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Critiques de Arturo Pérez-Reverte (1005)
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Deux hommes de bien

Nous sommes en 1780, et tandis que le siècle des Lumières s'épanouit à Paris, L'Espagne est encore soumis au joug impitoyable de l'inquisition qui, au nom de la tradition, de l'ordre et de la religion violente le sens commun jusqu'à l'aberration, et réfute toute avancée scientifique contraire aux principes divins. L'Académie Royale d'Espagne fait front pourtant, et décide l'acquisition de la fameuse Encyclopédie, la plus grande avancée intellectuelle des Lumières, tant abhorrée par les soutanes noires de ce XVIIIème siècle finissant.

Don Pedro et Don Hermogenes sont dépêchés à Paris pour ramener les précieux ouvrages. La tâche sera ardue pour nos deux héros, car les forces obscurantistes vont se liguer au jaloux, aux vaniteux, aux fanatiques rancuniers pour empêcher la réalisation de ce projet. Arrivés à Paris au terme d'un épuisant voyage, ils ne cesseront jamais d'osciller entre émerveillement, espoir, désillusions et grandes déconvenues.

Une autre histoire, toute aussi passionnante, vient s'imbriquer à l'intérieur de ce roman historique. Avec la sérénité et la mansuétude des vieux sages, Arturo Perez-Reverte nous raconte comment se construit son récit. Il nous parle avec chaleur de ses doutes, de ses intuitions, de ses repérages et de ses minutieuses enquêtes qui enrichissent et font avancer cahin-caha le récit. Un vrai trésor pour les apprentis écrivains !

Autant vous prévenir ! Il n'y a pas de grands drames dans ce roman, ni de chevauchées fantastiques, et nos deux héros vieillissants, fatigués, n'ont rien de tonitruant… Il faut accepter de cheminer lentement, voire même parfois de s'ennuyer un peu, comme s'ennuyèrent Don Pedro et Don Hermogenes durant leur interminable et inconfortable voyage entre Madrid et Paris.

Mais vous assisterez à la naissance d'une belle et forte amitié ; vous admirerez, pantois, des matins radieux ; dégoutés, vous vous boucherez le nez en empruntant une ruelle boueuse remplie d'immondices ; vous découvrirez la vanité faîte homme, et cette zone grise où se débattent les crapules ; vous soignerez avec tendresse un ami malade, et le regard aimant d'une femme vous laissera des souvenirs impérissables ; vous accompagnerez cette main tremblante qui caresse respectueusement la couverture d'un vieux livre ; vous sentirez tout le poids et la force d'une conviction ; lucide jusqu'au bout des ongles, vous saurez que le monde dans lequel vous vivez est déjà moribond…

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La Reine du Sud

La Reine du Sud est bien plus qu'un roman de plage car le cocktail « sea, sun and sex » introduit une intrigue pleine de rebondissements dont l'actrice principale est progressivement dévoilée grâce à la multiplication des narrateurs et des angles de vue.



Arturo Perez-Reverte, ici au sommet de son art, déroule un scénario parfaitement millimétré en exploitant les multiples ressorts d'un parcours qui nous entraine du Mexique à l'Espagne, via le Maroc en compagnie des narco trafiquants latino américains et européens, progressivement concurrencés par les maffias russes.



Nourri de références littéraires, ces pages nous font naviguer d'Edmond Dantés à Teresa Mendoza au milieu des requins et des enquêteurs états-uniens …



Une évasion idyllique au coeur de l'été qui m'a régalé.



PS : mon avis sur Le Cimetière des bateaux sans nom :
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Le tableau du Maître flamand

J'ai acheté l'édition poche il y a bien longtemps, attirée par la couverture : le fameux tableau de la partie d'échecs dont il est question dans le roman. Je ne connais pas grand chose aux échecs (le minimum pour comprendre le déplacement des pièces sur l'échiquier) mais j'adore la peinture et la curiosité m'a poussée à l'ouvrir. Comment un policier peut-il utiliser ces deux "ingrédients" ? Les personnages vont peu à peu se substituer aux pièces de l'échiquier et nous assistons à un habile jeu de miroirs. Le livre offre également plusieurs niveaux de lecture. Le résultat m'a beaucoup plu.
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Le Cimetière des bateaux sans nom

L'expulsion des Jésuites par le gouvernement espagnol ce Charles III le 31 mars 1767 succédait à leur bannissement par le Portugal en 1759, la France en 1764 et anticipait la suppression de l'ordre décrétée par le Pape en 1773.



