AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Andreï Makine (964)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


L'ami arménien

Andreï Makine, je le porte dans mon cœur, dans mon sein littéraire devrais-je dire, depuis plus de 30 ans, depuis son premier roman :La fille d'un héros de l'union soviétique.

Ce n'est rien que de dire que cet homme porte en lui, la douceur, la nostalgie, l'écriture de la vie, de sa Sibérie natale, de ce pays dont il s'est exilé, aujourd'hui appelée Russie.

L'ami arménien nous plonge dans une histoire d'amitié entre deux adolescents aux seuil des émois amoureux que ne connaîtra jamais Vardan, cet ami arménien atteint du " mal arménien".

S'agit-il d'une tuberculose ou de cette nostalgie décrite sous ce doux vocable de " royaume d''Arménie". Ce livre par petites touches nous révèle cette Arménie riche culturellement de son passé et tant meurtrie par le génocide perpétré à l' encontre de son peuple en 1915.

Cette amitié, André Makine n'en sortira pas indemne. À la mort de son ami , il écrira :

"La peine que j'éprouvais n'était pas très éloignée du désir de ne plus exister... non pas dans un suicide mais dans un miraculeux retrait de ce monde-là et une nouvelle présence sous un autre ciel, là où j'avais entendu, un soir, le froissement des ailes que laissait dans l'air un vol de migrateurs"

Andreï Makine, un grand merci, j'espère pouvoir vous rencontrer un jour dans une librairie et vous dire l' immense tendresse que je porte à vos livres et à votre écriture.
Commenter  J’apprécie          8519
L'archipel d'une autre vie

Un splendide Makine où tous les talents de cet auteur majeur sont développés. Un suspense à travers la Sibérie, des dialogues saisissants entre les protagonistes, une nature dépeinte par un maître, un bout du monde qui donne envie d'aller toujours plus loin, avec Makine bien sûr.



L’histoire est un peu comparable par sa structure à celle des poupées russes. Mais, avec Makine, les faits et actes de ses héros ne s’emboîtent pas toujours aussi facilement.



C’est d’abord l‘histoire d’une poursuite à travers la taïga d’un fugitif d’un camp soviétique en 1952. Parmi ceux qui le pourchassent, un homme Pavel, avance avec le groupe de cinq qui sent que le fuyard ne sera peut-être pas rattrappé. Cette poursuite va faire éclater tous les sentiments et contradictions des membres de ce groupe. Mais comment le raconter? Seul Makine sait le faire, à sa manière, inégalable.



Le mieux est donc de prendre la piste entre les pages du livre. Les attentes d’un lecteur de Makine ne peuvent jamais être déçues. Quelquefois, l’action met du temps pour s’installer. Ce n’est pas le cas ici, on est immédiatement saisi par la nature hivernale, par les hommes, par l’homme.



La fin, peut-être pouvant paraître peu vraisemblable, est tout simplement grandiose, Makine poussant le bouchon aussi loin qu’il le peut, allant toujours vers de nouveaux développements, pour le plaisir et l’émotions assurés de ses lecteurs.

Commenter  J’apprécie          842
L'archipel d'une autre vie

L'archipel d'une autre vie c'est l'histoire d'une traque où chacun révèle sa personnalité. Où chacun a peur des autres, des délateurs.



Et dans la société soviétique, le voisin, le chef, le subordonné, ils sont nombreux les dénonciateurs en puissance. Alors se taire, ne jamais se confier est une question de survie, le meilleur moyen pour éviter d'aller croupir ou mourir dans un camp. Une prudence que les chasseurs, Ratinsky, Boutov, Vassine, Louskass et Pavel, vont pourtant oublier à cause de la personnalité du traqué. Prolongeant la chasse celui-là se joue d'eux et les pousse à se dévoiler.



Une histoire qui symbolise le système soviétique des années 50, alors que le pays possède désormais la bombe atomique pour contrer les Américains. Les militaires, représentants de l'Etat, sont des mouchards en puissance et des arrivistes. Des petits chefs qui se craignent entre eux. L'Évadé étant le dissident qu'il faut éliminer de façon exemplaire.



Si Makine nous convie à un très beau voyage aux confins de la Sibérie, c'est toujours pour nous raconter son pays qu'il aime. Une exploration dans une nature belle, âpre et sauvage, où des hommes comme Pavel savent qu'à force de prudence, compromis ou résignation, ils sont devenus des pantins. Des existences qui peuvent changer pour ceux qui s'autorisent à croire encore à l'amour. Magnifique

Commenter  J’apprécie          840
L'ancien calendrier d'un amour

Le titre poétique du dernier roman d’Andreï Makine, « L’ancien calendrier d’un amour », fait référence au passage du calendrier julien au calendrier grégorien décidé par les bolcheviques en janvier 1918.



Un décret signé par Lénine a établi que juste après le 31 janvier 1918, la Russie passerait directement au 14 février, effaçant pour toujours deux semaines de l’histoire du pays. Pour justifier ce changement, le nouveau régime communiste évoqua la nécessité « d’établir en Russie un système de décompte du temps similaire à presque tous les peuples culturels ».



La référence à l’ancien calendrier est devenue une forme de métaphore désignant la Russie d’antan. Elle prend tout son sens dans le roman, où le héros vit une histoire d’amour clandestine quelques mois après le passage du calendrier de la Russie impériale à la nouvelle chronologie imposée par les « constructeurs de l’avenir radieux ».



