J'ai beaucoup aimé ce livre. Cette plongée dans l'univers de cette famille juive de Bohême, la famille Kafka, a été à la fois un grand plaisir de lecture tant l'écriture est fluide, vivante et maîtrisée, et une approche instructive sur l'impact qu'a pu avoir chacun de ses membres sur la vie et l'oeuvre de l'un des plus grands écrivains tchèques.
On suit cette famille sur trois générations en commençant, milieu du 19ème siècle, à Osek, par Jacob Kafka et son épouse Franziska Platowski (grands-parents de Franz) jusqu'à « La solution finale ».
On assiste ainsi à l'évolution du statut social leur permettant de s'installer à Prague avec la fin du système des « familiants » et la loi discriminante de la « familiantenstelle » (numéro d'autorisation à résidence) par la promulgation en 1849 de l'abolition de ladite loi.
« Les chaînes tombèrent, le Juif put se déplacer librement et acquérir des terres. Il fut aussi libéré des liens qui meurtrissaient le plus douloureusement l'âme juive : le Juif eut le droit de se marier. Il n'eut plus besoin du consentement, si cher payé, des autorités, il eut le droit de se marier sans obstacle comme n'importe quel autre sujet » - page 48.
La psychosociologie de l'époque au sein des familles bourgeoises juives est très bien dessinée. Elle rend compte de l'assimilation progressive des juifs dans leur patrie d'adoption par leur adaptation à l'existence dans la grande ville par opposition à la campagne où les rites religieux encadrent rigoureusement la vie quotidienne.
Alena Wagnerova est une auteure et
journaliste tchèque. Elle vit depuis 1969 à Sarrebruck et écrit aussi bien en allemand qu'en tchèque. Ses auteurs de prédilection sont
Franz Kafka et
Jiri Weil. Ce n'est pas rien !
Pour écrire ce livre, elle s'est appuyé sur le
journal de
Franz Kafka, ses échanges de courrier. On découvre ainsi ses relations avec ses soeurs, la complexe personnalité de son père, la douceur de sa mère, ses fiançailles avec Felice Bauer, sa rencontre avec Dora Diamant mais aussi ses échanges avec
Milena Jesenska.
A cet effet, Alena Wagnerova lui a consacré un ouvrage sous le titre de Milena que je ne manquerai pas de lire.
J'ai relevé deux erreurs dues, je pense, à la traduction. Il est question de parrain ou de marraine à un moment dans le livre lors d'une circoncision. La notion de parrain et marraine n'existe pas chez les juifs. de même page 220 : « « La possibilité ouverte par la Constitution tchécoslovaque, de se réclamer de la nationalité juive contribua à neutraliser « le problème juif » dans le nouvel état ». Juif n'est pas une nationalité, c'est le peuple juif ou la religion juive. Je pense que c'est tchécoslovaque.
Maintenant, une visite de Prague s'impose. Après avoir lu ce livre, Prague va résonner différemment dans mon coeur en pensant qu'ils sont passés par là. Beaucoup d'émotions en perspective!