La Compagnie de Jésus représentait tout ce que les Lumières combattaient : un ordre religieux, riche, aux nombreux collèges, au pouvoir incontrôlable relevant directement du Vatican. Paradoxalement Voltaire se fit leur avocat « Rien de plus contradictoire que d'accuser de morale relâchée des hommes qui mènent en Europe la vie la plus dure et qui vont chercher la mort au bout de l'Asie et de l'Amérique ».



Anticipant leur condamnation, les religieux espagnols affrètent au début de l'an 1767 le vaisseau Gloria Dei, embarquent à La Havane leur trésor et font voile vers Valence … mais à proximité de Cadix ils sont pris en chasse par le corsaire Chergui et coulés au large de Carthagène.



Deux siècles plus tard les chercheurs de trésors s'interrogent :

- Où précisément est l'épave ?

- Comment interpréter les cartes et témoignages de l'époque et déterminer la latitude et la longitude du naufrage ?

- Quel est ce trésor ? argent, or ou émeraudes ?

- Comment le remonter à la surface ?

- Par quel itinéraire quitter discrètement l'Espagne ?

- Comment monnayer les bijoux avec les réseaux d'Anvers en échappant au fisc et à la législation protectrice des épaves ?

- Et enfin comment refaire sa vie en profitant de la richesse ainsi acquise ?



Voici de quoi écrire un bon roman, me direz vous.



Ajoutez Tanger Soho dans un rôle de femme séduisante, intrigante et manipulatrice, Manuel Coy, officier de marine, interdit de navigation pour deux ans, Nestor Perona, maitre cartographe, Nino Palermo, une vraie crapule, et l'argentin Kiskoros, héros de la guerre des Malouines, voué aux gémonies à la chute de la dictature militaire dans les rôles principaux et confiez la plume à Arturo Pérez-Reverte et vous obtenez un chef d'oeuvre, de surcroit fort bien traduit par François Maspero.



Associant étude historique, recherche cartographique, intrigue policière à un immense amour de la mer et de la littérature maritime, « Le cimetière des bateaux sans nom » se lit et se relit au fil des années comme un des plus beaux romans espagnols contemporains.



PS : mon regard sur La Reine du Sud
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Deux hommes de bien

Arturo Pérez-Reverte est de retour avec un grand roman d'aventure qui fleure bon les péripéties et l'érudition.

Sous le règne de Carlos III, deux honorables membres de la Real Academia Española, le bibliothécaire Hermógenes Molina et " l'amiral" don Pedro Zárate, sont chargés d'acquérir les 28 volumes de L'Encyclopédie mis à l'Index par le clergé espagnol. Les deux Persans de Castille s'en vont par les chemins, impatients de découvrir Paris et ses merveilles tant vantées. Entre bandoleros, compagnons de voyage inattendus et accortes filles de salle, nos deux rats de bibliothèque sexagénaires se lient d'amitié et se lancent à corps perdu à la recherche des précieux volumes, sans se douter que dans l'ombre, un mystérieux sicaire à la solde des obscurantistes les suit à la trace.

A l'instar d'Usbek et de Rica, Hermógenes et Pedro observent, s'émeuvent, s'émerveillent et s'interrogent. Relativisme culturel et social, nous voici. Pérez-Reverte, comme Montesquieu, évoque les courtisans, les salons, les groupes sociaux, les femmes, et surtout les belles lettres. La recherche de l'Encyclopédie est en effet prétexte à ressusciter le Paris des gazettes et des cafés, des bouquinistes et des colporteurs, des ouvrages licencieux et des pamphlets. On y croisera Benjamin Franklin, Condorcet, D Alembert et la belle et érudite Madame Dancenis (Teresa Cabarrus?). Les hommes de bien sont ceux qui par les temps obscurs luttent pour offrir progrès et connaissance à leurs compatriotes. Les lumières françaises parviendront-elles à éclairer l'Espagne? A travers le périple de nos deux hommes de bien, Perez Reverte rend un magnifique hommage à Don Quijote et Sancho Pança, dont les lecteurs vont se délecter au fil des pages.

