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EAN : 9782841161737
64 pages
Cheyne (09/11/2011)
3.94/5   17 notes
Résumé :

Aller à la découverte des hautes herbes,
au détour de paysages repeints aux couleurs de reverdie annuelle, est un bonheur comparable à celui de se lever tôt pour constater que le soleil règne en maître absolu sur la campagne, avant que ses rayonsfrappant de plein fouet les yeux du promeneur matinal, à peine éveillé, ne le jettent, l'esprit à moitié sonné, sur le carreau éblouissant des routes...

H.V.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Avant de commencer la lecture de la poésie d'Hubert Voignier, Les Hautes Herbes est un recueil qui attire le regard. Les nuances de vert de la couverture, les illustrations en surimpression de la jaquette et puis le toucher, sous les doigts la texture fibreuse du papier de mûrier (?), révèlent un objet singulier.
Ouvrir le livre, c'est aller encore vers l'étonnement, les caractères d'imprimerie sont tout de vert foncé, les dessins fleurissent au gré des pages.
Ce magnifique travail de mise en page réalisé par Estelle Aguellon, typographe et illustratrice, augure de belle manière l'écriture d'Hubert Voignier.

Composé de textes en prose, Les Hautes Herbes est, comme pourrait l'être une oeuvre musicale, divisé en quatre mouvements : impulsif, récitatif, dérivatif et méditatif.

Le premier mouvement (chapitre) donne l'impulsion du livre, ouvre d'emblée sur ce qui est le thème central du recueil. le regard de l'auteur intercepte les étendues d'herbes, nuances verdoyantes, une aura végétale qui monte jusqu'à hauteur de coeur. Au travers des mots naît une profusion d'impressions empruntées à l'enfance, au souvenir, une profusion qui confine au rêve et emprunte à la grâce des phrases d'une émouvante tonalité :

« Et pour un peu je me laisserais bien emporter par ces surfaces onduleuses de verdure, ces étoffes mouvantes qui se font et se défont sous le vent, décrivant les différentes nuances et degrés d'intensité du vert prairial au fur et à mesure des saisons; je me laisserais bien ravir l'esprit par la surface diaprée de ces champs d'herbes hautes, comme à la contemplation d'une eau s'écoulant impassiblement dans la continuité et la métamorphose inlassables de ses formes superficielles; je me verrais gagné à mon tour par une certaine ivresse de la profondeur et de la diversité verdoyantes que suggère la surabondance des herbes s'épanouissant librement dans les champs à marée haute ».

Le récitatif du deuxième mouvement se veut un essai de canaliser le flux d'impressions, de l'amener au champ de l'observation, de la connaissance botanique. La tentative est belle qui fait apparaître une réserve poétique dans les mots savants de chaque spécimen, comme les fragments isolés d'un plein champ :

« Enfin, au sommet, sur un même plan irrégulier de crêtes dessinant la couronne onduleuse des hautes herbes, pointent les grandes lances effilées des chaumes et les épillets plus ou moins serrées des plantes graminées : avoine, ivraie, flouve, canche gazonnante, chiendent, fétuque, fléole, dactyle pelotonné, crételle des prés, au beau milieu desquels émergent parfois, plus haut perchées, les constellations blanches des plantes ombellifères, telles que le cumin des prés, la berce brancursine ou la carotte sauvage, l'étoilement solitaire des grandes marguerites, ou les touffes paniculées de l'oseille commune, qui prennent une couleur rouge sombre, tirant sur la rouille ou le sang coagulé, sous l'effet de la chaleur dont les accès suivent avec un temps de retard comme le tonnerre escortant l'éclair l'allongement et le rétrécissement du jour de et d'autre du solstice d'été. »

Dans le troisième mouvement (dérivatif), l'auteur se laisse glisser plus avant dans la fantasmagorie, celle d'une prolifération végétale devenue dévorante dans laquelle l'être serait englouti jusque dans la perte de tout repère. Pour revenir à la surface de cet envoûtement, pour conjurer ce débordement de la nature, l'homme doit agir contre la « mauvaise » herbe :

« Mauvaise herbe qui ne répond à aucune nécessité positive, qui pousse çà et là comme un parasite, inutile, vivace et surnuméraire, qui croit et ne produit rien qui vaille, se développe et prolifère à tout va, gratuitement. Mauvaise graine d'errantes graminées qui ne germe et ne s'épanouit que pour le plaisir, pour jouir de la vie et se multiplier librement, profiter de la terre et du temps qui court, des terrains des bouts d'espace vierges, oubliés par le monde et les sociétés humaines... Graine de voyou ou de bohémien toujours en quête de bonheurs immédiats et de gains faciles, oublieuse des lois et des devoirs temporels, sourde à toute idée de bien commun ou d'intérêt supérieur, ivre de vacances et de latitudes infinies... Ivraie qu'il faut soi-disant séparer du bon grain pour ne pas gâter la récolte, de même que l'on sarcle, arrache, extirpe le chiendent, le séneçon et autres plantes néfastes aux cultures, afin de garder celles-ci propres et prospères… »

