Au VIème siècle avant JC, Zarathoustra (Zoroastre) parlait ainsi et beaucoup. A sa mort ses dernières paroles furent pour son petit-fils Cyrius Spitama, tout au moins c'est ce qu'a imaginé
Gore Vidal. A son corps défendant Cyrius est dès lors vu comme un saint homme, comme le grand prêtre du Zoroastrisme porteur des derniers préceptes du messager du Seigneur Sage.
On pourrait qualifier
Création de Wiki-Roman. Plus qu'une épopée historique c'est une encyclopédie romancée dans laquelle un héros imaginaire Cyrius Spimata n'est entouré que de personnages ayant existé et devient témoin d'évènements historiques, la part de fiction se réduisant à de la mise en scène et à des dialogues.
Création embrasse un siècle de conflits mêlant les guerres médiques entre la Perse et la Grèce, les affrontements dans ce qui sera l'Inde entre les royaumes de Koshala et Magadha pour la domination du Gange et enfin les troubles entre les douze royaumes de la Chine. Sans parler des complots et trahisons dans les cours des royaumes.
Du point de vue spirituel c'est une période majeure qui voit la naissance de grands mouvements philosophiques ou religieux : Bouddhisme, Taoïsme, Confucianisme débutent leur cohabitation avec des Dieux et des rituels millénaires.
Moitié perse et moitié grec Cyrius n'est pas un noble mais un religieux éminent du royaume de Darius roi des perses. Darius 1er le Grand Roi s'il n'est guère religieux considère avec respect la religion de Zoroastre qui est un monothéisme adorant le Seigneur Sage (Ahura Mazda) qui créa le Ciel et la Terre à partir du feu. Bati sur un manichéisme entre le Bien et le Mal, le zoroastrisme est en conflit avec les autres religions du monde antique occidental et elles sont nombreuses et puissantes.
Du coup Cyrius Spitama devient un habile politique pour promouvoir sa religion sans braquer les autres, en s'appuyant sur sa proximité avec la maison royale de Perse.
Nommé ambassadeur par Darius il va partir à la découverte des contrées à l'est de la Perse : ce que l'on n'appelle pas encore les Indes et ce que l'on nomme Cathay à savoir la Chine. A cette époque ce sont encore des agglomérats de royaumes instables et en guerres quasi permanentes, ce qui vaudra à l'envoyé du Grand Roi de marcher sur fil tantôt invité d'honneur, tantôt prisonnier voire esclave.
La mission confiée par Darius est d'établir des liens commerciaux avec ses contrées et d'évaluer la possibilité de les conquérir. Mais Cyrius mène une quête plus personnelle et métaphysique, comprendre le mystère de la
Création, si le Seigneur Sage a créé le Ciel et la Terre avec le feu qui a créé le feu ? qui y a-t-il avant que quelque chose existe ? Il va se frotter aux pensées orientales et comme c'est un veinard il va croiser, excuser du peu,
Le Bouddha (Siddhartha en personne), les premiers maîtres du Tao et
Confucius.
Les dialogues entre ces sages et Cyrius mettent en évidence les différences entre une religion monothéiste et les sagesses indiennes et chinoises qui n'adorent pas de Dieu et ont une vision circulaire de l'univers. Pour eux la question de la
création n'en est pas une, le monde est un fait, il n'a pas de début ni de fin à l'image d'un cercle. Cyrus retrouvera la Perse de longues années après son départ riche de spiritualité mais sans illusion sur l'âme humaine.
Roman long et difficile qui réclame de l'attention et de la mémoire de la part du lecteur. L'érudition de
Gore Vidal est éblouissante, on imagine la somme de connaissances qu'il lui a fallu rassembler en un temps où internet n'existait pas. Mais le mieux est parfois l'ennemi du bien certains passages sont un peu indigestes et le lecteur ploie sous le savoir. Toutefois l'effort mérite d'être fait, pour le sentiment d'être moins ignorant en refermant le livre et pour un voyage stimulant dans une antiquité où les passions humaines étaient déjà les nôtres.