« L’ancien calendrier d’un amour » est une prouesse de concision. Dans ce court roman, Andreï Makine dessine une fresque qui englobe la révolution russe, la première guerre mondiale, l’entre-deux-guerres, ainsi que la seconde guerre, au travers de la destinée improbable de Valdas Bataeff. L’ouvrage mêle avec bonheur l’Histoire avec un grand H avec l’histoire de Valdas, né à la fin du XIXème siècle, dont le destin se fracassera, comme celui de tant d’hommes de sa génération, sur la violence inouïe du siècle le plus tragique de l’Histoire.



Le récit débute en août 1913. Agé de quinze ans, Valdas a grandi dans une famille bourgeoise, choyé par son père avocat, et sa jeune belle-mère Léra. La famille aisée passe ses vacances sur le littoral de la Crimée.



« Dans la belle villa Alizé, le père oubliait ses plaidoiries et la jeune Léra concoctait de savants panachés d’invités, mêlant les vieux birbes, parmi la clientèle de son mari, et les artistes, prudemment rebelles ».



Le jeune adolescent commence à saisir l’hypocrisie de la comédie humaine que joue cette haute société russe inconsciente du déferlement de violence qui menace. Au cours d’une promenade nocturne longeant la mer, il rencontre pour la première fois Taïa, une jeune femme de quelques années son aînée qui s’adonne au trafic de tabac de contrebande.



Valdas ne le sait pas encore, mais ses premiers émois sont aussi ses derniers moments d’insouciance. La douceur de cette fin d’été 1913 marque la fin d’une époque. Le bruit et la fureur de la première guerre et de la révolution emportent tout sur leur passage. Le héros découvre l’horreur absolue de la guerre civile en s’engageant auprès des Russes blancs, dans l’armée contre-révolutionnaire qui sera laminée par les bolcheviques.



Avant de devoir quitter sa mère patrie pour rejoindre la France, il vit à l’automne 1918 une brève histoire d’amour avec la belle Taïa. Au cours de ce moment « hors du temps », où Valdas se croit parfois encore dans « l’ancien calendrier », il vit un amour absolu, qui hantera à jamais ses nuits, et découvre un bonheur traversé par une lumière qui ne cessera d’éclairer une destinée foudroyée par l’Histoire.



« L’ancien calendrier d’un amour » n’est pas seulement une fresque historique qui revisite avec talent un siècle sanglant en confrontant son héros au coeur pur au tragique de l’Histoire. L’auteur nous propose dans ce très beau roman une forme de méditation sur le rôle de révélateur de l’âme humaine que jouent ces moments de tempêtes, les guerres comme les révolutions, qui voient surgir la cruauté, la couardise et la trahison mais aussi le sens de l’honneur, le courage et le sacrifice.



Le titre de l’un des plus beaux romans de Blaise Cendrars, « L’homme foudroyé », nous offre une formule lapidaire qui résume la destinée de Valdas Bataeff. Et pourtant. Le dernier ouvrage d’Andreï Makine tente d’offrir une forme de rédemption à son héros, de donner un sens à une vie ballotée par la fureur d’un siècle terrifiant. Malgré sa brièveté, la pureté de l’histoire d’amour avec Taïa, ce moment touché par la grâce et délaissé par la pesanteur, « sauve » peut-être le destin improbable de son héros. Le roman pose ici une question quasi métaphysique. En accédant, même un instant, à une forme d’infini amoureux, le héros « arrête » le temps, et entrevoit le bonheur serein que lui aurait offert une vie vécue au sein de « l’ancien calendrier ».
Commenter  J’apprécie          8322
Le livre des brèves amours éternelles

Parallèlement au mépris des pompes du régime soviétique et des discours mensongers des apparatchiks et de l'intelligentsia soviétiques, un jeune orphelin découvre l'amour pur et lumineux. En vieillissant cet amour se transforme. Désormais seule sa joie de vivre compte pour ne pas être rattrapé par la morosité d'une idéologie pétrifiée. Puis se remémorant une jeune femme, un camarade infirme ou un opposant idéaliste (qui veut sauver l’humanité) — des brefs instants de pure grâce côtoyant parfois l'enfer — il reconnaît sa perception du monde moins égoïste mais plus encore désabusée sur les hommes.



Merveilleuse écriture de Makine qui nous explique que dans son pays l'histoire politique et l'amour des femmes sont indissociables.

Merci à lolokili pour cette magnifique lecture.



Challenge MULTI-DÉFIS 2018
Commenter  J’apprécie          822
La Musique d'une vie

Aujourd'hui les amis ça va encore cailler, le souffle sibérien du Moscou-Paris est en passe de nous congeler les arpions, qu'ils disent à la météo. J'ai donc (à nouveau) penché pour une oeuvre venue du froid, histoire d'être raccord (ou maso, j'hésite encore).



Immersion dans l'immensité blanche de l'Oural. Une gare assoupie, des voyageurs en attente du train pour Moscou paralysé par la neige, voilà le point de départ d'une rencontre et d'un autre voyage, dans le temps celui-ci.



Comme dans « L'archipel d'une autre vie » le narrateur prête sa plume à la mémoire d'un homme. Cet homme âgé croisé par hasard fut, dans les années quarante, un jeune pianiste prometteur. Fracassé par les purges staliniennes et la deuxième guerre mondiale, son destin ne sera qu'une interminable errance en un douloureux exil de soi.



Témoignage imaginaire aux allures de conte cruel, ce triste réquisitoire contre les fureurs idéologiques est aussi une ode magnifique à la résistance et à la dignité de l'âme russe chère à l'auteur, cette alliance particulière de fatalisme et de pugnacité, portée ici en filigrane par une musique, la musique des phrases de Makine, la musique d'une vie, celle qui au-delà de l'absurde aura le dernier mot.




Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
Commenter  J’apprécie          8117
La Musique d'une vie

Aux environs des années 80, dans le hall de gare d'une ville, située au fin fond de la Russie, dans l'immensité blanche des montagnes de l'Oural, le narrateur patiente. Il attend son train pour Moscou qui ne vient pas. Il observe ses compatriotes et entretient un conciliabule intérieur auquel, il nous convie. Devant cette masse humaine qui accepte sans broncher, sa condition d'individu rééduqué, prêt à tous les sacrifices, il juge avec lucidité mais aussi colère et compassion ses semblables, totalement conscient de sa propre servitude. Il regarde ce magma humain que l'engourdissement rend indifférent, habitué à la passivité. Il détaille, avec rigueur, les comportements, les attitudes de toutes ces personnes qui attendent, assises dans l'inconfort, quel que soit leur âge comme ce vieux monsieur affalé sur le sol souillé de mégots et de neige fondue sur des feuilles de la Pravda ou cette prostituée qui parle avec des soldats. le narrateur contemple et médite. Il s'apitoie sur le sort de ces corps entassés qui tentent malgré tout de trouver leur place. Cette gare, minuscule point noir dans cette l'immensité blanche, n'est jamais que le reflet de tout un peuple rendu docile sous le joug d'une idéologie dominante.



Soudain, dans le haut parleur qui grésille, une voix annonce un retard de six heures

« Six heures de retard … Ce pourrait être six jours ou six semaines ». La formule du philosophe dissident Alexandre Zinoviev lui apparait dans sa toute puissance évocatrice :



« En deux mots latins, le philosophe avait réussi à décrire la vie des deux cent quarante millions d'êtres humains qui peuplaient, à l'époque, le pays où je suis né. « l'Homo soviéticus ».



Il a besoin de bouger et c'est à cet instant qu'il lui semble entendre, au loin, des notes de musique. Perdu dans le noir de ce hall de gare, se dirigeant les mains contre les murs, enjambant les corps, il découvre un homme assis devant un piano.



C'est ainsi qu'il va faire la connaissance d'Alexei Berg qui par petites touches au début puis ensuite, la confiance aidant, va lui raconter sa vie et remonter jusqu'à l'époque des purges de Staline dont ses parents ont été victimes.



Tout jeune pianiste, Alexeï se rappelle le jour où ses parents ont souhaité se débarrasser du violon de leur ami, le maréchal Toukhatchevski qui avait été exécuté en 37. Redoutant l'arrestation, son père avait jeté le violon dans le feu de la cheminée. Dans son affolement, ce dernier avait oublié de relâcher les cordes qui avaient émis quelques notes au contact du feu. Mais cette scène avait marqué Alexeï. Soulagés, persuadés d'être délivrés de tout risque d'emprisonnement, la vie avait repris son cours jusqu'au 24 mai 1941, date du premier concert d'Alexeï mais jamais il n'oublierait les quelques notes qui s'étaient échappées du pauvre violon qui se consummait.



Andréï Makine possède une écriture d'une puissance évocatrice qui me fascine. En cent vingt sept pages, il est capable de démontrer l'absurdité de la destinée lorsque celle-ci se trouve l'otage de la Grande Histoire. Il m'impressionne par son écriture visuelle qui me transporte, par la poésie qui s'en dégage ainsi que par la profondeur de son récit. D'un style épuré, il décrit méticuleusement l'âme de ce peuple russe, durement touché par l'Histoire. Il révèle sa part d'ombre, avec empathie. Les mots font mouche : c'est ce qui rend son style si beau, si personnel, si émouvant et ce mélange de culture franco-russe qui lui donne, certainement, cette sensibilité pleine de charme. Il y a quelque chose de Stefan Zweig dans Andréï Makine, cette façon de pénétrer l'âme humaine. A chaque livre, je ressens comme l'empreinte d'un vécu douloureux qui affleure du récit. La façon dont l'auteur raconte l'histoire de ce pianiste rencontré dans un hall de gare permet de mesurer ce que ce peuple a pu endurer, comment il a été broyé sous le joug du stalinisme pour ensuite l'envoyer à l'abattoir. Il nous donne à réfléchir sur le sens du tragique que seul un russe est capable de raconter avec autant d'acuité. Malgré les épreuves qui vont jalonner l'existence de ce virtuose et malgré la période historique en question, Andréï Makine nous parle avec tendresse du peuple russe, c'est un hommage qu'il lui rend.



Récit d'une grande intensité où l'amour, la passion côtoie la répression, la guerre, la peur, la musique, en une phrase : « la musique d'une Vie » selon le ciel sous lequel nous naissons.



« La souffrance existe avant les hommes mais le mal n'apparaît qu'avec eux » Jean d'O



« Avoir souffert rend tellement plus perméable à la souffrance des autres « L'Abbé Pierre

Commenter  J’apprécie          8028
Le testament français

99 critiques de ce beau roman de Makine, j'ai donc le plaisir de publier la centième de ce livre, un compte rond qui me plaît bien.



Entrer dans un roman de Makine, c'est, dès les premières lignes, retrouver ou découvrir pour ceux qui ne l'ont pas encore lu, une écriture d'une finesse et d'une richesse inouïe, une écriture qui sait décrire aussi bien la steppe, la rivière, l'immensité russe que les personnages, leur beauté ou leur laideur, mais une écriture pouvant aussi exprimer avec puissance et délicatesse tous les sentiments humains, toutes les émotions qui animent les protagonistes de ses oeuvres.



