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Ferda Fidan (Traducteur)
EAN : 9782848050928
703 pages
Sabine Wespieser (01/01/2011)
3.63/5   15 notes
Résumé :
La vie quotidienne de trois générations de juifs stambouliotes au XXe siècle, à travers des centaines de récits et d’anecdotes. Se dessine alors le portrait d’une villemonde, mais aussi son évolution vers une modernité dont le corollaire est la montée du nationalisme turc…
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Roman fleuve, qui raconte l'histoire d'une famille, sur plusieurs générations, dans le cadre d'une ville, Istanbul, qui au final est peut-être le personnage principal, le centre, le coeur du livre. Et dans cette ville, une famille juive, venue à un moment indéterminé d'Espagne, qui parle encore ladino. Mais aussi tant d'autres langues : turc, grec, français … Cela fait partie des choses qu'il faut maîtriser pour survivre, pour s'adapter.

Un narrateur, dont nous ne sauront jamais rien, qui il est, quels sont ses liens avec cette famille, la raconte par petites touches. En partant des personnages secondaires, des membres qui se ont éloignés prématurément, des employés fidèles, d'une maîtresse, puis petit à petit, en vient aux membres les plus essentiels, aux histoires fondatrices, aux liens les plus forts.

Le récit n'est pas linéaire, nous passons d'une époque à une autre, d'un moment à un autre, au gré des récits successifs que nous dessine le narrateur, qui se concentre au fur et à mesure sur tel ou tel personnage, juste entrevu précédemment, et qui dans le suite du récit pourra ne plus apparaître que de loin. Mais au final, il y a une grande cohérence d'ensemble dans la narration, qui passe en quelque sorte de l'anecdotique au plus essentiel. Une tristesse, une nostalgie s'installent dans le récit petit à petit, celles des choses enfuies pour toujours, du temps qui passe, qui emporte, qui sépare et jamais ne revient en arrière. Tous les personnages portent une souffrance, une fêlure secrète, des frustrations et inassouvissements. La famille, garante de stabilité, de sécurité, de liens, est aussi source de renoncement, de normativité, de limitation imposée aux désirs, aux aspirations des individus.

L'écriture de Marco Levi est somptueuse, très poétique, elle a un rythme, une mélodie particulière. Il faut rentrer dedans, ce n'est pas un livre que l'on peut lire par petits bouts, il faut le temps pour s'installer dans ces phrases, les laisses se dérouler, résonner. Il faut aussi un moment pour commencer à se retrouver dans tous ces personnages, comprendre qui est qui et quels liens il entretient avec les autres, car il y en a toujours, et ils sont complexes et subtiles souvent. Rien n'est là au hasard, chaque petit événement, geste, sentiment, prend place dans la vaste tapisserie que Marco Levi tisse pour nous.

C'est un beau livre, qui m'a fait faire un beau voyage, même si je n'ai pas été emportée complètement. J'ai fini par trouver que cette nostalgie et tristesse étaient un peu trop systématiques, que tout le livre était un peu sur la même tonalité, ce qui compte tenu des 700 pages était peut-être un tout petit peu trop long. J'aurais aussi voulu en savoir un peu plus sur ce narrateur, qui observe, qui mène presque une sorte d'enquête et qui refuse de se dévoiler. Mais ce sont des petites réserves, les qualités de ce roman sont indéniables.
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Istanbul ville cosmopolite... Istanbul ville des arrivées et des départs, des rencontres et des amitiés qui se construisent par-delà le temps et le passé de chacun... Istanbul ville des secrets, des fuites et des retours, des gens qui disparaissent, réapparaissent et qui meurent... Istanbul comme toile de fond à une saga riche et foisonnante, kaléidoscope humain où se font et se défont les amours et les familles.
C'est un très beau texte que ce roman de Mario Levy, sur le destin de trois générations de juifs stambouliotes, dont l'auteur nous retrace le parcours, prenant ses personnages les uns après les autres en fonction de ce qui les lie. Mais j'avoue que cette façon de procéder m'a un peu gênée, d'autant que les personnages sont bien présentés en début de roman mais sans les attaches familiales qui les relient, et j'ai eu quelquefois du mal à m'y retrouver. D'autant que l'auteur, en bon oriental, se noie dans des circonlocutions à n'en plus finir, et délaie ses propos sous des formes interrogatives qui tentent de donner au roman l'allure d'une enquête mais finalement n'ajoutent rien et donne plutôt au texte une impression de factice. L'auteur délaie ses propos et ses analyses dans une belle écriture certes, mais qui se complaît en répétitions, en aternoiements, en redondances qui finissent par devenir pesantes et déconcentrent l'attention. Et c'est dommage, parce que les personnages sont vivants, profonds et humains, et que la vie de chacun d'entre eux, sous la plume de l'auteur, prend des allures d'aventure qui donne au récit son mystère et son charme un peu surrané. En quelques mots, c'est une belle saga, que j'ai beaucoup aimé, mais qui aurait gagné à être plus concise, sans ces effets de manche à répétition qui l'alanguissent et m'ont un peu noyée dans ma lecture.
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Attention Piège ! Voilà, j'ai trouvé une formule choc pour vous donner envie de vous lancer à l'assaut de ces 700 pages.