Ce roman qui mêle habilement personnages historiques et personnages de fiction nous offre donc un beau voyage vers l'esprit, ce qui est plutôt appréciable par les temps qui courent… s'il n'y avait le petit jeu auquel se livre Pérez-Reverte le diabolique. Le romancier se met en scène au début de chaque chapitre. Il est l'un des personnages de Hombres buenos, l'écrivain qui fait part des ses recherches documentaires, de ses entretiens avec ses collaborateurs, de ses voyages pour préparer le périple de ses héros….du méta-roman comme on l'aime, nous pauvres lecteurs avides de connaître par le menu la genèse d'un livre aimé….Mais...Comme il l'avait fait jadis avec les aventures du capitaine Alatriste, en révélant au lecteur qui ne demandait qu'à y croire, l'existence de fameux documents appartenant à Balboa et conservés à la Bibliothèque nationale, qui n'existaient que dans son imagination, l'auteur s'appuie sur des ouvrages dont certains n'existent pas, à commencer par les siens! Arturo Pérez-Reverte m'a bien eue, et j'ai aimé ça.
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Le tableau du Maître flamand

Vous aimez les peintures du Quattrocento, l'histoire de l'art, la restauration de tableaux, les parties d'échecs et les intrigues policières ? Alors lisez ou relisez au plus vite « Le Tableau du Maître flamand ». Arturo Perez-Reverte, son auteur, n'a peut-être pas signé ici son meilleur livre, si on le compare avec les « Aventures du capitaine Alatriste » (1996), mais dans cette œuvre à mi-chemin entre roman policier et roman historique, dans ce Grand Prix de la littérature policière (1993), l'auteur nous compte une histoire bien enlevée et sacrément documentée dont la fin pourrait vous surprendre.



L'histoire : Julia travaille à la restauration de « La Partie d'échecs », une œuvre peinte en 1471 par un flamand, Pieter van Huys. Elle met alors à nu cette petite inscription en latin, initialement masquée par l'artiste : « Qui a tué le cavalier ? ». Il s'avère que ni le propriétaire du tableau, ni l'ancien professeur d'histoire de l'art de Julia ne connaissaient l'existence de cette inscription. Le tableau, qui doit être mis en vente, représente un chevalier (un cavalier) jouant aux échecs avec un duc ; en arrière plan, la duchesse, vêtue de noir, tient un livre qu'elle semble lire. Vérifications faites, la dame serait en deuil du chevalier, son amant, tué d'un carreau d'arbalète deux ans avant la composition du tableau, et le duc pourrait avoir été au courant de la liaison de sa femme. Question : qui est l'assassin ? Pieter van Huys pourrait avoir incorporé la réponse à cette question dans la partie d'échecs que se jouent les deux hommes. A première vue, c'est assez évident : de jalousie, le duc a fait assassiner le chevalier. Mais est-ce que les apparences ne seraient pas trompeuses ? Étrange : la Mort frappe les uns après les autres ceux qui voudraient découvrir la vérité ! Je ne vous en dis pas plus.



Avec « Le Tableau du Maître flamand », Arturo Perez-Reverte a réalisé un livre très intéressant, et à plus d'un titre.



Au titre de l'intrigue policière : une construction habile qui promène le lecteur de personnage en personnage ; c'est plaisant, très typé, un peu manichéen sur les bords mais l'intrigue policière vous prend aux tripes tant elle fascine, avec un suspense qui dure jusqu'au bout (le livre fait 347 pages).



Au titre de l'histoire de l'art et des tableaux du Quattrocento : une description savante des moyens déployés pour fabriquer mais aussi pour restaurer aujourd'hui (page 71) ces œuvres d'art, les couches de peinture masquant parfois l'essentiel, lequel se dévoile grâce à la photographie aux rayons X. L'auteur nous fait au passage toucher du doigt quelques trucs des anciens maitres flamands : intégrer le spectateur ou intégrer des miroirs et des trompe-l’œil dans le tableau, de façon à brouiller la frontière entre la réalité et le tableau ou à présenter plusieurs niveaux de réalité, quitte (page 240) à présenter, comme dans les dessins d'Escher, un éternel retour vers le point de départ, le tableau étant dans un autre tableau qui ramène au premier tableau ... Le lecteur découvrira aussi les coulisses actuelles et parfois peu glorieuses de la vente de tableaux et la concurrence entre galeristes.



Au titre de la construction de l'ouvrage : l'écriture reste simple, spontanée, fluide, précise mais sans recherche particulière. De rares touches d'humour ponctuent l'ensemble. La fin, qui intervient après 14 chapitres de longueur assez similaire, paraitra téléphonée ou alambiquée : à vous de voir.