Toutefois, entrer dans un roman de Makine n'est pas toujours rapide, ni forcément aisé. Je le sais, je l'accepte et j'ai pris l'habitude de savourer ce que d'aucuns nomment longueurs, avant, tout à coup, ici quasiment à la troisième partie, donc presque aux deux tiers du livre, de rencontrer l'éblouissement familier et ne plus le quitter quasiment jusqu'à la fin.



Alors, les deux premiers tiers ne sont pas inintéressants en ce sens qu'ils installent le décor de ce qui sera l'apothéose et qu'ils comprennent quelques belles envolées, toujours avec ce style magnifique.



Le testament français déroule enfance, adolescence du narrateur, à travers les récits de sa grand-mère française, Charlotte. Au fil de ceux-ci, il découvre la France de la fin du XIXème siècle, avec la visite du tsar Nicolas II en octobre 1896. Puis, c'est le XXème siècle avec ses deux guerres et cette révolution russe qui vit naître un régime terrible pour le peuple.



Charlotte traverse le siècle dernier et raconte à son petit-fils presque tout son vécu. Elle est obligée de lui taire divers événements douloureux qu'il découvrira ultérieurement et qui lui feront admirer encore plus le courage et l'abnégation de cette femme.



Le roman déroule aussi l'adolescence du narrateur avec les premiers émois devant la femme, la jeune fille aux appâts qu'il faut absolument goûter quitte à ce que cette première fois soit plutôt décevante.



On arrive ainsi à la troisième partie qui détaille la relation sentimentale unissant le narrateur à sa grand-mère, avec des descriptions du physique de celle-ci, âgée mais diffusant une beauté intemporelle, avec des sorties à deux dans la steppe, sous l'orage et toujours la description puissante de tout ce qu'ils vivent ensemble, se comprenant maintenant par de simples regards.



Alors, il faut découvrir lentement ce livre, en s'attardant le long des saules russes ou dans les avenues parisiennes, en laissant aller le temps de cette lecture pleine de saveurs du talentueux Andreï Makine.
Commenter  J’apprécie          781
L'ami arménien

Quand Vardan débarque sur les bords de l'Iénisseï à l'école fréquentée par le narrateur, il ne se doute sûrement pas que ses yeux « au dessin trop beau pour un garçon » et sa « complexion malingre » sujet à la « maladie arménienne » lui vaudront le déchaînement de haine des petits mâles locaux, le jugeant par dessus tout « pas normal ». Il faut dire que l'idéal en Sibérie, c'est celui du « projet messianique d'homme nouveau » de la fin des années 60, « une belle créature musclée, radieuse, ne doutant de rien ». Il y en a tout de même un, le narrateur, prompt à le prendre en défense du haut de ses 13 ans intrépides, grâce au fouet de sa ceinture renforcée aussi. L'occasion pour lui de découvrir le quartier du « Bout du Diable » et de s'immerger dans la communauté s'y étant réfugié, à l'ombre d'une prison en surplomb des esprits, dont les arméniens se sont rapprochés dans l'attente pour leurs parents enfermés là d'un jugement, le plus souvent synonyme de Goulag.

C'est dans le récit nostalgique de cette amitié et de la découverte de ce petit monde arménien que nous embarque le narrateur quelques décennies après. Les personnages y sont cabossés, pimentés. du professeur de géométrie à Sarven avec son banc et son cadran solaire, en passant par Chamiram la maman de Varan aux photos mystérieuses, ou même la soeur dont le narrateur est secrètement amoureux, ils nous entraînent dans des situations épiques dessinant un « Royaume d'Arménie » en souffrance, où se développe un noyau de tendresse et d'entraide. Makine excelle à nous le faire ressentir, dans une prose cristalline, limpide et ciselée, qui saisit le glacial tout en nous réchauffant le coeur.

Mais par dessus tout, ça semble bien être le lien entre Vardan et le narrateur le véritable moteur du livre. Des précédents romans d'Andreï Makine, on se souvient de la double poursuite enchâssée dans la taïga de « L'archipel d'une autre vie », de la mise en abyme d' « Au-delà des frontières », mais aussi du propre double de l'auteur sous le pseudo de Gabriel Osmonde. Un auteur qui semble explorer de nouveau la notion de double, cette fois-ci sous la forme initiatique d'un alter ego transcendant, agissant comme un catalyseur : « Je me sentais, désormais, non pas davantage instruit mais étonnamment attentif à cette mystérieuse possibilité de m'écarter de ce que tout le monde prenait pour la seule et unique voie admise. Oui, la possibilité de m'en décaler - et de « sortir du cercle dessiné sur l'asphalte ». Quitte à être traité de « pas normal »
Commenter  J’apprécie          774
L'archipel d'une autre vie

Pavel Gartsev a vingt-sept ans en juin 1952 ; il est sur le point d'épouser Svéta lorsqu'il surprend une conversation et comprend que c'est par intérêt qu'elle l'épousera. Une convocation du comité militaire tombe à pic, Pavel rejoint l'armée, tous le réservistes étant rappelé. Ce qui l'attend est inhumain et innommable. Dans l'immensité de la taïga, une course-poursuite s'engage, ils doivent à tout prix récupérer un évadé.

Magnifique écriture d'Andreï Makine, membre de l'Académie française, originaire de Sibérie.

Commenter  J’apprécie          763
Le testament français

Makinemania, épisode 3.

Oui, ces temps-ci je poursuis avec insistance la découverte de cet auteur unique. Ça me chiffonnerait du coup de passer pour une obsessionnelle monomaniaque mais force est de constater qu'à nouveau l'enchantement est là.