Pourquoi piège ? Car, lorsque vous aurez commencé « Istanbul était un conte », vous ne pourrez plus vous arrêter. Comme moi, vous emporterez votre livre partout, espérant grappiller quelques moments de lecture dans votre vie de tous les jours et rejoindre cet écrivain dans sa lente déambulation à travers Istanbul.



C'est un livre magique. Mario Levi vous enferme hors du temps, hors de vos repères habituels. Il se construit devant vous en tant qu'écrivain témoin de la communauté juive d'Istanbul. Il a reçu en héritage tant d'histoires qui, à elles seules, auraient pu être la matière de centaines de romans qu'il donne l'impression à son lecteur que sa place d'écrivain était en quelque sorte prédestinée.
Que serait la société littéraire du début du 20° Siècle français sans Marcel Proust ? de la même façon, que serait la minorité juive stambouliote sans Mario Levi ?

Et comme pour l'auteur français, auquel on le compare souvent, au delà du particularisme local, c'est bien de nous et de toute la condition humaine dont il s'agit.

Tout en étant très ancré dans cette ville de traditions, le roman se fait l'écho des conflits du monde qui frappent les membres de la communauté.

Mario Levi se promène et nous promène, à travers trois générations de la même famille, pour la plupart habitant à Istanbul. Racontant avec précision leurs métiers, leurs histoires d'amour, leurs rites religieux, leur façon de parler, leurs recettes de cuisines, il redonne vie à tous ceux dont il se sent l'héritier.
Lien : http://luocine.over-blog.com/
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Nos « mensonges » ne seraient-ils pas paradoxalement nos vérités essentielles ?

Quelques personnes, personnages présenté-e-s en introduction « Qui était resté en qui et pour qui ? ». Puis « des contes et des souvenirs », des phrases en yiddish, d'autres en ladino, des récits entrelacés de souvenirs et d'espérance. Des pères, des filles, des femmes, des amant-e-s et des chansons impossibles. « J'étais convaincu d'avoir connu ces gens-là. En fait, ils débattaient eux aussi, à ce moment-là, de choses difficilement exprimables ». Des souhaits et des inventions, « Ces soirs-là pouvaient être vécus », des rencontres trop tard ou trop tôt, des entrevues et des narrations. « Les mensonges ou les méprises… Les décisions, les choix ou les renoncements au milieu du tourbillon des relations humaines ». Des films, des rues, des visages. Des mariages et des séparations et un océan de marguerites. « Dans les eaux d'un refuge ». Un été différent à visiter et des saveurs de ce café-là. Et la solitude « La solitude, après tout, avait mille couleurs, mille visages ». Tapis, fez jeté à la mer, et le poids des camps.

Une géographie personnelle. Des mots, des descriptions, « une phrase banale, pour qui en ignore les conséquences ». Et encore la solitude, « Trouver son propre reflet dans la solitude ».

Des images et des « photographies qui ne parlent pas toujours », le silence et les murs.

Le temps stambouliote s'écoule et ne se retrouve pas. « En se souvenant, on se sent redevable envers ceux abandonnés de l'autre coté du miroir et qui, certaines nuits, semblent nous sourire ». Ici et au-delà des frontières…

Plongez vous dans ces « conversations sur les chemins nocturnes », dans cet Istanbul et ce monde qui se déchire. Un grand roman.
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Je relis l'excellente note d'Ingannmic (oui, excellente, je maintiens envers et contre l'auteure sus-nommée...) et ma réponse à cette note qui, tout en étant factuellement exacte, était spécifiquement sans rapport avec l'oeuvre. (Je me console en précisant que Mario Levi a aussi baigné dans la nostalgie du milieu minoritaire dans d'autres écrits, particulièrement dans des nouvelles que j'ai vues de près). Mais il n'y a pas de nostalgie du milieu minoritaire dans cet oeuvre, et d'ailleurs les descriptions de lieux (hormis quelques noms épisodiques de quartiers emblématiques - Sisli, Büyükada, Nisantasi - , quelques noms de cinémas historiques, un ou deux restaurants...) sont singulièrement absentes. Les descriptions ne sont que de personnages, de cette multitude incontrôlable, de leurs fragments de mémoire et surtout, oui par dessus tout, de leurs rêves. (Le mot "rêve" a une occurrence encore supérieure à "conte"). A présent, plus que la nostalgie, je m'arrêterais sur la mélancolie... Mais j'y reviendrai.