Méditatif est le quatrième mouvement. L'auteur interroge son rapport à ces hautes herbes (par extension, à la nature). Il ouvre chez le poète un espace intérieur empli de la couleur des herbes, de toutes ses déclinaisons, de tous ses tons intermédiaires qui sont sans cesse faits et défaits par les saisons, le vent et la lumière.
Le regard porté sur elles se fait langage et prise de conscience de la terre qui nous porte, aliment souterrain et primordial, qui contient la vie et la mort, la sève et la cendre.

Il m'a plu de relire Les Hautes Herbes d'Hubert Voignier. Ce recueil est empreint d'une rare délicatesse. Dans de magnifiques textes en prose, l'auteur nous rappelle que la nature a toujours à voir avec la poésie mais également que notre rapport à elle doit être constamment revu et conservé, précieusement.
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Une ode au vert prairial des hautes herbes écrites et gravées dans ce magnifique recueil.

Quatre souffles pour affleurer le trouble sensoriel au plus intime de l'être et de sa conscience.

L'élan joyeux, le corps arqué vers le chant d'herbes et de fleurs sauvages entrelacées :

"Comme si la nature toute entière se fendait d'un large sourire et s'ouvrait généreusement à ma conscience, s'offrait dans tout sa profondeur et sa folle opulence ; comme si mon âme par le truchement du regard avait pleinement accès à l'intimité du monde au dehors"

Le regard ébloui dans l'appréhension de chaque espèce, non à titre savant :

"sinon pour le plaisir de voir défiler tous les noms, les beaux noms des plantes sauvages....d'y voir un peu plus clair dans cet océan de formes et de couleurs".

Le rêve, devenir autre, minuscule insecte ou chevelure ébouriffée au vent dans l'infinité végétale au risque de l'étouffement :

"Je me laisse glisser progressivement dans une fantasmagorie de la prolifération végétale, submerger par cette nuit grandissante et impénétrable jusqu'à l'étourdissement, la perte de conscience du sensible".

La pensée, un avertissement de la nature, une spamoldie à la reviviscence :

" à la mémoire de ceux qui ont traversé la mort comme les eaux de pluie traversent le sol aride, avide de renaître."

.."et jusqu'à la fin des temps, de goûter pleinement la beauté du monde, d'en prendre la mesure, sans peser plus que son propre poids, sans s'attarder ni laisser de traces trop profondes derrière si, afin que partout où l'on a passé du bon temps, l'herbe repousse justement sous les pas".

La lecture de ce texte est un enchantement serti dans une jaquette et des gravures qui fleurent bon la fabrication et l'impression artisanales.

Un immense coup de coeur.
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C'est d'abord un bel objet que ce livre, c'est ce qui le fait prendre en main dès qu'on le voit.
Une couverture à la fois d'une grande simplicité et d'une grande recherche. La texture de la couverture, le choix des verts pour l'impression et les dessins légers d'Estelle Aguelon qui illustrent le texte.
La poésie est déjà présente.
Le mondes des herbes s'ouvre pour nous.
« Aller à la découverte des hautes herbes, au détour de paysages » se laisser saisir par la diversité des couleurs et accepter de céder à la tentation de s'enfoncer et de s'égarer dit le poète parmi ces plantes, ces hautes herbes.

Chercher tous les lieux où elles croissent, dans la campagne, les jardins, les talus, les bords des routes « sous les vergers sans âge, dans les prairies en pente »

Cette recherche « est un bonheur comparable à celui de se lever tôt pour constater que le soleil règne en maître absolu sur la campagne, avant que ses rayons, frappant de plein fouet les yeux du promeneur matinal, à peine éveillé, ne le jettent, l'esprit à moitié sonné, sur le carreau éblouissant des routes… »

Pourquoi ne pas se laisser envahir par cette « prolifération végétale » et déambuler, s'ouvrir « aux sensations d'odeurs, de touchers, aux bruissements minuscules et aux froissements et tintements de toute forme d'herbes »

« Les hautes herbes sont un corps entier et complexe, une unité multiple à déchiffrer dans la continuité du visible. »

« On aimerait bien, suivant les traces de Rousseau à l'île Saint-Pierre ou bien celle d'Hugo à Guernesey, s'attacher simplement à énumérer et à décrire de façon exhaustive les différentes sortes de plantes graminées et de fleurs présentes dans un coin donné. »

