Avant de partir en vacances une semaine dans le nord de l'Italie début juillet, j'ai eu la chance de tomber sur l'avis de Sonia (@soso_books_moods_and_more sur instagram) sur ce roman de 1950, réédité en français en mai dernier. Je me suis sentie immédiatement attirée par cette histoire et mon intuition est tombée pile, car
le cahier interdit fut une découverte marquante. J'y pense encore régulièrement (je l'ai terminé mi-juillet) avec une impression bouillonnante et feutrée d'authenticité et de vie.
Rome, années 50. Valeria a une quarantaine d'années, fait partie de la petite bourgeoisie et vit dans un appartement avec son mari et ses deux grands enfants. C'est une mère et une épouse dévouée, qui gère tout de a à z chez elle et travaille en plus à temps partiel dans un bureau, pour arrondir le budget de son ménage.
Un matin, sur une impulsion qui la surprend elle-même, Valeria achète un cahier neuf, dans lequel elle commence en cachette à raconter son quotidien.
Les jours passent et de plus en plus les mots écrits la révèlent à elle-même, comme si le cahier ouvert était devenu un miroir, à la surface duquel
elle se découvre – et dont les tréfonds mouvants inquiètent et troublent. Un soi qu'elle ne soupçonnait pas, qu'elle avait muselé, enfoui et renié depuis longtemps, depuis toujours – pour rentrer dans le moule, pour cocher toutes les cases dictées par les conventions, la société, sa famille, son éducation.
Introspection, réflexion, on voit se dessiner une vie qui se fissure, dans une société italienne d'après-guerre en pleine mutation. Sa fille s'émancipe et son fils se cherche, son mari a peut-être d'autres rêves. La société change et le pouvoir de la religion s'effrite, les gens commencent à pouvoir penser par eux-mêmes et non plus à l'aune d'une morale à oeillères imposées. Valeria réalise à mesure des jours qui passent que peut-être elle aussi aspire à autre chose, et l'on aperçoit en transparence entre les lignes une fleur en bourgeon qui se déploie et tente de s'épanouir.
Alba de Céspedes développe un merveilleux talent pour incarner tous ses personnages, devenus vivants à nos yeux, alors qu'il n'y a que la voix de Valeria. le propos est bien dosé, et la plume ferme, élégante et fluide. Ce n'est pas évident de réussir à ne pas tourner en rond ni lasser, avec ce type de narration ! le roman se tient de bout en bout, et la fin est déchirante.
A sa parution,
le cahier interdit a dû à n'en pas douter éveiller certaines consciences et en soutenir d'autres. Son discours féministe et pour le libre arbitre réjouit et inquiète tout à la fois car finalement tout cela c'était hier et encore aujourd'hui pour beaucoup – et l'on sait que certains voudraient bien ici-même en tapisser nos demains.
Un coup de coeur – de ceux à rebours, qui s'imposent dans le temps.
« Me voilà obligée de nouveau d'écrire la nuit. Pendant le jour, je n'ai pas un instant de répit. du reste, je m'aperçois que personne ne s'étonne ou ne proteste quand je suis debout, le soir, en déclarant que j'ai encore quelque corvée. N'avoir que cette heure de solitude pour écrire me fait comprendre que c'est la première fois — après vingt-trois ans de mariage — que je consacre un peu de temps à moi-même. »
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