Ce tome III présente l'édition bilingue des trois derniers livres de la
Cyropédie, où
Xénophon raconte les campagnes victorieuses de Cyrus et la fondation de l'empire perse. On ne doit pas s'attendre à un récit historique, mais à une sorte de roman particulièrement insoucieux de la vérité des faits, au point que
Pierre Briant, dans son "
Histoire de l'empire perse", utilise des guillemets pour parler du Cyrus de
Xénophon, comme d'un personnage entièrement fictif ou presque. En effet, le livre est conçu comme le portrait du roi idéal, transposé dans un cadre oriental à demi légendaire, et emprunté à une civilisation, celle des Perses, qui n'utilisait presque jamais l'écrit pour fixer la mémoire du passé. C'est donc le portrait du roi idéal tel que
Xénophon, et beaucoup de Grecs, le voyaient, et le caractère iranien du modèle est peu important, semble-t-il.
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Le roi idéal se distingue par ses vertus personnelles, qui sont morales et guerrières. On nomme en grec agathoi, "les bons", les soldats vaillants et vainqueurs ou méritant de l'être, et "kakoi", les mauvais, les soldats vaincus : c'est le vocabulaire de l'aristocratie guerrière, tel qu'on le retrouvera en français médiéval et analysé par
Nietzsche. Quand les hommes bons ne combattent pas, il importe de les endurcir par le sport, la chasse et toutes les activités physiques : on ne devient et reste "bon" que par le "ponos", la peine que l'on se donne, et pour engager les hommes à cette perpétuelle compétition, il faut encourager la "philotimia", la passion de concourir et de disputer. C'est là-dessus que Cyrus va tenter de construire son empire, sur la vertu des Perses et sur l'émulation. Les peuples dominés, de leur côté, n'ont pas accès aux armes ni à la "philotimia", mais doivent être maintenus dans la soumission. Beaucoup de lecteurs ont songé que
Xénophon avait, quand il écrivait la
Cyropédie, le modèle de Sparte à l'esprit.
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Pour finir on notera de nombreuses sages remarques du livre VIII, le dernier, sur la difficulté de transformer une victoire guerrière en ordre durable. Rien, semble-t-il, n'est plus délicat qu'une victoire, car une fois l'ennemi vaincu, il faut encore se vaincre soi-même pour perpétuer la victoire et bâtir un empire. Il est très étonnant de constater que les Grecs vainqueurs des Perses, de la fin des Guerres Médiques jusqu'à l'entreprise d'Alexandre, ont été habités par le rêve impérial de la conquête de l'Asie, à l'exemple de Cyrus.
Xénophon,
Platon,
Aristote et tant d'autres n'ont rêvé que de cela, jusqu'à ce que le projet soit réalisé par un grand lecteur de la
Cyropédie, Alexandre de Macédoine.