On l'appelle
l'inquisiteur.
C'est le seul. C'est le meilleur.
On l'emploie pour confondre les menteurs, les dissimulateurs et les magouilleurs.
Que ce soit le gouvernement, de riches sociétés ou la mafia, Geiger est incontournable et même recherché.
Mais quand on lui impose comme client, Ezra, un enfant de douze ans, et qu'il flaire les motivations malhonnêtes de ses employeurs du moment, c'est le déclic. Impossible de mener à bien cette mission. Les rouages bien huilés de son entreprise vont grincer mais il est hors de question pour Geiger d'obéir aveuglement et sans comprendre.
Pourquoi un tel acharnement sur ce jeune adolescent? Surtout lorsqu'il soupçonne le gouvernement et la CIA d'être les instigateurs de cette affaire. Pour quelle raison souhaiter le silence à tout prix du père d'Ezra?
Commence une trépidante course-poursuite entre ses employeurs furieux et lui, Ezra et Harry, le compagnon de route de
l'inquisiteur.
L'inquisiteur, au contact de cet enfant, se retrouvera confronté à ses souvenirs d'enfance, puissamment enfouis et occultés, à la hauteur des atrocités vécues, devra s'adapter à la nouvelle donne, changer ses habitudes et son regard sur le monde, lui qui avait trouvé son équilibre dans une bulle et une existence parfaitement compartimentée.
La recherche de la vérité mettra Geiger et son entourage en danger, mais la quête de cette vérité le guidera coûte que coûte...
Cette lecture est un grand coup de coeur. C'est un premier roman de qualité qui évite pas mal de maladresses, de celles que l'on reproche souvent aux jeunes auteurs. Avec
l'inquisiteur, l'écriture est déjà mature, maîtrisée, posée et incisive. L'action est magistralement menée, chaque personnage et sa psyché ont une place de choix dans l'intrigue, le suspens titille les neurones du lecteur, les rebondissements et l'angoisse nous scotchent au fond du fauteuil, et l'empathie opère dès les premières pages.
Parlons-en des premières pages.
L'inquisiteur nous présente son travail d'un ton clinique, précis et efficace. Ou l'art de torturer et de détruire sans donner la mort, en dix leçons. L'art de l'analyse, la manipulation, la souffrance et de l'anéantissement psychologique. Tout un programme alléchant!
Il nous présente également son éthique... ou son code de conduite... Et face à la violence trop souvent perverse et gratuite de bien des criminels, on se surprend presque à admirer le personnage de Geiger... C'est un "méchant" sympathique. Et il ne veut soutirer que la vérité à ses victimes... alors quelque part, n'est-il pas un justicier? Sombre, glacial et machiavélique, mais un justicier quand même!
De la maîtrise de son talent, de sa vie parfaitement orchestrée, balisée, contrôlée et menée, Geiger va toutefois découvrir le chaos. de celui qui bouscule, dérange et devient suffisamment anxiogène pour pousser le plus discipliné des hommes à la perte de contrôle. La rencontre avec un jeune ado, la réminiscence d'une enfance traumatique, et au final, la confrontation à ses propres faiblesses. Faiblesses qu'il a l'art de dénuder chez ses clients, pourtant. Geiger s'est construit seul, sur les fondations de ses traumatismes et blessures. Mais même sous les tortures physiques qu'il a trop bien connues, il ne faiblira pas pour mener sa mission perso jusqu'au bout.
Il y a certes cet homme à l'activité illégale mais à la pratique éthique et droite... à qui je me suis attachée dès les premières pages.
Il y a cette relation forte qui se crée avec Ezra, kidnappé, mort de peur et d'angoisse panique de se retrouver au coeur d'une situation qui le dépasse, pétri de doutes sur sa relation d'avec son père, de part sa disparition et son manque apparent d'efforts pour le libérer... Un petit gars qui va pourtant surmonter ses angoisses pour voir au-delà de la carapace de Geiger et s'avérer être un allié précieux pour lui, dans une sorte de reconnaissance teintée de respect.
Il y a Corley, le psy, en fin de carrière mais toujours exalté par un challenge, qui se laisse subjuguer par le peu que lâche Geiger sur sa vie mais qui devine le petit enfant meurtri derrière le mur de glace.
Il y a également le personnage d'Harry, le coéquipier de Geiger qui, d'une relation distante et craintive, guidée par l'appât du gain pour une vie meilleure pour lui et sa soeur Lily, internée, qu'il aime profondément mais qu'il aimerait voir morte aussi, va affronter la situation avec courage et détermination. Un homme de contradiction et d'addictions qui, au contact de Geiger, avec lui, se découvrira fort, loyal et pas si mauvais qu'il le pense. Une amitié silencieuse et... virile...
Mais, outre ses relations humaines fortes et riches, il y a aussi cette question: quelles sont les limites d'un gouvernement dans sa volonté d'annihiler la parole des opposants, a fortiori quand ces rebelles, simples citoyens, détiennent la vérité, une vérité amorale et qu'il souhaiterait éternellement cachée dans les méandres du pouvoir?
C'est encore la fine barrière entre le bien et le mal qui est mise à mal dans cette histoire, alimentée par tout ce que nous cache nos dirigeants. C'est un sujet que j'adore.
Entre les prisons secrètes de l'Etat et Veritas Arcana, une organisation qui se charge de révéler les secrets du pouvoir, c'est notre conscience qui travaille entre ces lignes.
Un sujet passionnant, surtout lorsque ce ne sont pas des chevaliers en armure blanche qui sont voués à nous éclairer sur la réalité, la vérité et les injustices.
En bref, c'est un coup de coeur! Une lecture exaltante et prenante! Et quand je vois que ce premier né est suivi d'un petit frère,
L'orfèvre, je ne peux être que... très impatiente!
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