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EAN : 9782200632779
320 pages
Armand Colin (25/05/2022)
4.5/5   1 notes
Résumé :
L’histoire se répète-t-elle et nous aide-t-elle à comprendre notre monde actuel ? À travers cinq événements-monde qui ont resurgi à la faveur de l’actualité, Laurent Wirth montre comment, par leur écho immédiat à travers le globe, ils ont contribué à l’exhumation du passé par la recherche de précédents historiques.

Les cinq cas choisis illustrent un tel processus de résurgence :
- L’incendie du Capitole par les Britanniques en 1814 auquel renvo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Laurent Wirth nous invite à nous intéresser à cinq événements qui ont eu un impact mondial au XIX eme et début du XXeme siècle et à leur résurgence au début du XXieme siècle. L'histoire se répète t'elle ? Comment des sociétés différentes accueillent-elles des événements parfois comparables ? Comment la mémoire se construit -elle ? Comment les sociétés réinvestissent-elles, ou pas, leur histoire pour en faire une mémoire? Que nous apprend l'historien?

Le 24 août 1814, les troupes britanniques envahirent Washington et mirent le feu à la Maison Blanche, au Capitole et à la Bibliothèque du Congrès. La jeune république américaine faillit disparaitre. Mais bien au contraire, ce jour a été fondateur pour les Etats-Unis car il a renforcé le patriotisme et la résistance du pays. Au final, les Britanniques ont perdu la guerre. Chacun des belligérants a retrouvé ses frontières antérieures au conflit. L'auteur la présente comme le point de départ du nationalisme et de l'expansionnisme américain sur le continent. L'hymne américain a été écrit à cette époque. L'expansion s'est faite au détriment des populations indiennes. le président Monroe a énoncé sa doctrine de partition du monde "aux Européens, le vieux continent ; aux Américains, le Nouveau Monde" ouvrant la voie à l'impérialisme américain. Une guerre un peu oubliée donc mais dont les conséquences furent immenses. L'invasion des partisans de Trump a ravivé ce souvenir du jour où l'Amérique a failli disparaitre.

Le 10 avril 1815, l'éruption du volcan Tambora, situé dans l'ile de Sumbawa, à l'est de Java, a provoqué un cataclysme mondial qui n'a été compris que plus tard. L'éruption propulsa des particules soufrées jusque 25 km d'altitude et déclencha un refroidissement climatique qui dura trois ans : un véritable effet papillon à l'origine de famine et crise de subsistance sur tous les continents. Elle a également engendré une pandémie mondiale de choléra, à partir d'une nouvelle souche qui s'était déployée dans le delta du Gange en raison des perturbations liées à l'éruption.
L'effet positif fut, en Europe, le déploiement de mesures d'hygiène et le développement du travail de Pasteur et de Koch. La production d'opium en Chine a été favorisée par la crise climatique : les paysans chinois se sont tournés vers la culture rémunératrice du pavot. de même, l'accélération de la Conquête de l'Ouest a été rendue nécessaire par la poussée des migrants européens qui cherchaient à échapper à la famine et leur besoin de trouver des terres plus fertiles. La crise climatique a également stimulé la recherche sur le climat, la météorologie et la paléoclimatologie, l'histoire du climat et de l'environnement. Inutile d'en détailler l'actualité.


18 mars-28 mai 1871 : les 72 jours de la Commune de Paris. Qu'en reste t-il après les gilets jaunes, la place Tahrir, les Indignés et Occupy Wall Street. L'auteur analyse d'abord le caractère global de la Commune de Paris, qui n'a pourtant pas engendré de flambée révolutionnaire. Pour autant, elle se situe au coeur d'une période de guerre et de troubles : unité italienne, guerre de Sécession, Glorieuse révolution espagnole, révolution a Cuba, guerre au Mexique.

La Commune de Paris a suscité l'intérêt de volontaires internationaux, tels Garibaldi. L'auteur souligne l'ambiguïté et les paradoxes du mouvement internationaliste et des socialistes marxistes. Leur place a été soulignée surtout par les opposants à la Commune qui voulaient la discréditer. Pourtant Marx ne pensait pas qu'un mouvement révolutionnaire à Paris à cette époque ait la moindre chance et estimait que les ouvriers devaient plutôt profiter de l'émergence de la République pour se renforcer et s'organiser. Il y forgea l'expression et le concept de "dictature du prolétariat" , expression qui servit à qualifier le fonctionnement de la Commune. L'évènement a eu une portée mondiale. Il a profité du déploiement de nouveaux mode de communication et a fait la une des journaux dans le monde entier.
Le développement le plus intéressant concerne la bataille autour de la mémoire de la Commune. Aux cris des Versaillais dénonçant les crimes des communards, les victimes de la répression de la Semaine sanglante n'ont pu avoir longtemps que des murmures. de grands auteurs, tels Zola ou Flaubert, ont dénoncé les violences de la Commune. La construction du Sacré-Coeur devait servir à expier les crimes parisiens. Les soutiens de la Commune murmuraient. Rimbaud a laissé deux poèmes allusifs mais publiés bien après. Quelques chansons interdites circulaient mais chacun se cachaient. L'amnistie des communards a été prononcée en 1879 et 1880 mais elle a été synonyme d'amnésie. Il fallait oublier cet épisode. Petit à petit, le mouvement communiste a pris le contrôle de la célébration de la mémoire de la Commune : la Commune comme aurore de la révolution d'octobre.
Pour autant, avant et pendant la deuxième guerre, les militants fascisants d'extrême droite allèrent déposer des gerbes en s'axant sur la dimension patriotique de la Commune, refusant la défaite. Après la guerre, petit à petit, les défilés se sont réduits. Mai 68 a quelque peu ressuscité la Commune mais sur le mode libertaire et sans les massacres. Finalement Mitterrand a classé le Mur des fédérés comme monument historique en 1983 et le Maire de Paris a baptisé une place " place de la Commune de Paris". Cette mémoire est aujourd'hui réinvestie tant par la gauche de Mélenchon que par certains groupes d'extrême droite qui s'en réclament les héritiers. L'auteur termine en évoquant les mouvements récents des printemps arabes, des "indignés", des zadistes ou des gilets jaunes qui reprennent, parfois sans le savoir, des modes d'action des communards, tant sur l'occupation de l'espace public que sur le refus de la représentation mais aussi sur la diversité politique des participants de l'extrême gauche tendance action directe à l'extrême droite antisémite.

