Ce roman fait partie des pavés que j'étais curieuse de lire devant l'ampleur des éloges qui lui étaient faits.
Martin WINCKLER y raconte l'histoire de Jean (prononcer "Djinn") Atwood, une brillante interne en chirurgie qui doit, avant d'obtenir le poste qu'elle souhaite, effectuer un dernier stage de six mois dans un service souvent méprisé de ses pairs, celui de « Médecine de la Femme », centré sur les consultations gynécologiques.
Jean est frustrée de devoir subir ce stage qui, elle en est sûre, ne lui servira à rien pour pratiquer la chirurgie. Pour elle c'est à peine de la médecine, pas de bistouri mais des consultations à n'en plus finir à écouter des inconnues s'épancher impudiquement sur des détails médicalement non pertinents de leur vie ou de leur corps. Elle se pense bien au-dessus de tout ça, de ces patientes mais aussi du Médecin en charge du service : Franz Karma.
Hautaine, imbue d'elle-même, méprisante avec le personnel comme avec les patients, elle rappelle à tout le monde qu'elle est le Docteur Atwood et pas une vulgaire étudiante, et ne supporte pas que Franz Karma demande à chaque patiente si elle accepte sa présence. Devant son attitude, le Docteur Karma lui propose un marché : Se donner une semaine pour essayer de s'apporter mutuellement des choses et durant laquelle elle devra se plier à ses règles ; En échange, si à l'issue de la semaine elle souhaite partir, il lui validera son stage comme si elle l'avait entièrement effectué.
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Malgré le côté un peu caricatural du personnage et de son évolution, j'ai bien aimé ce livre. Je me rallie à l'avis unanime des lecteurs qui m'ont précédée : Ce roman de 700 pages se lit presque d'une traite (en trois jours pour moi), l'écriture est fluide, sans superflu. L'ensemble est un peu plus caricatural que ce à quoi je m'attendais, j'aurais apprécié quelque chose de plus fin mais pas sûre que la réalité le soit, l'auteur le sais mieux que moi ; et l'objectif est louable : L'auteur remet en cause certaines idées et pratiques du corps médical (chirurgiens, spécialistes tels gynéco etc...) qui, trop souvent, ne respecte pas le patient à sa juste valeur, et ne prend pas assez en compte son individualité, le traitant comme un objet cassé à réparer ou charcuter, voire comme un enfant à gronder. le fait que l'héroïne soit une femme, de la nouvelle génération de médecins, mais qui « pense comme un gars » renforce encore l'universalité du propos.
D'ailleurs Jean est la narratrice principale : Nous sommes donc au coeur de sa vision des choses, ce qui nous permet de la voir évoluer au fil de cette semaine d'essai. Mais
Martin WINCKLER donne également la parole aux femmes qui apparaissent dans l'histoire, patientes ou personnel, ce qui nous permet aussi de nous rendre compte, au gré des récits, où pèche le raisonnement ou plutôt les a priori de Jean sur ses patientes – qui peuvent être les préjugés de chacun puisque ce roman touche à un large panel de thèmes dont l'IVG, la contraception féminine, le secret médical, les devoirs du soignant, l'écoute, le conseil, la déontologie, et bien d'autres.
Le titre «
le choeur des femmes » est à la fois une référence à un ouvrage cité dans cette histoire et intitulé « le corps des femmes », et à la fois le reflet de la structure de l'histoire, que
Martin WINCKLER fait raconter par toute la chorale des femmes intervenant dans ce roman.
En douceur, il met en lumière des vérités, montre les problèmes du circuit, avance des solutions ; A l'aide de quelques cas concrets, il amène à plus de tolérance et moins de jugement, mais sans pour autant imposer son point de vue : Simplement en faisant profiter de son expérience de soigneur – Car l'auteur, dont le véritable nom est
Marc Zaffran, est également Médecin. Pourquoi l'IVG serait plus acceptable chez une femme violée que chez une femme ayant simplement oublié de prendre sa pilule un soir ? le soignant doit-il faire la morale à une femme obèse, ou fumeuse, ou encore qui aurait oublié sa pilule, au risque qu'elle ne se fasse plus soigner la prochaine fois, ou doit-il se contenter d'écouter et d'aider ? Au fil de son stage, Jean se rend compte qu'elle-même n'est pas parfaite, est humaine, peut oublier, peut subir des situations. Alors pourquoi pas ses patientes ?
Martin WINCKLER renforce notre intérêt pour l'histoire en y mêlant bien entendu des bribes de la vie de notre héroïne, qui interfèrent sur sa vision de la médecine mais dont je ne veux rien vous révéler… Jean parviendra-t-elle à s'épanouir au contact de cette unité de soin ? Je vous invite à le découvrir par vous-même. Dans un thème proche, j'en profite pour vous conseiller également la lecture d'un
John Irving intitulé : «
L'oeuvre de dieu, la part du diable », une oeuvre sublime ! Quant à moi, il me tarde de lire les autres romans de
Martin WINCKLER.