« Le testament français », c'est la base. Celui par lequel, en 1995, tout est arrivé. Prix Médicis, prix Goncourt, Goncourt des lycéens. Trio gagnant à lui tout seul. Pour ma part ces distinctions me passent un peu au-dessus du cigare, mais quand cette année-là elles précèdent, comme par hasard, la naturalisation d'Andreï Makine sollicitée en vain cinq ans auparavant, ben moi je dis youpi carrément.



Né en Russie à la fin des années cinquante, réfugié politique trente ans plus tard, Makine aura donc dû endurer plusieurs années difficiles avant d'être enfin reconnu par cette France qui le fascine et dont il a d'emblée adopté la langue pour l'ensemble de son oeuvre. La faute à Charlotte (merci Charlotte) qu'il nomme sa grand-mère, originaire de Neuilly-sur-Seine (personne n'est parfait), dont l'énigmatique et attentive présence, les souvenirs et la culture, auront façonné pour toujours l'existence et la sensibilité du jeune Andreï.



Empreint de cette double identité culturelle, l'omniprésente mémoire de Charlotte pour guide idéal, « Le testament français » se déploie à la manière d'un songe où, avec pudeur et lucidité, le narrateur transcende de longues et bouleversantes bribes de son parcours et de son imaginaire prodigieusement fertile, merveille d'intuition émotionnelle et de pure poésie.



La base moi j'dis.




Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
Commenter  J’apprécie          7522
Le testament français

Qu’est-ce qui fait notre identité, semble nous demander Makine dans ce livre merveilleux, aérien, complexe, raffiné qui a engrangé tant de prix…et qu’à ma très grand honte je n’avais pas lu jusqu’ici ?



Est-ce une famille, une enfance, un pays, une langue maternelle ?



Ou est-ce plutôt un fin réseau de souvenirs rêvés plus que vécus, l’incantation d’un livre lu le soir sur un balcon, ouvert au vent de la steppe, la voix d une grand-mère chérie et doublement lointaine- par ses origines, françaises , et par son lieu de vie, une petite bourgade sibérienne perdue au bout du monde- dont la silhouette tutélaire et bienfaisante se découpe sur la toundra, et qui lit Nerval ou Baudelaire en français, et compare leur traduction en russe, sont-ce de vieilles et mystérieuses photos, soigneusement conservées dans une malle, ou des anecdotes parisiennes pleines d’exotisme et de piquant ?



La réponse est dans la question.



Rien n’est simple, pourtant.



La "francité choisie" du jeune narrateur est son identité rêvée, son identité d’élection mais faute de pouvoir la partager, elle l’isole des autres petits Russes, fait de lui un objet de moquerie, de rejet. Plus tard, ce repli linguistique et culturel devenant insupportable, avec la tension et l’excitation des désirs adolescents, il la rejette, se sent et se veut russe..



Mais une langue, une culture épousées dans l’enfance et dans l’ombre d’un être aimé, cela ne s’abandonne pas comme une mue de serpent…



Dans une langue –française- lumineuse, légère, subtile, presque proustienne parfois, Makine -ou plutôt son narrateur- raconte ce périple culturel et linguistique passionnant.



Qu’on se rassure : jamais le récit ne devient abstrait, intellectuel ou pédant : il est émaillé de scènes intimistes, croquées avec délice, de scènes effrayantes aussi – qui s'inscrivent , en arrière-plan,dans la fresque historique où se déploie la grande Russie.



Celle-ci vit de toute la force de son incroyable résistance, de son inépuisable résilience. On voit passer toutes ses épreuves – la guerre, la révolution, la terreur stalinienne, la guerre encore, la normalisation difficile…- derrière les récits de la grand-mère, Charlotte, Française devenue Russe par amour et par choix –au point de traverser, en pleine guerre et à pied, toute l’étendue qui la séparait de sa mère, au fin fond de la Sibérie !



Mais surtout, même si le jeune narrateur- un avatar romancé de Makine- est parfois égratigné avec humour pour sa naïveté et son égoïsme, c’est le personnage de Charlotte qui jaillit de ces pages avec une merveilleuse netteté, un charme et une force inoubliables .



Belle, cultivée, tendre, forte, toute en retenue et en contrôle de soi, profondément authentique et sincère - et si confiante dans sa relation avec son petit-fils , elle est vraiment l’âme du récit.



Elle éclaire, quand il faut, le jeune garçon, s’ouvrant à lui sans l’envahir, l’enrichissant sans le noyer, et elle lui délivre, par-delà la barrière sombre de la mort, le permis d’être ce qu’il a rêvé , en le libérant de pesants secrets qui vont lui permettre de vivre, d’écrire.



Chant d’amour à une langue et à une culture, ce livre poétique et puissant est aussi –est surtout ? - un chant d’amour à celle qui a permis cet envol, cette mutation, ce choix parfois douloureux.

Commenter  J’apprécie          744
Le testament français

Ce livre m'a émue, éblouie.L'écriture est dense, délicate, poétique, même lorsqu'elle évoque des épisodes sanglants, peu supportables, des époques de guerre ou de trouble, en Russie.L'histoire revêt un caractère autobiographique et n'en est que plus touchante.



La grand-mère, Charlotte,au centre du récit, est un personnage magnifique de vie, d'intensité, de fusion avec la nature, malgré toutes les douleurs endurées.Parmi les images évocatrices de cette grand-mère charismatique et à l'aura puissant, en voici une que j'aime tout particulièrement: " L'étroit balcon de Charlotte planait dans le souffle épicé de la plaine, à la frontière d'une ville endormie, coupée du monde par l'éternité des steppes.Chaque soir ressemblait à un fabuleux matras d'alchimiste où s'opérait une étonnante transmutation du passé."



