Sous forme de fragments, l'autrice approche un traumatisme d'adolescence, ou d'enfance. L'écriture cherche à circonscrire les souvenirs, les capturer, par petits bouts, en les classifiant par "thématiques" empreintes d'une bonne dose d'humour : "mécanique des fluides", "chaînes de transmission", "dynamique des flux", comme si le corps était une machine bien huilée occasionnellement soumis à des dérèglements fâcheux. C'est le corps de la narratrice dont il s"agit, elle emploie parfois le "je" parfois le "elle", procédé qui traduit bien le dédoublement de personnalité qui se produit sous l'effet de la sidération et du choc.
L'autrice utilise, d'une manière très originale et créative, toutes les ressources du langage, pour donner à sentir au lecteur le phénomène d'amnésie traumatique : les bribes du souvenir qui resurgissent par fulgurance et viennent compléter les trous noirs, le texte chaotique qui s'ordonne au fur et à mesure que la narratrice reprend contact avec son passé .
Finalement, l'écriture va recomposer un sens à cette expérience hors du temps et de la réalité. C'est le message d'espoir final de ce très beau texte, parsemé d'humour et de trouvailles de langage.
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Elle ne peut s'empêcher d'associer hommes et voitures.
Bien qu'elle n'y connaisse rien et ne veuille surtout pas en connaître davantage, les voitures, l'angoisse des voitures, elle peut se la remémorer.
Étienne est une Simca blanche, Jean-Pierre une Renaud familiale vert foncé (celle de ses parents), Émile, une Golf pourrie d'un bleu indéterminé...
Ses yeux aux aguets dans la ville trient sans repos les véhicules et les ombres des conducteurs derrière les vitres, une Simca blanche, elle pense à Étienne, une Golf bleue, Eh bien non, ce n'est pas Émile, une berline noir, son cœur s'arrête de battre, la menace est jours là, dans les voitures.