Le chapitre consacré à la grippe espagnole et sa comparaison inévitable avec la récente pandémie de coronavirus est particulièrement instructive. D'abord par les informations qu'elle apporte sur la grippe espagnole et l'importance qu'elle a eu dans l'histoire du monde. La grippe espagnole a commencé alors que la guerre de 14-18 faisait encore rage et a causé peut être plus de 50 millions de morts dans le monde; soit bien plus que la guerre pourtant meurtrière. La grippe est donc arrivée en Europe sur des navires de transport de troupes américaines, mais au départ, cette grippe paraissait bégnine. Mais comme tout bon virus, elle évolua et s'aggrava de complications pulmonaires. Elle se répandit en 1918 sur tous les continents, de l'Alaska aux iles du Pacifique où elle fit des ravages sur des populations faiblement immunisées. Cette grippe touchait d'ailleurs essentiellement des personnes jeunes. Fin 2018, les autorités tentent de prendre des mesures : port du masque, restriction de déplacements, fermeture de lieux publics et recommandations d'hygiène. Les scientifiques étaient dans le plus profond désarroi. Il a fallu bien des années pour que le virus de la grippe soit identifié et qu'un vaccin soit possible.

La grippe espagnole est elle aussi tombée dans l'oubli : aucun monument aux morts pour les millions de morts de la grippe, seulement un deuil intime écrasé par le deuil des hommes morts au combat et aussi par l'appétit de vie des "années folles". On pensait en outre que la médecine saurait maintenant tout vaincre. Or l'épidémie du sida a mis une brèche dans cet optimisme. de plus en plus de bactéries résistent aux antibiotiques. le refus des vaccinations s'est développé, appuyé sur des théories complotistes.
Les années 2000 ont vu émergé de nouvelles pandémies : le Sras en 2003, la grippe aviaire en 2006 et la grippe mexicaine en 2009 qui n'ont pas conduit a une mortalité importante. Mais, cent ans après la grippe espagnole, est arrivé le SARS COV -2, heureusement jugulée beaucoup plus vite grâce aux progrès de la science. Si la grippe espagnole a fait 50 à 100 millions de morts sur une population 1.8 mds, combien aurait pu en faire le Covid sans les vaccins que certains rejettent sur 7 mds d'humains.


Le dernier évènement-monde est celui de l'afflux des réfugiés des années 20 à comparer à celui d'aujourd'hui. A l'époque, cet afflux était lié aux recompositions territoriales liées à l'après guerres, aux conséquences de la révolution bolchevique.
Des milliers de personnes se sont trouvées déplacées et privées de la protection d'une nationalité. A cette époque, le passeport est devenu obligatoire. Auparavant, la terre était ouverte à toute le monde qui pouvait demeurer et faire sa vie où bon lui semblait. Comme le dit Zweig "avant 14, la terre avait appartenu à tous les hommes". Après la guerre, le passeport et le visa deviennent obligatoires. Ces populations déplacées doivent être prises en charge. Cette période voit le début du droit humanitaire et la création du passeport Nansen du nom du diplomate norvégien qui en fut à l'origine. Il place les réfugiés et apatrides sous le patronage de la Société des nations. Nansen et le français Albert Thomas, patron du BIT, oeuvrent pour intégrer et trouver du travail pour les apatrides. Les années 30 voit un coup d'arrêt de cette politique : crise de 29 et montée des totalitarismes et de l'antisémitisme.
De grandes migrations eurent lieu aussi à l'occasion de la décolonisation, ou lors de la fin du mandat britannique en Palestine qui jeta en exil les arabes de Palestine. L'ONU mit en place le Haut Commissariat pour les Réfugiés. La décolonisation accentua aussi les migrations de travail vers l'Europe des "Trente glorieuses". L'époque récente et les déséquilibres politiques, les dictatures et les guerres continuent de jeter des migrants sur les routes ou sur la mer. Ceux-ci, rejetés par les pays auxquels ils aspirent, sont devenus une monnaie d'échange et un objet de chantage pour les pays de départ ou de transit qui peuvent menacer de les laisser passer ou monnayer leur action pour les retenir. La cohésion européenne est également mise à mal.

L'auteur rappelle la phrase de Jacques Derrida " Comment se faire les gardiens d'une idée de l'Europe, d'une différence de l'Europe, qui consiste précisément à ne pas se fermer sur sa propre identité"

Un livre passionnant et enrichissant : l'histoire sert mieux à connaitre le présent. Mais l'histoire et la mémoire des sociétés sont deux choses différentes.
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Vidéo de Laurent Wirth
A l'occasion du 24e Rendez-vous de l'Histoire de Blois, Laurent Wirth vous présente son ouvrage "Le destin de Babel : une histoire européenne" aux éditions Armand Colin.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2557790/laurent-wirth-le-destin-de-babel-une-histoire-europeenne
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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