Moins connues que les dialogues de
Platon,
les Mémorables valent pourtant la peine d'être mémorisées (que je suis drôle). Forme d'apologie de Socrate (alors que Socrate lui-même, inspiré par son démon, refusait d'en faire), elles constituent une réaction à la condamnation à mort de celui-ci, en -399.
Xénophon montre que Socrate ne faisait que rendre les gens meilleurs, par son attitude philosophique. Il s'agit donc de dialogues socratiques, sur beaucoup de sujets. Mais la diversité dans les sujets abordés n'exclut pas l'unité dans la méthode : c'est le cheminement de pensée (partir de ce qui est admis pour en conclure quelque chose) qui fait l'intérêt de l'oeuvre. Certains passages relatent des faits célèbres, comme l'épisode où Socrate demande à Euthydème ce qu'est le courage, ou encore la typologie des régimes politiques.
Mieux vaut avoir un peu de culture grecque pour accéder à l'oeuvre (si vous n'en avez que peu, vous pouvez tout de même le lire, le but de mes critiques n'est pas de décourager). le recours à des allégories pour Héraklès qui dut choisir entre les déesses Volupté et Vertu, des termes spécialisés (sycophante, un terme de droit grec, le pancratiaste est un lutteur), ainsi qu'un certain rapport au sport en constituent des exemples. Ainsi, le sport est perçu comme un entraînement pour la guerre, et un moyen de protéger son esprit (un esprit sain dans un corps sain).
Bien que l'oeuvre soit à la fois divertissante et instructive, j'ai trouvé certains aspects déroutants. Déjà, l'attitude de Socrate, qui tourmente beaucoup ses interlocuteurs, agaçant insecte. L'oeuvre est parfois moralisatrice et surtout très en faveur du statut quo et du respect de l'autorité. le rapport de Socrate aux lois, que j'ai pu appréhender dans le Criton de
Platon (lecture que je conseille), est fondé sur ce statut quo. Ici, pas de distinction légal/légitime : toute loi votée est juste. Autre chose, l'aspect belliqueux de l'ouvrage, il est question de guerre toutes les trois lignes, est peut-être dû au fait que
Xénophon soit militaire (ou au caractère plus belliqueux que le nôtre des Grecs Anciens ?). Vers la fin, un chapitre est assez surprenant : Socrate y déclare que l'étude des sciences n'est bonne que si elle est utile. Pour illustrer, on peut étudier l'astronomie pour naviguer, mais tous ces calculs pour comprendre la trajectoire des corps célestes, voilà qui est vain. La recherche de l'utilité dans le savoir me paraît dangereuse : c'est avec ce type de discours que l'on déclare inutile la recherche fondamentale et qu'on ne la finance pas (j'extrapole un peu, mais c'est ce que ce chapitre m'évoque).
Néanmoins, je conseille cet ouvrage, j'ai pris du plaisir à le lire. Un mot sur sa fin :
une fin en apothéose, épidictique, élogieuse .