Le narrateur est intéressant dans ses déchirements intérieurs entre la langue russe et le français grand-maternel, entre deux mondes différents.Cet adolescent qui rêvait la France et la découvre, dans sa réalité, à l'âge adulte, va avoir une révélation finale surprenante, concernant ses origines...



L'auteur russe rend un hommage personnel vibrant et unique à cette langue française qu'il manie avec grâce et magie." Elle palpitait en nous,telle une greffe fabuleuse dans nos coeurs, couverte déjà de feuilles et de fleurs, portant en elle le fruit de toute une civilisation.Oui, cette greffe, le français."



Un livre inspiré et inspirant, une ode à la vie, à la beauté des choses, des êtres, de leurs rêves, où Russie et France se mêlent, dans un tourbillon d'émotions qui nous transporte et nous ravit...
Commenter  J’apprécie          734
L'archipel d'une autre vie

« L’archipel d’une autre vie » nous conduit dans une contrée lointaine et sauvage, aux confins de l’Extrême-Orient russe, au coeur de la taïga que longent les rugissements de l’océan Pacifique. Depuis le rivage, il est possible d’apercevoir l’archipel des îles Chantars, un lieu inhabité et hostile, protégé par un mur liquide de quatre mètres de haut, le terrible « souloï ».



Andreï Makine mêle à nouveau dans ce roman magnétique l’histoire de ses protagonistes à l’Histoire avec un grand H, en revenant sur la fin du stalinisme. Et pourtant. L’Histoire se fait plus discrète qu’à l’accoutumée et s’efface devant la géographie d’un lieu méconnu : la pointe orientale de la Russie, la taïga vallonnée que longe la mer d'Okhotsk, qui tient lieu d’écrin enneigé à un récit où la cruauté des hommes dispute à la poésie d’une nature inviolée.



Dans les années soixante-dix, un jeune étudiant géomètre russe est envoyé dans la bourgade de Tougour, en Sibérie orientale, pour y effectuer des relevés géodésiques. En partant en exploration dans la taïga, il entreprend de suivre un homme qui ne lui semble pas tout à fait inconnu. Cet homme mystérieux se nomme Pavel Gartsev, et va, le temps d’un bivouac au coeur de la forêt, lui narrer l’histoire de sa vie.



Orphelin dès l’âge de sept ans, Pavel est appelé sous les drapeaux en 1943. Il gardera de sa participation à la seconde guerre une tache de peau brulée en forme d’araignée sur le cou, marque indélébile laissée par un lance-flammes, ainsi que le souvenir indicible de carnages commis au bord de la mer Baltique. De retour à Leningrad, il commence une thèse sur la « conception marxiste-léniniste de la légitimé de la violence révolutionnaire » et épouse la jeune Svéta.



La vie de Pavel bascule en 1952, en pleine guerre de Corée, la pointe émergée de l’iceberg des tensions entre l’URSS et les Etats-Unis, qui pourraient déclencher l’apocalypse. Le jeune homme est appelé en tant que réserviste à prendre part à une simulation de la Troisième Guerre mondiale, orchestrée par un état-major russe inquiet du possible déferlement du feu nucléaire américain. C’est ainsi que Pavel se retrouve dans la taïga d’Extrême-Orient afin de tester la résistance des troupes russes à un conflit atomique.



Le héros va affronter les vents contraires du destin, lors de sa participation à une mission spéciale, dont l’objet est de capturer un criminel qui vient de s’évader d’un camp de prisonniers voisin. Une équipe réduite dirigée par le commandant Boutov, et supervisée par Louskass, un membre du contre-espionnage militaire se lance à la poursuite de l’évadé. Ratinsky, un jeune officier ambitieux, Vassine, un maître-chien débonnaire et Pavel complètent la petite formation. La mission militaire, qui aurait pu n’être qu’une simple formalité, va se transformer en une authentique plongée au coeur des ténèbres.



En cette fin d’été 1952, Pavel affronte les pièges de la forêt boréale, au sein de laquelle leur proie semble insaisissable, et découvre l’insondable noirceur de l’âme humaine. Les masques tombent au cours d’une poursuite qui tourne mal et évoque chaque jour davantage un voyage au bout de l’enfer. Et pourtant. C’est la découverte la véritable identité du fugitif qui bouleversera à tout jamais la destinée du héros.



« L’archipel d’une autre vie » revient sur les tensions du début des années cinquante marquées par la prise de conscience de la possibilité d’une apocalypse nucléaire. Andreï Makine nous rappelle la paranoïa constante qui hantait l’époque, lorsqu’une simple phrase trop critique à l’endroit du régime pouvait vous conduire au goulag. Les embûches rencontrées lors de la chasse à l’homme à laquelle participe Pavel, révèlent l’ignominie et la lâcheté glaçantes des gardiens du temple stalinien, incarnés par Louskass et Ratinsky. A l’image de l’oeuvre de son auteur, le roman est hanté par le mélange d’horreur et d’absurdité constitutif du communisme.



En situant son intrigue au coeur de la taïga, Andreï Makine laisse la grâce d’une nature inviolée toucher son héros, et distille quelques moments de poésie pure au creux d’un récit habité par la noirceur humaine. Cette forêt du bout du monde devient ainsi une forme de personnage à part entière, tantôt hostile, tantôt bienveillant, qui confère au roman la beauté de la lumière de l’aube qui se reflète sur une rivière glacée avant de traverser l’ombre des bouleaux et des mélèzes.