Mais, pour ma part, le livre se distingue par tout ce qui touche au jeu des échecs, le Roi des jeux. Avertissement : les non-joueurs d'échecs trouveront certains passages longs ou obscurs, bien que l'auteur, dans un souci louable de pédagogie, ait tenté à onze reprises de nous expliquer la progression de l'intrigue policière et des pièces du jeu au moyen d'un échiquier. Les joueurs savent que ce jeu nécessite logique, stratégie, rigueur et concentration ; ils reconnaissent (page 325) que gagner c'est prendre le dessus, alors que perdre c'est se soumettre. Ce jeu est inscrit dans la nature profonde de l'être humain. Ses côtés alternativement sérieux et ludique séduisent. Mais le pouvoir d'attraction du jeu d'échecs réside probablement dans ses spécificités. Petit rappel : deux adversaires se côtoient à un mètre de distance. Dans ce rapprochement mutuellement consenti, deux personnes, généralement de même sexe, vont s'affronter dans une vraie compétition : il s'agit de gagner, en s'adaptant à des situations parfois imprévisibles et en faisant preuve d'invention. Les joueurs, les Rois, sont au commande d'une équipe de soldats, sur un champ de bataille. Il y a des règles et des conventions (les joueurs ont le même nombre de pièces, les pièces se déplacent dans chaque camp de façon identique, les joueurs disposent du même capital-temps pour jouer chaque coup …) mais la liberté de manœuvre est permise, même s'il y a des comportements mimétiques (pour donner le change ou pour apaiser l'adversaire ?). Dans cette rencontre placée dans une même unité d'espace et de lieu, il va régner une certaine harmonie, et pourtant l'aventure commencera dès la première pièce jouée. Les Rois s'observent, en adversaire, mais ils conservent, comme aux temps de la chevalerie, une estime pour leur vis-à-vis : chacun essaiera de contrôler son émotivité et tâchera de se construire une identité temporaire de guerrier triomphant. Le contrôle du territoire et particulièrement du centre (un centre du monde, en réduction) reste essentiel. Au-delà du respect mutuel entre les joueurs, au-delà de cette symétrie de façade, l'un d'eux devra bien briser le miroir et tenter de pousser l'autre à la faute fatale et impardonnable qui scellera l'issue du jeu. Le perdant devra accepter la soumission ou abandonner la partie, ce qui revient à avouer sa faiblesse. A ce jeu, on rencontre essentiellement des hommes : quand un Roi triomphe d'un autre Roi, dans une symbolique œdipienne, certains psy ont reconnu que ça revenait à permettre qu'on tue le père d'une façon acceptable. D'autres ont fait observer que la relation entre les deux joueurs n'était pas une relation père-fils, que la Reine n'était ni la femme ni la maitresse phallique du Roi, que le Fou n'était pas fou puisque son déplacement répondait à des règles strictes … Certes, mais dans son livre « Le Tableau du Maître flamand », Arturo Perez-Reverte nous fait toucher du doigt, au-delà des jeux du meurtre, l'ambivalence des êtres, la fragilité du père, la réalité de l'homosexualité, le drame de certaines existences et … la puissance de la femme. Je vous le disais : un livre intéressant à plus d'un titre !
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Sans loi ni maître

Un titre espagnol qui évoque Norman Mailer, mais les chiens de Arturo Pérez-Reverte ne sont pas tous de vrais durs et s'ils sont bien sans loi ni maître, ils dansent bien souvent dans l'arène des combats organisés par les humains.



Negro est le héros narrateur du livre, il se dit peu intelligent, modeste sûrement, car ses analyses sont très réalistes et ses attitudes d'une grande finesse même s'il se présente comme un molosse peu cérébral.



Il a une âme Negro, de l'altruisme et de la compassion pour ses semblables, un goût de la vie inébranlable, même s'il a perçu celui du sang et de la mort. Il démontre beaucoup d'humour tout en traitant un sujet tragique pour la gente canine et ce n'est pas la moindre qualité de ce livre court, tout en densité de muscles et de poils, de canines acérées, de pelages déchirés, de garrots fracassés dans des arènes de sable et de sang.



Les chiennes sont très présentes aussi, le plus souvent en chaleur, demandant à être montées par des mâles paraissant quelquefois indifférents mais finalement disponibles.



On a même un groupe de chiens nazis aux noms évocateurs d'un régime qui les a utilisés de manière aussi dégradante que l'ensemble de son système écoeurant. Arturo Pérez-Reverte les présentent avec humour et le court passage les concernant rappelle très justement tous les dangers d'une idéologie que certains seraient prêts à rétablir sans bien la comprendre.



