Même une nuit on eut une fête aux flambeaux
Qui servit le matin de chronique aux journaux ;
Le champagne y mêla sa mousse et sa folie.
Ce fut charmant, ma foi ! pour les restaurateurs.
Pour les robes à la traîne et les chignons menteurs.
La fête, qui plus est, de merveilles remplie,
Par quelques demi-dieux fut encore embellie.
Ainsi la fine fleur de la société
Amusait ses loisirs et son insouciance.
Et des foules sans nom se traînaient à côté,
Agonisant de froid, de faim, d'inespérance.
Ah ! vous avez raison, artistes de la lyre,
Artistes du pinceau ! L'hiver a son sourire.
Par qui possède assez de rentes pour l'été,
L'hiver facilement peut être supporté ;
Et que font l'avalanche et de la glace et l'orage
A qui reste chez lui prudemment, et voyage,
Parcourant l'univers, traversant les saisons,
Mangeant bien, buvant bien, les pieds sur les tisons ?
Tous les grands conquérants, tous les fiers capitaine,
Tous les durs moissonneurs des nations humaines,
Tous ceux qui pour régner ont promené la mort
Dans les champs de ce monde, et tué sans remord,
Tous les héros parés de leurs lauriers barbares,
Ont eu leur poésie aux épiques fanfares.
Aussi bien que pour nous, il est pour les Fourmis
D'infâmes étrangers, d'odieux ennemis.
Pour les fiers citoyens de toute fourmilière
Un creux d'arbre suffit à tracer la frontière.
L'hiver, pardieu ! n'a rien de trop désagréable,
Quand on a bourse pleine et qu'on tient bonne table.