« L’archipel d’une autre vie » est le récit d’un cheminement intérieur, celui que mène Pavel lors de son improbable épopée aux confins de la Sibérie orientale. Cette quête lui permettra d’entrevoir la possibilité d’une autre vie, une vie délivrée du joug d’un régime qui transforme les soldats en bourreaux, une vie dont il n’a jamais soupçonné l’existence, une vie fondée sur une idée parfois oubliée que l’on nomme liberté.

Commenter  J’apprécie          7223
L'ancien calendrier d'un amour

Andreï Makine est un de ces auteurs qui m'offrent une parenthèse enchantée à chaque nouveau roman. Je retrouve toujours cette beauté des mots et des histoires.

Et son héros Valdas ! Quelle vie ! Quel chemin parcouru de ses premiers émois en Crimée à ce monsieur âgé assis sur le banc du cimetière qui va se confier au narrateur.

Les aventures d'un jeune homme russe, amoureux, exilé en France qui subira deux guerres mondiales et une révolution.

Au milieu de cette tourmente Valdas vivra ces quelques jours qui donnent un sens à une vie et la rende meilleure.

Makine insuffle un élan vital à ses personnages par la magie de sa plume. C'est aussi une grande page d'histoire.

Et toujours la lumière dans les ténèbres. Valdas conservera son humanité.

Et bien sûr un gros COUP DE COEUR !

L'ancien calendrier d'un amour sort aujourd'hui, profitez-en !

Un grand merci aux éditions Grasset

#Lanciencalendrierd'unamour # NetGalleyFrance

Commenter  J’apprécie          716
L'ami arménien

Dans la veine des souvenirs convoqués dans « le testament Français » ou son « Livre des brèves amours éternelles », Andreï Makine façonne ici un nouvel épisode de sa jeunesse, petite chronique d'une amitié adolescente au temps de la Sibérie soviétique des années soixante.



"Petite" chronique, par sa concision sans doute, mais grand roman par l'humanisme et la nostalgie qui l'inspirent.



Souvenir imaginaire ou réel, quelle importance ? puisque la vérité de ce nouveau Makine est ailleurs, dans l'authentique mise en lumière des thèmes de l'exil et du déracinement, si chers à son coeur, et dans ce pur hommage qu'il offre aux cultures et aux peuples oubliés, au « Royaume d'Arménie » en particulier.



Comme d'hab avec Makine nous cheminons donc encore aux confins du globe, portés par sa prose à la fois évidente et sophistiquée, où l'on devine les réminiscences familières de ses fascinantes intonations russes qui souvent prennent l'ascendant.



C'est une belle histoire. C'est un beau roman.




Lien : HTTP://MINIMALYKS.TUMBLR.COM/
Commenter  J’apprécie          718
L'ami arménien

Le Bout du Diable, c'est un lieu d'enfance, un lieu d'amitié scellé entre deux gamins au fin fond de la Sibérie. Ce quartier déshérité qui fait face à la prison centrale s'est construite autour de ses barbelés. Toute la communauté arménienne y a un oncle, un frère, un père enfermé à la prison, le goulag de Staline, ou en attente d'un procès, d'un faux jugement. Deux gamins, un orphelin solitaire et un enfant fragile, se lient, se protègent, se découvrent. Une amitié forte naîtra de cet enfance à l'autre bout du monde pendant que les adultes pleurent et boivent, vodka ou vin rouge d'Arménie.



Andreï Makine a toujours cette luminosité dans l'écriture qui tantôt subjugue, tantôt rend mélancolique. Il écrit sur le soleil rose du matin, il écrit sur la lune bleue des nuits d'insomnie. Il compose une mélodie d'une autre terre, bien loin des courants impétueux de la vie, celle où la poussière s'envole l'été, celle où les flocons de neige parcourent l'hiver. Et je navigue dans ces eaux calmes que le lit de la rivière me berce jusqu'à la lie de ma bouteille.



Andreï Makine III. Il me faut bien une excuse pour boire, partager un roman, c'est comme partager un verre, c'est communier avec des regards, avec des mots et des silences. Ainsi, un nouveau pan de l'histoire de son pays s'ouvre à moi, comme cette communauté arménienne délocalisée si loin de son mont Ararat. Des notes de musique sur un papier au grammage épais qui se conjuguent autour de rencontres et d'amitié. Une histoire d'amour, une histoire de tristesse, se tisse face à ces barbelés, j'entends des notes de piano au loin qui se distillent entre les complaintes des vents, les pleurs des uns, le spleen des autres. Et une certaine peur, aussi. L'ami arménien est un de ces romans qui prend son temps pour étancher sa soif et vider quelques bouteilles, bières et vodka, une lointaine contrée de poussière.
Commenter  J’apprécie          7113
L'archipel d'une autre vie

Décidément ça caille ces temps-ci. Après avoir suivi Alice Ferney en Antarctique me voilà sur les traces d'Andreï Makine, aux confins de sa Sibérie extrême-orientale. Union soviétique de Staline au début des années cinquante plus précisément, ambiance répressions idéologiques, guerre froide et potentielle imminence de conflit atomique.



Après quelques pages un peu lancinantes, l'intrigue s'installe. Une patrouille de cinq troufions et officiers plus ou moins motivés est expédiée aux trousses d'un énigmatique évadé du goulag.



Progressivement l'aventure se fait plus singulière et captivante. Les tempéraments se révèlent, perturbés par une progression difficile dans la Taïga hostile, désorientés par les ruses d'un fugitif insaisissable qui mystérieusement semble défier ses poursuivants. Au fil des épreuves, gagné par les réminiscences du passé, chacun dresse à sa manière un état des lieux de sa propre existence, loin d'imaginer à quel point ces journées de traque en modifieront le cours.



