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Justine est née une seconde fois à cinq ans au sortir d'un coma dans le livre de Hyam Yared « Tout est halluciné » : « J'ai ouvert les yeux à cinq ans sur une forme dans la plafond blanc de ma chambre : la tête de mon père. On aurait dit un bas-relief. (…) Pour le rassurer, je finis par le reconnaître. » (p.13) Si elle s'appelle Justine, son père le lui explique ainsi : « Tu comprends mieux ton prénom ? C'est moi qui l'ai choisi, Justine pour Justinien, empereur mille fois saint à qui l'Empire byzantin doit beaucoup. » (p.29) Le récit est plus qu' intéressant car vaste, étant donné le contexte, il s'agit surtout de mémoire, d'Histoire, de religion qui est quasi permanente. Pour reconstituer ses souvenirs, Justine n'ayant plus de mère, ne peut plus compter que sur son père. Mais celui-ci lui interdit de prononcer certains mots comme « mère » ou « Liban » qui est pourtant leur pays d'origine. Elle va donc devoir combler elle-même tous les blancs des années effacées de sa mémoire. L'auteure, au-delà de Justine, parle finalement surtout de la mémoire d'un peuple qui essaie de se frayer un chemin. le père de Justine, un chrétien grec, orthodoxe, mythomane et arabophobe, restaure des icônes et son désir est de ressusciter l'empire byzantin. Il ne va pas aider sa fille qui va être obligée de reconstituer elle-même tout le puzzle de son histoire familiale. Sa tante Mado, une veuve handicapée, l'aide avec tendresse et avec des livres – surtout des dictionnaires. On rencontre Samar (victime de violences familiales) – Thierry le rouquin – Mehdi (amoureux en secret de Samar) – Dalal (Palestinienne du Liban, nostalgique de Nasser)… Petit à petit, Justine va échapper à l'influence négative de son père et partir faire des études de lettres au Liban. Comme écrit sur la quatrième de couverture : « Des rêves d'émancipation aux violences les plus absurdes, de la Grande Syrie laïque d'Antoun Saadé aux ruines de Beyrouth, il lui faudra découvrir ce que les armes et les ceintures d'explosifs auront coûté à sa propre enfance pour espérer trouver un jour sa place dans le chaos du monde. » Avec cette lecture, mon avis devenait plutôt mitigé : touchée par Justine mais agacée par son père à la limite despote. Mais je n'ai pas voulu « lâcher » car j'étais certaine de trouver des indications très intéressantes. Bien m'en a pris. Ce qui ressort est la problématique des origines, toute l'Histoire du Moyen-Orient de l'empire byzantin, allant jusqu'au printemps arabe. Et justement, chaque personnage contient un morceau de cette Histoire. Pour ce roman très dense et très documenté, j'ai remarqué ces quelques mots de Dominique Baillon-Lalande : « Une fresque impressionnante, passionnante et émouvante à découvrir absolument. » Par contre, là où j'ai été un peu gênée, c'est parce qu'il y a de nombreux mots compliqués (arabes) qui parsèment allègrement tout le texte. Pour la plupart du temps, ils sont traduits en bas de page mais pas tous, alors on devine ou on essaie. Au final, de dois reconnaître que ce fut une agréable lecture par ses personnages touchants et par les événements historiques. Je ne résiste pas à la tentation de dire que la dernière partie : « La révélation », une lettre du père de Justine à sa fille, une lettre qu'elle avait oubliée dans une poche et ne voulait pas lire, nous offre une grande émotion, « une révélation » effectivement et on revoit sa copie. + Lire la suite |