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EAN : 9782707321213
190 pages
Editions de Minuit (16/09/2010)
4.12/5   25 notes
Résumé :

"C'est dans une venelle du Tarrafeiro, sordide quartier marécageux près du port intérieur de Macau, que s'est réfugié Breughel. Membre d'une société secrète évoquée à travers les noms énigmatiques de " Paradis ", " Grand-mère " ou " Les Iles ", Breughel a quitté l'Occident. Il a fui avec Machado, un Brésilien, et Gloria Vancouver, l'une des responsables de l'organisation, en d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Exilé en compagnie de sa maîtresse Gloria Vancouver et d'un brésilien, Machado, qui les a aidé à trouver refuge à Macau, Breughel se cache et il vit maintenant seul, dans un quartier sordide de ce petit morceau de Portugal en mer de Chine.
Agent de son Parti missionnée pour le séduire, Gloria Vancouver a finalement trahi cette organisation totalitaire, et elle a accompagné Breughel dans sa fuite sans retour, après avoir détourné de l'argent du Parti.

Lorsque le roman s'ouvre, Gloria et Machado ne sont plus là, et, dans un cloaque envahi par les blattes, Breughel rumine sur la fin de toute chose, dans l'attente de sa propre décomposition. Rattrapé par Kotter, un tueur envoyé par le Parti pour retrouver les fuyards et l'argent, qui le soumet à un interrogatoire aussi violent qu'absurde, Breughel semble résigné à une fin proche, sans amertume tant elle est attendue.

«La foi en l'avenir était parvenue au dernier degré de sa combustion suicidaire.»

Écrivain vieillissant, dans cette partie de la vie «où déjà tout est recouvert d'une poussière de mort», la seule chose qui semble lui importer, dans ses récits et mensonges à Kotter, reste de protéger Gloria Vancouver. Mais, dans ce livre où rien n'est exempt du doute, cette femme existe-t-elle ou est-elle issue des fictions de Breughel ? Gloria Vancouver est-elle insane, recluse entre les murs d'un asile ou bien déjà morte ?

«Elle existe, elle n'existe pas, c'est une inconnue à cheveux noirs, parfois tu inventes un passé au cours duquel tu as été heureux avec elle, longtemps, pendant une vie entière, et parfois tu ne lui as même pas adressé la parole, elle t'a simplement frôlé, dans des structures clandestines qui se donnaient pour objectif d'exécuter des nettoyeurs ethniques, des vendeurs d'armes, des idéologues de la boucherie, des seigneurs. Bien que souillé pour toujours par la guerre, tu es resté un homme qui rêve sa vie, un habitant de l'imaginaire.»

Dans une ville de Macau en décrépitude, où la cohabitation des deux écritures, portugaise et chinoise, forme un contrepoint aux voix discordantes de Kotter et Breughel qui s'expriment successivement sous des formes diverses, récit, rêve ou monologue, «Le port intérieur», huitième roman d'Antoine Volodine (Éditions de Minuit, 1996) prend la forme d'un millefeuille de la parole, d'une théâtre d'ombres où chaque chapitre apporte une nouvelle couche de sens, une nouvelle parole qui échappe sans cesse à la volonté de domination et d'appropriation de l'interrogateur.

Les fictions d'Antoine Volodine ne se livrent jamais complètement au lecteur, comme un univers qu'on aime passionnément, mais dont on n'atteindra jamais le coeur.
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Volodine ouvre la tête de Breughel et nous voilà à explorer tels des haruspices aveugles les restes dans lesquels nous retrouvons les fluides imaginaires et politiques où se dessinent des archipels, des îles.
Des îles comme celles qui font face à la péninsule de Macau. Des îles, Macau, un petit réduit du port intérieur où des apostats du Parti comme Breughel viennent faire naufrage, entourés par la brume d'une langue inconnue, des refrains populaires des opéras cantonnais.
Des îles, peuplées de signes, de faux horizons.
Les îles, le Paradis : les deux noms que Gloria, Breughel et Machado utilisent pour désigner le Parti qu'ils fuient. « Les îles, comme s'il s'agissait d'un rivage d'espoirs exotiques dont nous aurions à jamais la nostalgie ». Les îles qui finiront par rattraper Breughel au fond de cette rue du Tarrafeiro.
Des îles fantômes pour tromper l'enquêteur.
D'autres îles fantômes, habitées par la folie et l'absence pour cacher la belle révolutionnaire Gloria Vancouver.
Des récits aux récifs incertains, cauchemars pour égarer l'enquêteur.
Des îles, des îles encore, on en invente alors même que gisant dans ce taudis de la rue du Tarrafeiro, étranglé pour un interrogatoire qui n'en finit pas.
On avait bien dissimulés des fictions et des rêves exprès pour brouiller les pistes, pour faire croire à la mort de Gloria Vancouver qui crie, folle, ses slogans de la guerre noire :
« CHRYSALIDE DU TROISIÈME SOMMEIL, REGROUPEZ-VOUS ! »
Mais en vain.

