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EAN : 9782251150024
240 pages
Les Belles Lettres (18/03/2014)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Oralité et écriture, le dernier véritable ouvrage de Walter Ong et apogée de ses recherches, étudie le passage de l'oralité à l'écriture dans les sociétés qui ont connu un tel mouvement (ce qui est loin d'être le cas de toutes les cultures). Ong note tout d'abord qu'il est extrêmement difficile, pour des individus vivants dans un monde possédant et utilisant l'écriture, d'imaginer les ressorts cognitifs d'individus n'ayant aucune notion du concept d'écriture. Par ai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Quand ce livre est sorti aux Etats Unis en 1982, ce fut une révolution. Quand, plus de 30 ans après, il arrive en France, c'est une vieille lune.
Mais cette vieille lune éclaire toujours! Il faut lire "Oralité et écriture".

Ong nous dit que les cultures reposant sur l'oralité sont de nature différente que celles qui reposent sur l'écrit et que nous, formatés par l'écrit, n'avons pas les clefs des premières (cf la métaphore du cheval comme automobile sans roue).
On a ultérieurement reproché à Ong de céder au déterminisme technologique. Rien ne lui est plus étranger. Sa distinction oral/écrit est plus sociologique que technologique : des sociétés qui connaissent l'écrit, et même l'imprimerie, restent encore orales et la transition dure plus longtemps que ne le pensent les technologues (cf les analyses de Ong de la littérature Tudor et de la rhétorique en général comme transition oral/écrit). L'Europe est devenue une société écrite bien après que des spécialistes aient su écrire, que des privilégiés aient su lire et que des ouvrages aient été imprimés.
Cette approche a des implications fascinantes en matière d'historiographie:
"L'anthropologie et la linguistique ont déjà intégré..nos connaissances de l'oralité et ce qui la différencie de l'écriture. Pour l'heure, la sociologie en a moins tenu compte, et l'historiographie pas du tout : comment interpréter les historiens de l'Antiquité qui, comme Tite Live, écrivaient pour être lus à voix haute ? Quel rapport existe-t-il entre l'historiographie De La Renaissance et l'oralité embaumée dans la rhétorique? " (p 190)

Nautrellement, l'élaboration d'un paradigme de l'oralité ne peut pas résulter de l'observation (sauf marginalement vie les anthropologues dans des lieux marginaux). Son caractère hypothétique marque sa limite mais, sans partir dans les délires "gutenbergiens", il existe une base physique : le son ne dure pas ou ne dure que d'être répété. Des parallèles avec la musique seraient productifs. Même lorsque le compositeur a écrit ou imprimé sa partition, elle n'existe que d'être jouée et entendue. Seuls les spécialistes lisent les partitions.
L'oral fonctionne principalement en flux et l'écrit en stock, sans toutefois exclure l'accumulation mémorielle dans le premier cas et l'interaction dans le second -füt-elle fictionnelle ( Ong, The Writer's Audience Is Always a Fiction, PMLA, Vol. 90, N°1, Jan.,1975).
Dans Rhetoric, romance & technology (1971), Ong cherchait à repérer dans la littérature imprimée Tudor la matrice orale sous-jacente (lieux communs, peur du vide, épithètes et synonymes, construction en épisodes, catalogues...) mais nul n'a fait ce travail d'analyse structurale pour Tite Live et l'historiographie romaine en général. D'ailleurs, l'origine et le but de Ong est la littérature, et particulièrement celle de la période Tudor dont le caractère transitionnel explique la fascination du spécialiste. Aussi, ni son métier ni son intérêt ne le poussent à construire systématiquement un paradigme d'oralité dont l'évidence ne s'appuie que sur la ritournelle des sagas serbes (Parry et Lord dans les années 30 discutés par Havelok dans les 60), des éléments sommaires de psychologie appliquée (Carothers), des allusions à la psychanalyse (Jung) ou à la noosphère teilhardienne, et des exemples empruntés aux anthropologues (qui refusent cet honneur : voir Goody).
Ces éclairantes intuitions reviennent à l'envers aujourd'hui, avec la "nouvelle oralité" générée par les échanges électroniques et la sociabilité vidéo-téléphonique (cf. le thème "parenthèse Gutenberg") ?

Lire Ong est difficile aujourd'hui car, si les années 1960 aimaient les dichotomies, le 21ème les craint. Il préfère les continuités aux clivages. Ainsi, Goody a fini par minimiser l'impact de la "découverte grecque" de l'alphabet complet à partir de l'araméen consonnantique (Goody Pratiques dec 2006, 131/132)). Ses raisons pour refuser le "grand partage" et se positionner dans un continuum des technologies de l'intellect sont aujourd'hui largement partagées : l'ethnocentrisme naïf des années 60 est à présent rejeté, ainsi que tout ce qui pourrait conduire à concevoir un "choc des civilisations".
Mais ce continuisme provoque son propre simpliste : par exemple, il assimile les listes comptables et la littérature (dans l'ennuyeux artcile de Goody : Alphabets et écriture, In: Réseaux, 1991, volume 9 n°48, repris In: Sociologie de la communication, 1997, volume 1 n°1. pp. 165-189) ou il surestime l'alphabétisation de Rome (MOATTI, Claudia, 1997, La raison de Rome. Naissance de l'esprit critique à la fin de la République, Seuil). Toutefois, en exagérant la diffusion de l'écriture à la fin de la République, Moatti admet a contrario sa marginalité antérieure, pour l'époque fondatrice de l'historiographie..)
Dans Rhetoric, Romance & Technology, 1971, Ong suggère que l'histoire est devenue rétrospective en même temps que la littérature devenait confessionnelle:
". In earlier ages when there was not enough historical background to project the present against, the present appeared largely inevitable..a neutral circumambient medium, non isolable, like water for a fish 326...not only in the world of learning and of art..a distinctive sense of the present as present rides through contemporary culture..probably no other culture has ever had to bear the burden of so acute a self-consciousness 327...the questions that we put to the past to generate history for ourselves are our own questions..not those of earlier ages" (p 328°.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Thinking of oral tradition or a heritage of oral performance,
genres and styles as ‘oral literature’ is rather like thinking of horses
as automobiles without wheels. You can, of course, undertake to
do this. Imagine writing a treatise on horses (for people who have
never seen a horse) which starts with the concept not of horse but
of ‘automobile’, built on the readers’ direct experience of
automobiles. It proceeds to discourse on horses by always referring
to them as ‘wheelless automobiles’, explaining to highly
automobilized readers who have never seen a horse all the points of
difference in an effort to excise all idea of ‘automobile’ out of the
concept ‘wheelless automobile’ so as to invest the term with a
purely equine meaning. Instead of wheels, the wheelless
automobiles have enlarged toenails called hooves; instead of
headlights or perhaps rear-vision mirrors, eyes; instead of a coat of
lacquer, something called hair; instead of gasoline for fuel, hay,
and so on. In the end, horses are only what they are not. No
matter how accurate and thorough such apophatic description,
automobile-driving readers who have never seen a horse and who
hear only of ‘wheelless automobiles’ would be sure to come away
with a strange concept of a horse. The same is true of those who
deal in terms of ‘oral literature’, that is, ‘oral writing’. You cannot
without serious and disabling distortion describe a primary
phenomenon by starting with a subsequent secondary phenomenon
and paring away the differences. Indeed, starting backwards in this
way—putting the car before the horse—you can never become
aware of the real differences at all.
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