La libération, pour Nâgârjuna, ne peut s’établir que sur les ruines de la réalité mondaine (laulika sattva), sur l’effondrement des certitudes illusoires et limitées. C’est un véritable travail de déconditionnement auquel Nâgârjuna invite son lecteur ; il lui demande, et en cela son exigence est extrême, d’accepter de rompre avec les schèmes conceptuels classiques de la certitude ou de la conviction. Nâgârjuna propose de franchir une barrière gnoséologique, qui est, en vérité, la mise en d’œuvre d’un authentique saut qualitatif. Certes, cette expérience peut affoler la pensée de celui qui accepte de la tenter, mais passé le premier moment d’étonnement et d’angoisse, devant la fuite et la disparition de toutes les certitudes, apparaît alors l’immense champ de l’Éveil, le domaine invisible, vide de substance propre, non différencié de la vacuité (sûnyatâ). (p. 31)
Ce qui n’existe pas par soi même ne peut, a fortiori, exister par autrui.
L'héritage de René Guénon