Macau, Breughel, Gloria, la langue, les fictions, autant de fictions qui font archipel.
Macau, casino, mafia, tromperie idéologique, opéra du Guangdong : voilà qui serait exotique si nous n'étions déjà étranger à nous-mêmes, à l'humanité et au Parti dans ce récit qui porte dans son sein le dispositif de la confession piégeuse d'un interrogatoire, brouillant constamment la certitude du plan onirique où se dit l'histoire.
« La fiction pouvait reprendre, c'est-à-dire ma vie. »

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Excellentissime. L'écriture de Volodine est brillante, avec une rare capacité à donner corps aux cinq sens, ici dans le cadre exotique (pour un lecteur français) d'un bidonville de Macau. C'est une littérature poussée à son comble, qui devient son propre objet. Le lecteur est placé dans un entre-deux ne sachant pas si la fiction qu'il a sous les yeux est une 'vraie' histoire inventée par Volodine, ou un rêve, ou encore un récit inventé par le personnage principal, un peu écrivain sur les bords, Breughel. Tous les personnages de ce roman ont la consistance incertaine et friable de fantômes. Chaque scène pourrait être vue comme un montage/collage fabriqué à partir d'archétypes poétiques ou romanesques. Et pourtant, à la fin du livre, miracle, vous avez une image assez nette du film.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
A partir de mars, avril, les durians s'amoncellent sur les étals des marchands de fruits.
Gloria demandait au vendeur de fendre l'écorce à la machette. Elle aimait cette pulpe qui a une texture de dessert crémeux, comme une glace à la vanille en train de fondre sous une membrane jaune, jaune pâle, mais qui, pour la narine peu aventureuse, répand une odeur inélégante, repoussante, même, un cocktail d'excrément et d'ail, avec un zeste de carton humide et une giclée de butane.
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J'avais si souvent décrit ma confrontation avec Kotter que je ne savais plus si Kotter existait vraiment, avec son pistolet en plastique et sa ficelle, et si l'interrogatoire avait eu lieu à un moment donné ou s'il risquait encore de se produire, ou si Kotter existait seulement à l'intérieur de la tête malade de Breughel, c'est à dire de la mienne.
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p.184/Ne perdons pas de vue l'angle littéraire sous lequel Breughel a toujours considéré son existence et celle des autres, ces quelques décennies de réalité diluée et ruminée qu'on appelle l'existence.
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Videos de Antoine Volodine (43) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Antoine Volodine
Rencontre animée par Pierre Benetti
Depuis plus de trente ans, Antoine Volodine et ses hétéronymes (Lutz Bassmann, Manuela Draeger ou Eli Kronauer pour ne citer qu'eux), bâtissent le “post-exotisme”, un ensemble de récits littéraires de “rêves et de prisons”, étrangers “aux traditions du monde officiel”. Cet édifice dissident comptera, comme annoncé, quarante-neuf volumes, du nombre de jours d'errance entre la mort et la réincarnation selon les bouddhistes. Vivre dans le feu est le quarante-septième opus de cette entreprise sans précédent et c'est le dernier signé par Antoine Volodine. On y suit Sam, un soldat qui va être enveloppé dans les flammes quelques fractions de seconde plus tard, quelques fractions de seconde que dure ce livre, fait de souvenirs et de rêveries. Un roman dont la beauté est forcément, nécessairement, incandescente.
À lire – Antoine Volodine, Vivre dans le feu, Seuil, 2024.
Son : Axel Bigot Lumière : Patrick Clitus Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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