Je suis tellement fâchée contre ce livre, parce que c'est tellement bien écrit & il y tellement de choses qui s'y passent, mais c'est raconté de façon tellement décousue, comme si on passait d'une anecdote à une autre, sans vraiment de trame narrative pour ficeler tout ça, que ça en perd la moitié de son charme.
Émile a douze ans & un nom de garçon, même si c'est une fille. Elle habite un motel décrépi à la Conception, dans le Nord du Québec, & elle évolue entre les champs de pavot de son père, la cartomancie de sa mère enceinte jusqu'aux yeux & les histoires de son vieux voisin Marseillais, Liam, un peintre qui lui parle de Tanger & de voyages. Même si j'ai eu un peu de misère avec la voix d'Émile (...comment est-ce qu'on peut croire à une narratrice de douze ans qui dirait « je falsifie par peur d'explorer les réalités qui m'habitent »?), j'ai aimé lire sur son monde, la faune colorée mais crade d'adultes qui ne l'élèvent pas, trop préoccupés par leurs propres vies ratées, le long été qu'elle passe à tomber amoureuse & à rêver du Maroc – j'ai même pas été dérangée quand le récit au complet tombe dans le pathos dans les quatre ou cinq derniers chapitres – mais je suis déçue. J'ai attendu & attendu que le récit se fonde en un ensemble cohérent, que l'alchimie opère, mais tout est resté comme éparpillé, des bouts d'histoires entrecroisées qui ne se rencontrent qu'à contrecoeur, paresseusement.
Peut-être que son dernier roman est plus réussi que celui-ci. Parce que
Mélanie Vincelette a une prose tellement agréablement surprenante, tellement gorgée de vivacité & d'énergie – c'est dommage que le récit soit pas à la hauteur.