréviation R-D-P qui fait référence au Centre de détention Rivière-des-Prairies;
• l'abréviation D.H., la « dernière heure, c'est-à-dire que le policier est libéré plus tôt, sans avoir mangé » ;
• « Un gars de date : un gars qui a beaucoup d'ancienneté » ;
• « Faire la roulette : changer de partenaire de patrouille à chaque quart de travail » ;
• les abréviations « M » et « A » : congé pour maladie ou annuel ;
• « Être dans le ‘' blanc ‘', par opposition à être dans le ‘' rouge ‘' qui fait référence aux policiers qui ne sont pas conscients des dangers de leur environnement » ;
• « Pointer le péteux : sortir son arme de service » ;
• « Copycat : tueur en série qui imite le modus operandi d'un autre » ;
• l'abréviation MAS : moralité, alcool et stupéfiant ;
• 10-10 : « code utilisé sur les ondes radio pour indiquer ‘' annulé ‘' » ;
• 02 : « code pour indiquer une période de repas » ;
• « Sam Brown : nom de la ceinture de travail sur laquelle les policiers accrochent leur équipement » ;
• « Chemise bleue : en référence à l'uniforme porté par la police municipale, par opposition à la chemise verte de la Sûreté du Québec » ;
• « MAPP : Module d'action par projet – un groupe de policiers dégagés de la patrouille pour se concentrer sur le renseignement criminel dans leur secteur » ;
• « Être en coop : porter main-forte à un collègue sur un appel ».
De l'aveu même de
Vic Verdier, ce dernier a appris toutes ces informations et bien d'autres sur le milieu policier, les procédures et le fonctionnement du SPVM ayant été longtemps marié à une policière :
« On en discutait souvent à la maison. J'ai appris les codes et pris conscience des défis que pose la profession. C'est un peu un passage obligé si on s'intéresse à ce que l'autre fait au travail. Les histoires, les attitudes, les anecdotes des groupes de travail de mon ex-femme ont donc naturellement trouvé leur place dans le roman. »
De plus, l'auteur remercie les policiers de Montréal qu'il a eu le plaisir de côtoyer « et qui ont agi comme autant de sources et de conseillers lors de l'écriture », content de les « avoir eus en coop sur cet appel ».
Par contre, j'ai été irrité en cours de lecture, par l'abus de mots, d'expressions, de portions de dialogues… empruntés à la langue anglaise dans un roman francophone écrit par un francophone. On me dira qu'il s'agit là du langage courant des policiers de Montréal. Si c'est le cas, on a une belle illustration que le français est en danger dans les forces de l'ordre. Il faudra m'expliquer pourquoi il n'en est pas ainsi dans la très grande majorité des polars dont les récits se déroulent dans la même ville, à la même période !
Malgré cette remarque de forme, « Cochon rôtis » est un excellent roman qui se lit d'une traite. le lecteur est rapidement happé par le rythme de l'écriture. Les chutes de fins de chapitres et l'accumulation progressive des indices et des hypothèses rendent l'expérience addictive.
L'éditeur annonce la parution d'un deuxième tome des enquêtes de
Vic Verdier récemment promu sergent-détective, trois ans après les événements racontés dans «
Cochons rôtis ». Je brûle de me plonger à nouveau dans l'imaginaire d'un auteur que je viens de découvrir sur le tard.
Vic Verdier… est le pseudonyme de Simon-Pierre Pouliot, même patronyme qu'un des personnages flamboyants du roman. Diplômé en histoire de l'Université Laval et en communications de l'Université McGill, il a travaillé « à écrire plein de choses pour plein de monde, aussi bien au
Cirque du Soleil qu'à la Commission de la construction du Québec ».
Vic Verdier – un nom emprunté à son grand-père qui a lui-même publié des oeuvres musicales dans les années 1960 – est un projet d'écriture qui s'inscrit dans difféents genres tout en se moquant des étiquettes : le thriller, la science-fiction, l'horreur et le polar.
Merci aux éditions Alire pour le service de presse.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : ****
Intrigue : *****
Psychologie des personnages : *****
Intérêt/Émotion ressentie : *****
Appréciation générale : *****
Lien :
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