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EAN : 9782070701568
288 pages
Gallimard (12/04/1984)
4.59/5   27 notes
Résumé :
Pour présenter, en 1984, sur cette espèce de colonne Morris qu'est une " quatrième de couverture ", la première Semaison, je l'ai définie comme " un recueil de graines légères, pour replanter, essayer de replanter la "forêt spirituelle" ".
Il y a encore, heureusement, quelques graines de ce genre, lumineuses, dans ces récents carnets ; des clartés reçues pas seulement du monde, mais aussi d'écrivains fort divers comme La Fontaine, Goethe, Maurice de Guérin, C... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La lumière dessine le monde.
Le poète tente de traduire dans ses proses imagées le dialogue entretenu par les éléments constitutifs d'un paysage (les accords orchestrés par la lumière entre arbres, herbes, ruisseau, etc.) apte à faire naître et à entretenir chez Philippe Jaccottet des réminiscences et des sentiments, à laisser entrevoir un monde qui se dérobe. Entre la beauté éternelle qu'il faudrait saisir dans son jaillissement et l'humaine condition taraudée par l'oubli et l'aveuglement, le poète cherche et tâtonne avec des mots qu'il reprend sans cesse afin qu'ils disent au mieux la place de l'homme passager dans un univers mouvant. A lire les notes classées chronologiquement de 1954 à 1979, le lecteur ne peut qu'être captivé par une recherche autant formelle qu'existentielle. le poète revient inlassablement sur la nature qui l'entoure, s'attarde sur des aspects particuliers, une floraison, une lumière, une eau vive et tente d'approcher la source de ses impressions mais les mots s'accordent souvent entre eux pour dire autre chose, esquiver la réalité, amoindrir le propos alors le poète hésitant ébauche, échafaude, édifie une nouvelle approche. de ces courts textes se dégagent de la ferveur et de l'effarement, une plénitude qui s'atteint dans les vides et les ombres, à travers l'esquisse inachevée du monde.
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Novembre 1959
     
... à bout de forces dans cette aube de novembre
je vois le soc du froid qui s'avance et flamboie
et en arrière dans une lumière accrue
l'ombre laboure
     
*
Je parle pour cette ombre qui s'éloigne à la fin du jour
ou n'est-ce pas plutôt elle qui chante en s'éloignant,
son pas qui parce qu'il l'emporte dans les champs
parle avec toute la douceur de la distance?
Quel est cet air plus mélodieux que l'air,
sinon la déchirure même et la distance de la terre
qui murmure amoureusement, sinon les heures
qui de passer font une suite de paroles? ...
     
*
... Où faut-il que ton pied se pose, et que ton coeur
cherche aliment ? Le monde glisse, les saisons se dérobent
et les plus pures lignes sont brouillées.
Les joints des mots se rompent, certains sombrent,
d'autres s'éloignent, mais le fond même
et la distance même ne sont plus saisies.
     
Y aura-t-il des larmes assez claires
pour nous creuser un chemin dans ces terres ?
Mais s'il ne s'agit plus de terres, de chemins,
de nuit à traverser, s'il n'y a plus
de terre, plus de jour, plus d'étendue?
Si la source des pleurs est asséchée?
Si le vent, même pas le vent, la tempête
ou plutôt la tempête dans les tempêtes
emporte les moindres propos
et la bouche qui les disait, et les visages
qui se tendaient vers sa douceur, et la douceur,
emporte l'emportement même
et qui dévorerait le souvenir du feu, le nom du feu
jusqu'à la possibilité du feu ...
     
*
... Si je ne m'avançais vers la fin, je n'aurais
pas de regard. ...
     
~
Mars 1960
     
Étrange, cela.
J'ai considéré la face de la nuit, et les joyaux dont elle orne son éloignement. Sultane insaisissable, le bas du visage sous le voile de la brume lunaire, beauté brûlée, calcinée, tison qu'aucune main ne peut saisir.
     
     
(La semaison, carnets 1954-1967, éd. Gallimard, 1971.
Extraits, pp. 25-28 & 41)
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1959

JANVIER

Glace, limpidité, soleil. De rares nuages, petits, accrochés aux montagnes. Tout est purifié, les ornements sont tombés, rien ne reste que les formes essentielles. La terre du jardin est dure, le matin, comme criblée par une rosée glaciale, puis toute la journée légèrement humide. Rêve d'écrire un poème qui serait aussi cristallin et aussi vivant qu'une œuvre musicale, enchantement pur, mais non froid, regret de n'être pas musicien, de n'avoir ni leur science, ni leur liberté. Une musique de paroles communes, rehaussée peut-être ici et là d'une appoggiature, d'un trille limpide, un pur et tranquille délice pour le cœur, avec juste ce qu'il faut de mélancolie, à cause de la fragilité de tout. De plus en plus je m'assure qu'il n'est pas de plus beau don à faire, si on en a les moyens, que cette musique-là, déchirante non par ce qu'elle exprime, mais par sa beauté seule. On n'explique absolument rien, mais une perfection est donnée qui dépasse toute possibilité d'explication. Racine quelquefois, Pétrarque, Góngora par éclairs, Labé ? Arnaud Daniel ? Scève ?
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Le soir, vergers d'amandiers, leurs troncs noirs. De hauts buissons de palmes comme des tas d'éventails. Bois de pins, et au-delà des montagnes sombres. Ou alors le bleu de la mer entre les troncs et les verdures, mais le mot bleu ne suffit pas, trop doux, on voudrait presque dire noir, et ce serait faux encore. Un bleu accumulé, concentré, épais, comme un mur. En tout cas pas une ouverture. Une richesse bleue. Rien de mobile ni de scintillant non plus. Pas davantage une tache. Intense, mais calme, immobile, opaque, profond. Une présence bleue, aussi forte que de la terre, aussi lourde, aussi riche, mais une, sans détails. Tout le paysage, d'ailleurs, vu ainsi de l'intérieur d'une forêt, plutôt immobile quoique aéré, fort et léger tout ensemble, vibrant et calme, puissant sans ostentation, plutôt debout qu'étendu.

(extrait de "Majorque, Mai 1958").
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1958
 
JANVIER
 
Les colonnes de neige sont emportées à travers champs, routes et collines,
tronquées ou tordues par le vent,
étoiles frêles, frileuses,
constellations mobiles de cristaux
qu'un souffle changerait en larmes.
Jetées à terre ces armées en déroute
ne sont plus que ruissellement.
Toute la nuit le grondement du vent comme une flamme dans un four.
Au matin toujours la fuite de la neige, des nuages bas, et à peine plus haut un soleil visible à travers ses draps.
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Couronne de roses blanches. Les cheveux clairsemés, défaits, d'un vieil homme gravement malade, voilà à quoi j'ai pensé cette année à la vue du grand rosier. À présent je pense encore au roi Lear dans la tempête. Il n'a plus de force ; la moindre odeur lui est un tourment, alors qu'il était le moins douillet des hommes.
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L'Odyssée existe dans de très nombreuses éditions, je vous recommande la traduction magnifique de Philippe Jacottet, en poche, aux éditions La Découverte.
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