En suivant Emma

En suivant Emma est une pièce de théâtre en quatorze scènes qui retracent le parcours de l'anarchiste américaine Emma Goldman, née en 1869. Mariée très jeune contre son gré, ouvrière dans un atelier textile elle ne peut supporter bien longtemps la soumission qu'on exige d'elle en tant que fille, épouse et ouvrière. Son intolérance à l'injustice, à la maltraitance dont sont victimes les ouvrières la conduit rapidement à partir à New York pour rejoindre le milieu anarchiste. Elle fera preuve de qualités d'oratrice qui enflammeront ceux et celles qui l'écouteront . Elle ne cessera jamais de louer le droit à la liberté pour tous et le refus d'obéir à des ordres contraires à l'intérêt collectif pour le profit des capitalistes. Howard Zinn dresse le portrait d'une femme hors du commun et pourtant profondément humaine et ancrée dans les réalités quotidiennes. Sa ferveur politique ne l'a pas empêchée de vivre l'amour et même une grande passion. Figure prequ'iconique du féminisme ,sa relation sulfureuse avec Ben Reitman souligne la réalité bien charnelle de cette femme qui ne s'est jamais posée en leader mais a plutôt inciter chacun et chacune à se délibérer de ses entraves.
L'avant propos de l'auteur ainsi que ses annexes historiques complètent parfaitement cette pièce en rappelant le contexte social de cette époque,les luttes ouvrières et la façon brutale et meurtrière dont elles étaient l'objet. Elles aident à appréhender la dynamique qui a engendrer les prises de conscience politique et l'émergence du mouvement anarchiste. Plus de 80 ans plus tard, les rapports de domination existent toujours avec autant de force et je ne peux que souhaiter que l'énergie d'une Emma Goldman traverse les temps pour ne jamais abandonner l'espoir d'un autre mode d'organisation humaine...

hommage d'Howard Zinn à une anarchiste que l'histoire officielle s'est empressée d'écarter de son champ . Sans doute n'était-elle pas digne d'être étudiée , ainsi qu'il en va avec les militants ordinaires que les honneurs n'intéressent pas , ni moins un quelconque accomplissement social . Une vie passionnante cela dit , que celle d'Emma Goldman , native de Kovno ( Lituanie russe , 1869 ) , juive , émigrée enfant avec ses parents dans l'état de New-York , plongée dans le monde du travail à la chaîne dès sa seizième année . Mariée contre son gré par un père tyrannique , la lecture la sauva : à 17 ans Emma fuit sa famille , rallie Chicago , alors place forte de la contestation ouvrière américaine . Elle y vit ses premières luttes , y rode son discours révolutionnaire avant de s'établir à New-York , pour y organiser les travailleurs immigrés . La famine sévit , leurs enfants , plus frappés par la misère que n'importe quelle autre catégorie de la population , crèvent littéralement de faim . Lors d'un meeting , Emma appelle la foule à piller les magasins . Condamnée à deux ans de prisons , sa réputation est faite . Infatigable , elle ne cessera de sillonner l'Amérique de conférences en meetings pour soulever les consciences . Déportée en URSS en 1918 à cause de ses positions contre l'entrée en guerre des Etats-Unis , elle s'enfuira d'URSS juste après la répression sanglante des marins de Kronstadt , pour voyager en Europe . On la retrouve en 1936 , à Barcelone , haranguant une foule immense en pleine guerre civile .
C'est ainsi toute sa vie dont Howard Zinn a fait une pièce . Une biographie théâtrale en quelque sorte , peut-être trop magnifiée en dialogues idéalisés , nécessairement par le propos visant à ramasser toute une vie sous la contrainte théâtrale . Il réussit au fond mieux dans les annexes , ses propes notes en particulier , celles qui concernent sa rencontre avec le personnage et son approche d'historien , décryptant le message essentiel d'Emma , selon lequel le changement social ne peut passer l'accession au gouvernement d'un parti politique de gauche , mais sur l'auto-organisation des citoyens agissant contre les sources de leur oppression .

Howard Zinn a écrit une pièce sur Emma Goldman intitulé « En suivant Emma », fasciné par le destin de cette femme qui est entrée dans sa vie politique dans les années 60, grâce à l'historien Richard Dinnon qui a écrit sa biographie « A biography of Emma Goldman ». Zinn a lu ensuite son autobiographie « Living my life » puis, dans les années 70, sa correspondance avec Alexander Berkman « Nowhere at home : letters from exile of Emma Goldman and Alexander Berkman ».

Il lui restait le théâtre pour rendre un nouvel hommage à celle qui fut oratrice et organisatrice du mouvement ouvrier et anarchiste dès la fin du 19ème siècle aux Etats-Unis. Et c'est vraiment une chance pour moi car je suis satisfaite sur le fond et la forme.
Cette femme fut une grande féministe et une grande amoureuse. Elle dit : je suis quelqu'un, pas quelque chose et revendique de ne pas avoir peur du plaisir. Côté plaisir, sa rencontre avec Ben Reitman à Chicago va être décisive mais le grand amour de sa vie, celui avec qui elle partage ses idées et ses origines russes, c'est Alexander Berkman qui va passer de longues années en prison.

Cette pièce est une tranche de vie d'Emma Goldman : elle a 20 ans à Rochester et va s'émanciper en partant à New-York. On va la découvrir en tant que femme rebelle et activiste politique qui sillonne les Etats-Unis jusqu'à ses 40 ans, le retour de prison d'Alexander Berkman et leur expulsion.
Ce portrait de femme engagée m'a passionnée.
J'ajoute que les annexes historiques rappellent qu' Howard Zinn est aussi l'auteur d'« Une histoire populaire des Etats-Unis ».

"Anarchism stands for the liberation of the human mind from the dominion of religion, the liberation of the human body from the dominion of property, the liberation from the shackles and restraint of government.
Anarchy stands for a social order based on the free grouping of individuals for the purpose of producing real social wealth, an order that will guarantee to every human being free access to the earth and full enjoyment of the necessities of life according to individual desires, tastes and inclinations."

mma Goldman 1869-1940

La pièce en elle-même mériterait 5 étoiles. Les dialogues sont très représentatifs de l'exploitation de l'époque (homme sur la femme, capitalistes sur ouvriers, etc ..). Emma GOLDMAN était une combattante et une femme libre et libérée. Seul bémol, et cela n'engage que moi, ce sont les annexes historiques reprises par H; ZINN déjà lues dans son excellente Histoire Populaire des Etats-Unis qui font double-emploi.