Ouvrir un livre de
Barbara Pym, c'est comme faire crisser le papier d'un bonbon au citron pour le mettre en bouche.
On se réjouit de ce qui nous attend entre plaisir et désagrément gustatif du piquant, entre amertume de l'acidité et douceur du sucre cuit, en se laissant enjôler par les arômes.
"
Quatuor d'automne", ce sont quelques pages de la vie de quatre collègues de travail, en apparence aussi poussiéreux que le bureau qu'ils occupent, aussi ternes que les sujets de conversation qu'ils partagent, aussi transparents que les vies solitaires qui sont les leurs.
Deux hommes, Edwin, veuf, et Norman, célibataire, et deux femmes Marcia et Letty, toutes deux célibataires, qui tentent de vivre en embellissant la vie de visites d'églises et de présences régulières aux offices, en jetant un regard amer sur toute chose, le trait d'humour toujours incisif dans la conversation, l'observation critique un brin indélicate, en stockant tout et n'importe quoi, obsédée d'une éventuelle future pénurie d'on ne sait quelle denrée ou en jetant un regard toujours tolérant et conciliant sur toute chose ou toute attitude au risque de paraître effacée...
Dans les romans de
Barbara Pym, il y a toujours des célibataires- pourquoi le sont-ils restés ? - des aigris – comment réagir face aux turpitudes de la vie ? - , des fidèles de la religion – il faut trouver un réconfort… -, ils espèrent sans réellement attendre, veulent croire que tout est encore possible mais refusent de bousculer leurs habitudes. La bienséance les obsède souvent au risque de les rendre rigides devant toute situation.
Les tasses de thé fument toujours dans un coin de page, sur le napperon du guéridon, à moins que ce ne soit une larme de Sherry qui ait la préférence, seuls intermèdes bienfaisants d'une vie qui s'engourdit, qui perd de son éclat, qui aurait pu être autre si…
Marcia et Letty vont bientôt quitter le bureau , prenant leur retraite quand les deux hommes les suivront bientôt.
Mais comment apprivoiser ce nouveau temps, qu'en faire, ils sont déjà tellement solitaires, ils le seront davantage et plus personne ne s'en souciera. Ils s'effaceront tout doucement de la vie...
Il n'y a pas vraiment de rebondissements dans les romans de
Barbara Pym, mais une écriture rien qu'à elle, on ne peut s'empêcher de rire, de pouffer : c'est grinçant, c'est moqueur et les traits de caractère exacerbés nous interrogent forcément sur nos attitudes ou nos réactions. On devine où le récit nous emmène, un peu comme on glisserait une pente verglacée, blottis dans une luge, emmitouflés de nos certitudes, on n'en est pas moins mordu par le froid des réalités que doivent traverser ces quatre êtres qui s'évitent, comme ils s'attirent, qui se critiquent comme ils s'affectionnent. Finalement, déstabilisés quand ils ne partagent plus le quotidien.
Mais comme le bonbon acidulé qu'on croque sans y prendre garde, ça pique et les larmes montent aux yeux parce que
Barbara Pym "écrit" aussi triste, mélancolique, nostalgie, et surtout regrets...
A la dernière page, le lecteur quitte, orphelin, ces vies dont il aurait aimé partager un peu plus, tout en introspection qu'il faut bien reconnaître qu'elles sont, pour peu qu'il accepte d'y voir en filigrane, ses propres faiblesses et quelques uns de ses travers !