Les relations canines sont superbement développées, l'amitié, la tendresse et même l'amour entre chiens étoffent ce roman original, bien dans le style de son auteur que les lecteurs qui l'apprécient savoureront une nouvelle fois avec plaisir.
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Falcó

Falco est un salopard de la pire des espèces, un de ces personnages sulfureux qu'adore la littérature de gare ou de salon. Il y a tellement plus à raconter sur les belles ordures que sur les vertueux, les honnêtes, les droits, les saints, ceux qui ont des convictions, qui sont taillés d'une seule pièce (ou qui veulent le faire croire) … Les écrivains ont de la matière avec eux : ils peuvent aller fouiller sans vergogne dans leurs zones d'ombres, leurs fêlures, leur cynisme, leurs doutes et leurs innombrables trahisons…

Falco est un aventurier des causes tordues. Nous sommes au début de la guerre d'Espagne, une de ces périodes chaotiques et de fuite en avant où tous les « Falco » du monde peuvent s'en donner à coeur joie et se comporter comme des loups avides et dangereux. Recruté par les fascistes espagnols, il est envoyé en mission à Alicante afin d'organiser la libération du leader phalangiste José Antonio Primo de Rivera emprisonné par les Républicains (ils finiront d'ailleurs par le fusiller).

Ce livre ne nous apprendra rien de plus sur la guerre, la peur et l'odeur métallique du sang. Nous savons déjà que celle d'Espagne fut horrible car elle opposa « deux barbaries parallèles les plus criminellement disciplinées ». Et si les fascistes emportèrent la partie, c'est parce qu'ils se montrèrent encore plus résolus dans la répression planifiée des opposants…

Mais ce livre est écrit par le talentueux Arturo Pérez-Reverte qui n'a pas son pareil pour décortiquer les âmes tourmentées de ses héros. Falco est un salaud lumineux qui regarde avec une pointe d'ironie et de chagrin toutes ces femmes et ces hommes prêts à se massacrer au nom d'une patrie, d'un drapeau, et de convictions qui n'auront plus grand sens dans la boue et le sang. Et n'allez surtout pas croire que Falco, homme sans foi ni loi, n'a pas de loyauté. Il en a bien une, mais ni les rouges, ni les fascistes ne pourront jamais la comprendre.

Un très bon livre. Âpre et noir. Très noir.



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Sidi

Chacun cherche son Cid, et Pérez-Reverte a créé le sien, un Campeador meneur d'hommes qui bataille le long de la frontière du Duero.

Rodrigo Díaz de Vivar a dû quitter la Castille après une brouille avec le roi Alphonse VI, et c'est suivi d'une troupe d'une cinquantaine de fidèles qu'il offre ses services aux souverains chrétiens ou musulmans.

Le récit débute sur l'incursion du Cid et de sa troupe en territoire hostile. Des notables de la ville d'Agorbe les ont payés pour pourchasser et tuer des pilleurs maures. Pour gagner sa vie, il entre ensuite au service de la Taïfa de Sarragosse, sous les ordres d'al-Mutamán qui mène campagne contre son frère Mundir, gouverneur de Lérida, allié au comte Berenguer Ramón II de Barcelona ainsi qu'au roi d'Aragon Sancho Ramírez.

Commence alors la geste épique du Cid, qui après avoir pourchassé des petites troupes le long du Duero livre de grandes batailles dans la vallée de l'Ebre: Monzón, Tamarite et surtout Almenar, où il capture le très arrogant comte Ramón Berenguer II.



Sidi n'est qu'un épisode dans la longue et captivante existence de Rodrigo Díaz de Vivar. Mais quel épisode! On retrouve dans ce roman le Pérez-Reverte que l'on aime, celui des batailles, de la soldatesque, de la complexité des jeux politiques.

L'auteur déboulonne le mythe franquiste du Cid croisé boutant le maure hors d'Espagne.