Entre la note d'Ingannmic et ma lecture du roman, j'ai eu l'occasion de rencontrer l'auteur. En Turquie, la parution de ce roman-fleuve lui a valu d'être souvent qualifié de "Proust de la littérature (turque) contemporaine". Il ne s'en défend pas, toute réserve de modestie mise à part, avouant que Proust est en absolu l'auteur qu'il préfère (Levi est francophone) et qu'il fréquente avec la plus grande assiduité. Comme autre (et à mon sens encore plus prégnante) source-paternité-archétype d'Istanbul était un conte, il nous en a révélé un musical : le "taksim" forme de musique de cour instrumentale ottomane. J'ajoute qu'elle est homophonique et fondée sur des répétitions de mélodies, mais profondément altérées (jusqu'à en être quasi méconnaissables sauf pour les plus fins ouïs) par d'innombrables variations de modes, de rythmes, d'instruments, de tonalités, etc.

Qu'est-ce que je retiens de ces deux sources ? de Proust, à la fois le formidable accent introspectif sur la psychologie des personnages, et peut-être encore plus la particularité du questionnement sur la position du narrateur parmi eux. Et bien sûr, cela va sans dire, le questionnement sur le temps, la mémoire, la narration de la mémoire... Là se situe aussi le premier niveau ou la première apparition de la mélancolie.
Celle-ci est cependant clairement évidente pour peu qu'on connaisse le "taksim" ou en général la musique ottomane. Et dans cette succession infinie de récits (ces innombrables narrations des quelques cinquante personnages principaux), ne retrouve-t-on pas une répétition sans cesse renouvelée du thème mélancolique du temps/de la vie perdue, infiniment décliné en occasions manquées, déceptions irrémédiables, communication - ou devrais-je parler de communion ? - impossible, vérité insaisissable, ...

Il n'y a donc pas de nostalgie du milieu, certes. Pas au sens de la littérature levantine-minoritaire exportée dans la littérature turque par rapport à ce "hüzün" de Beyoglu qui est désormais un topos à l'instar de la "saudade" de Lisbonne. Pourtant, juste au moment de conclure, je me demande si, à un second degré, c'est-à-dire sur le plan de la psychologie de l'oeuvre et de sa raison d'être - si tant est que l'on puisse se permettre de la déceler, de façon sauvage - il n'y aurait au contraire que de cela...
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Les années passant, on apprenait à supporter de diverses manières l'inéluctable douleur d'abandonner ou d'être abandonné. Avec le temps, on pouvait découvrir le charme qu'il y avait à se dissimuler derrière certaines images. On pouvait se représenter les victoires, les défaites, les rancoeurs, les regrets, et les séparations qui vous revenaient par moments à travers différents morts. Mais, pour mieux comprendre pourquoi, dans ces moments-là, Monsieur Jak regrettait Olga plus que quiconque, il fallait aussi, au-delà de tous ces possibles, pouvoir atteindre les limites de son histoire.
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Il est impossible que ceux qui restent dans leurs zones de sûreté comprennent une relation qui ne revêt de sens qu'à travers les conséquences des défaites, des colères, des solitudes, vécues par-delà de très lointaines frontières. C'est pourquoi j'ai avancé avec anxiété sur ce long chemin. L'histoire avait quelque chose d'envoûtant qui m'entraînait loin, dans des lieux que l'on n'avait pas forcément envie de nommer.
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La suite nous permet d'entrer un peu plus avant dans l'histoire, nous rappelle que certaines personnes peuvent être vouées, par leurs plus proches parents, à une mort lente, discrète, au nom de leur amour, au moment même où elles s'apprêtent à se mettre en marche.
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Combien de fois déjà ai-je tenté de raconter que certaines amours sont infinies, qu'elles continuent de vivre quelque part à l'intérieur de nous en dépit des séparations.
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Témoigner c’est se sentir responsable .Peut-être avais-je mis du temps à saisir mon rôle dans la pièce mais j’y étais parvenu. Je me multiplierais en observant tout, et en écoutant les propos échangés. C’était aussi un jeu d’écoute.
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