Voilà pour les grandes lignes, déjà engageantes je l'espère. Ensuite il m'est bien intimidant de célébrer comme elle le mérite la puissance d'écriture de Makine qui porte admirablement ce récit âpre et authentique, entre barbarie des hommes et splendeur implacable de la nature indomptée.



Car à la fois roman d'aventures et quête spirituelle, conte humaniste et chronique politique, cette oeuvre au titre magnifique m'a définitivement émue, captivée, marquée, embarquée, voire déboussolée, et pour cause, puisque l'archipel des Chantars dont il est question ici présenterait une anomalie magnétique affolant compas et boussoles. De quoi en effet perdre le nord, mais pour finalement découvrir peut-être… un trésor ?...





Ҩ



Une merveille de lecture que je dois à l'opération Masse critique de Babelio et aux éditions Points.

Merci beaucoup !




Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
Commenter  J’apprécie          7024
L'ancien calendrier d'un amour

La première fois que j'ai lu Andreï Makine, c'était en 1990 avec: La fille d'un héros de l'union soviétique, j'avais été fascinée par ces thèmes et son écriture.

Depuis, je l'ai suivi pas à pas et peu de titres m'ont échappé. D'ailleurs, le titre qui m'a le plus touchée c'est: Requiem pour l'est. Un roman à ne pas rater.

Avec L'ancien calendrier d'un amour, Andreï Makine, une fois de plus parvient avec bonheur à parler de l'amour, de L'Histoire et de l'homme.

Subtilement, le livre s'ouvre sur la rencontre d'un homme russe avec un autre dans un cimetière à Nice, un des grands lieux d'exil des Russes blancs.

Il est vrai que Nice renvoie immédiatement à la Crimée, sur les bords de la mer Noire.

C'est là que Valdas, notre héros commencera à découvrir les balbutiements et les premiers émois amoureux. Quelle rencontre romanesque et fantasque dans ces dunes, sur la grève, dans une ambiance de contrebande avec Taïa qui somme toute deviendra l'amour de sa vie.

Valdas va vivre les tourments de l'histoire, d'abord la première guerre mondiale puis cette guerre civile de son propre pays qui met à bas toute sa vie.

Magnifiquement décrit ce déchirement des rouges et des blancs, de ces tueries aveugles qui aboutiront à la fin de la Russie.

Valdas devient un exilé, son pays ne tardera plus à disparaître, il vit alors à Paris comme chauffeur de taxi, comme beaucoup de ces compatriotes exilés.

L'amour, il le cherchera toujours mais il ne le trouvera que morcelé dans des femmes qui sont elles-mêmes meurtries par la vie.

"Un jour, Valdas devinait enfin ce qui lui manquait dans ces gros volumes herbeux : un simple lieu, bien plus modeste que les décors fastueux de ces romans. Une plaine abîmée par la guerre et dont le soleil d'automne faisait apparaître la beauté originelle, ce champ où Taïa ramassait les derniers épis et à travers lequel elle venait vers lui"

Ce passage est lumineux, doux au regard et tendre au cœur.

Naturellement, je conseille cette lecture aux inconditionnelles de Makine mais j'espère une formidable découverte pour ceux dont le nom d'Andreï Makine est encore inconnu.
Commenter  J’apprécie          696
Au-delà des frontières

Mise en abyme, éléments gigognes, les résonances narratives sont fréquentes dans les écrits d'Andreï Makine. Dans son précédent roman deux histoires de poursuites s'enchâssaient et se faisaient écho dans la taïga, ici ce sont les écrits qui se superposent. Celui notamment de Vivien de Lynden le nazillon, un manuscrit apocalyptique que le lecteur découvre en même temps que le narrateur écrivain auquel il a été confié pour un coup de pouce à la publication. Celui aussi de l'alter-égo Gabriel Osmonde véritable pseudo d'Andreï Makine (merci Renod pour l'info), et tiens encore une histoire de dédoublement au passage, auteur d' « Alternaissance ». Autour de ces personnages écrivains, gravite aussi la maman de Vivien de Lynden, en personnage au cheminement libérateur.

Autre point commun avec le précédent roman, les héros entrevoient la lumière de la félicité terrestre, si elle était sous forme de lieu dans « l'archipel d'une autre vie », ici le cheminement s'intellectualisera pour atterrir « au delà des frontières ». Fondé sur les recherches autour de la métapraxie de la confrérie des diggers d'Osmonde, les héros se révèlent à l'alternaissance, sorte de 3ème naissance après la biologique et la sociale, qui dépasse les absurdités de tout système humain pour revenir à l'essentiel, le présent.



J'ai un peu moins été emballé par celui-ci, peut-être moins surpris (à moins que ma lecture ait été trop décousue), même si j'y ai retrouvé avec grand plaisir cette écriture toujours riche et belle, cultivée sans être pédante.



« Le chaos du monde se décante, la mascarade de l'Histoire révèle son absurdité. Et la masse humaine – magma d'ethnies, de races, de classes, de clans, d'alliances et de mille autres « catégories » - se réduit à son essence : ceux qui acceptent les limites de l'existence et ceux qui les défient. Au-delà de toute appartenance raciale, sociale ou religieuse, nous sommes définis par ce choix – s'endormir dans la masse ou bien refuser le sommeil. »
Commenter  J’apprécie          686




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Andreï Makine Voir plus

Quiz Voir plus

Hercule Poirot ou Miss Marple ?

L'affaire Prothero ?

Hercule Poirot
Miss Marple

15 questions
131 lecteurs ont répondu
Thème : Agatha ChristieCréer un quiz sur cet auteur

{* *}