Curieuse aventure, une comédienne doit se présenter à un casting et obtenir le rôle principal, c'est sa dernière chance de payer son loyer et son amie Yolla ne lui laisse pas le choix: c'est passer le casting ou rompre une amitié précieuse. Jusqu'ici rien de bien bizarre, sauf que lors du casting, la comédienne est sommée de laisser son ombre à l'ouvreuse, bien roulée dans un sac. Nous sommes à Beytouth en 2005 et les manifestants sont partout, leurs clameurs forment un arrière-plan sonore à la pièce qui se joue sur scène.
Curieuse pièce, dans laquelle une seule actrice doit dire un texte non écrit, devant un public qui manifeste ses attentes et ses émotions jusqu'à l'ovation finale. Sur scène, une chaise, une armoire dont la comédienne sort des ombres qu'elle déplie et on reconnaît des femmes, Yella, Greta la prostituée au foetus mort, Mona, la femme battue ( la femme bleue, comme le voile bleu de sa mère, mais elle c'est à force de coups de son mari) qui va accoucher là, la mère de la comédienne avec qui elle entretient des rapports difficiles sur fond d'exigences redoutables, virginité, soumission, peur du scandale. Et puis les hommes, ceux qu'elle a aimés, mari, amant, père, ceux qui l'agressent.
L'armoire des ombres contient tout ce qui fait la vie de cette étrange femme, jusqu'au vertige, la confusion des êtres, les personnages se fondent les uns dans les autres, les ombres se replient, on croit s'en être débarrassé mais sur le mur reste en décalque leur forme, encore bien visible. Comment la comédienne va-t-elle retrouver son intégrité physique et mentale? Finira-t-elle comme le metteur en scène, curieux personnage aux cheveux longs mais dépourvu de visage, qui l'a recrutée pour cette étrange mission?
Autant dire qu'il y a de quoi être déconcerté par ce qui ressemble de prime abord à quelque chose d'absurde mais ô combien poétique et, finalement, chargé de message.
Hyam Yared dénonce avec légèreté les aspects graves et lourds de la politique au Liban, le poids de la tradition et la solution qu'elle finit par choisir comme échappatoire est aussi désespérée que poétique.