Ce petit livre, cinquante pages tout au plus, est superbe, c'est « une parenthèse lyrique et magnifique, élaborée et érudite » qui invite en cette fin d'hiver à retrouver la vie, la fertilité, le jaillissement d'une praire, d'un jardin car nous dit le poète « les hautes herbes mènent réellement au seuil d'un pays intérieur, ouvrent la voie à une autre dimension, un envers ou un endroit confiné du monde. »

Si vous aimez la poésie faites une place à ce livre dans votre bibliothèque
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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« Par les soirs bleus d'été… »
Chapitré en 4 mouvements nommés impulsif, récitatif, dérivatif et méditatif, le bref opus du poète lyonnais Hubert Voignier (né en 1964) intitulé Les hautes herbes déroule l'écheveau des herbes sauvages s'entremêlant et ondoyant dans les prés, les jardins ou les talus. le premier plaisir du lecteur tient au sujet du livre, les herbes folles, vues par un poète et non par un botaniste. le regard du poète n'évacue pas pour autant les connaissances naturalistes mais il se permet des digressions ouvrant sur la métaphysique. le second plaisir, tactile plus que visuel, pourtant concomitant, réside dans l'excellence de la réédition en 2011 de l'oeuvre parue initialement en 2004. Cheyne éditeur a pris soin d'ajouter une jaquette illustrée, tissée et fibreuse à l'instar des hautes herbes décrites. Toutefois, les illustrations sommaires d'Estelle Aguelon dans le corpus ne restituent pas la profusion, la ténuité et la vitalité des graminées libres et des fleurs simples. L'écriture déliée d'Hubert Voignier balance des cordées de mots avec une élégance nonchalante. Les mots, riches, précis, accessibles donnent à sentir l'immersion aurorale dans une fontaine de jouvence verte : « […] au tournant de l'hiver, tandis que les journées remontent peu à peu le courant de la lumière jusqu'à la source d'été… ». L'auteur a des accents rimbaldiens, qu'il cite en exergue et son oeuvre diffuse une exhalaison printanière, entêtante, propice au voyage.
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L'auteur nous propose une oeuvre au champ d'appréhension vaste : philosophie, botanique, flânerie poétique ; il ressort de cette immersion dans la nature "en majesté", dans la nature miroir existenciel, dans la nature, enfin, redécouverte, un rapport de l'homme à celle-ci digne d'une nudité préhistorique.
A goûter en toutes saisons.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Aussi je m'en vais par les routes pluvieuses ou ensoleillées d'avril, bordées d'orties vivaces et d'ombelles géantes, dont les petites grappes de fleurs blanches gravitent comme des galaxies dans l'espace poudreux des talus et des fossés, à la recherche de ces champs d'herbe haute rehaussés de fleurs — faisant ressurgir en moi le souvenir d'enfance de vertes prairies constellées de narcisses au parfum amer sur le plateau d'Hauteville — à travers les voûtements grêlés des sous-bois ou les vastes nefs renversées des platanes le long des nationales, je pars à la rencontre des hautes herbes comme à la découverte d'un grand pays luxuriant où je désire m'immerger pour ne plus refaire surface. Je m'élance à la conquête de cet au-delà de verdure où l'on puisse vivre à jamais sous les lois de vigueur et de profusion végétales, où l'on puisse s'abreuver à cette fontaine de jouvence printanière, et atteindre par là à une forme d'éternité qui soit verte.
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[…] il n’y a rien que cet assèchement progressif, cette réduction de la verdure en paille légère et cassante, ce repli annoncé de la sève, cet effacement. […] les hautes herbes ne sont que ce miroitement trompeur d’horizons fastes et de prospérité fabuleuse… bien loin d’annoncer un corps glorieux, une chance de postérité dans la matière, ne revêtent au fond qu’un paysage décharné, pauvre enveloppe végétale jetée comme de vieilles nippes trouées sur les assises osseuses de la terre.
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Aller à la découverte des hautes herbes, au détour des paysages repeints aux couleurs de la reverdie annuelle, est un bonheur comparable à celui de se lever tôt pour constater que le soleil règne en maitre absolu sur la campagne, avant que ses rayons ne frappant de plein fouet les yeux du promeneur matinal, à peine éveillé, ne le jettent , l’esprit à moitié sonné, sur le carreau éblouissant des routes.....
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un bonheur comparable à celui de se lever tôt pour constater que le soleil règne en maître absolu sur la campagne, avant que ses rayons, frappant de plein fouet les yeux du promeneur matinal, à peine éveillé, ne le jettent, l'esprit à moitié sonné, sur le carreau éblouissant des routes…
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les hautes herbes mènent réellement au seuil d'un pays intérieur, ouvrent la voie à une autre dimension, un envers ou un endroit confiné du monde
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