"Je ne supporte plus ma pilule" : c'est derrière cette phrase anodine que se réfugient nombre de femmes qui viennent consulter le Dr Karma, dans la mystérieuse Unité 77. Et en réalité... en réalité elles sont inquiètes, perdues, maltraitées, soucieuses, heureuses, elles culpabilisent, elles cherchent des réponses, une porte de sortie... quelqu'un à qui parler.
le choeur des femmes est une mélopée poignante, lancinante, qui s'élève d'elles lorsqu'on prend la peine de les écouter.
Ecouter, c'est devenu la spécialité du Dr Franz Karma. Une "spécialité" à rebours des certitudes violentes imposées par la médecine moderne. "Voulez-vous être saigneur ou soignant ?" demande-t-il à la jeune interne, Jean Atwood, major de toutes ses promotions et certaine de sa vocation : la chirurgie gynécologique.
Au début, Jean (prononcer "Djinn") ne comprend rien à ce qui se passe dans ce service qu'elle n'a pas choisi. Sa colère est immense ; une colère qui la dépasse et dont elle ne perçoit même plus les causes. Une colère qu'elle a dû mobiliser pour se faire une place, la première place, dans un mode d'hommes dominé par la peur, l'intimidation, la compétition et les luttes de pouvoir.
Puis, petit à petit, elle aussi se met à entendre
le choeur des femmes. Cécile, sa patiente alpha ; la mystérieuse René(e), archiviste dans les bas-fonds de l'hôpital ; Bahia l'adolescente qui à la puberté devient un garçon... mais aussi Aline, Angèle, Dominique, Manon, infirmières, conseillères, amies, patientes, et toutes celles qui appellent à l'aide sur le forum en ligne de Karma.
Finalement, au milieu de cette cacophonie, Jean finit par percevoir une autre voix, la plus importante de toutes : la sienne. Dans les dernières pages du roman, nous découvrons ce qui l'a amenée, je dirais même appelée vers l'Unité 77. Son histoire personnelle est intimement liée à celle de Karma et de cet hôpital. Elle y trouvera des réponses qu'elle ne cherchait même pas.
Ce roman est un pavé dont on tourne les pages sans avoir besoin d'y penser. Ecrit dans un style percutant et varié, il expose à travers une fiction les idées que j'avais déjà découvertes dans l'essai de Winckler "
Les brutes en blanc". S'y ajoute une réflexion sur l'intersexualité que je n'avais pas détectée en lisant le résumé et qui se trouve en réalité au coeur du roman, posant des questions fascinantes. Une très bonne surprise.