« Sólo soy un hombre de la frontera », déclare El Campeador, et cette phrase symbolise bien le roman. Car frontière il y a, en ce XIème siècle, des territoires chrétiens, des taïfas musulmans, des pauvres gens qui tels des pionniers de la conquête de l'ouest s'installent dans des no man's land entre des frontières mouvantes et fluctuantes pour travailler la terre, et se retrouvent à la merci de mercenaires, de pillards, de maures arrivés d'Afrique..Mais cette frontera qui a fait l'Espagne est infiniment plus complexe puisque les maures ont des alliés chrétiens, et les chrétiens des protecteurs maures, et que le Cid combat tantôt les uns, tantôt les autres…



Sidi est donc est une geste guerrière, un western médiéval avec sang et poussière, qui montre la fulgurante évolution d'un petit nobliau de province qui devient peu à peu un fin stratège, un meneur d'homme respecté des maures (qui le surnomment Sidi Qambitur) et des chrétiens, un homme d'honneur en ces temps agités. Le récit est riche de scènes d'actions, et de dialogues, pétri de vocables latins, castillans, arabes. Sidi est la naissance d'une légende. Le lecteur savoure le dialogue final entre le prisonnier Ramón Berenguer II et Díaz de Vivar et apprécie l'anecdote liée à Tizona , selon la légende, l’une des épées lui ayant appartenu (avec Colada). Ce n'est pas le portrait triomphant et manichéen du héros de la Reconquista, c'est le parcours d'un homme intelligent à l'aura grandissante quelques mois après son expulsion de Castille sur ce que fut la Frontera au XIème siècle.
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Le tableau du Maître flamand

Le tableau du maitre flamand est un livre machiavélique ! Une fois sa lecture entamée, impossible de poser ce livre car l'intrigue est vraiment très prenante.

On est happé des le début de l'histoire par le mystère qui plane autour de cette toile de maitre en train d'être restaurée et qui semble susciter bien des convoitises et des interrogations.

Ce livre développe une intrigue qui mêle habillement l'histoire avec les vingtième siècle.

L'auteur a su créer une ambiance particulière, qui ajoute à la particularité de ce roman pas comme les autres!

Je pense que les non joueurs d'échecs peuvent trouver ardues certaines parties qui sont assez techniques , mais cependant cela ne m'a pas empêché d'apprécier tout le talent et la maitrise d'Arturo Perez -Reverte
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Club Dumas

Prévenons d’emblée que « Club Dumas ou l’ombre de Richelieu » n’est pas un authentique roman policier et que son intrigue décevra les amateurs du genre qui s’orienteront vers « Eva » ou « La Reine du sud », deux réussites du même auteur.



« Club Dumas », comme tout club qui se respecte, est réservé à un cercle restreint, ici l’amicale des lecteurs d’Alexandre Dumas et des romans feuilletons du XIX siècle. Si vous admirez les Trois Mousquetaires ou Scaramouche voire Rocambole ou Fantômas, si vous souhaitez découvrir ou mieux connaitre ces héros, votre cooptation au sein du club est envisageable. Si de plus vous êtes fan d’Irène Adler et fréquentez Baker Street, votre cooptation est incontestable.



Les bibliophiles se délecteront au fil des pages en observant coiffes, filets, mors, nerfs, plats, en chassant les éditions originales, en décryptant les envois, les ex libris et en flânant sur les quais parisiens parmi les étals des bouquinistes.



L’énigme est de taille : le manuscrit du soixante deuxième chapitre (le vin d’Anjou) des Trois Mousquetaires a-t-il été retrouvé ? Est il de la main d’Alexandre Dumas ou de celle d’Auguste Maquet, l’un des quarante cinq nègres ayant contribué aux six cent cinquante livres signés par Dumas ? Et notre cher Alexandre était il passionné d’ésotérisme ? Question d’initié qui interpelle l’auteur troublé par la bibliothèque de Richelieu largement pourvue d’ouvrages consacrés aux sciences occultes …



Et parmi ces ouvrages machiavéliques, « Les neuf portes » dont l’imprimeur fut brulé par l’inquisition, l’année où mourut d’Artagnan, est activement cherché par plusieurs bibliophiles. Trois exemplaires existeraient avec des variantes sur les gravures … commence alors un jeu des sept erreurs qui ne m’a pas particulièrement passionné mais m’a enseigné les « best pratices » pour « effacer » les tampons de bibliothèques et « réparer » les signes particuliers servants aux assureurs et policiers à identifier les originaux.



L’ombre de Richelieu ne doit pas masquer l’intérêt de ce roman espagnol qui se déroule en grande partie en France et encense nos romanciers populaires de la seconde moitié du XIX siècle.



Un bel hommage à Alexandre Dumas, Pierre Alexis de Ponson du Terrail et Rafael Sabatini qui régalera leurs lecteurs ou donnera envie des les découvrir aux Babeliotes qui n’auraient pas encore postulé pour être intronisé au sein du « Club Dumas ».



PS : pour découvrir Eva
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Deux hommes de bien

Vers 1780, « Deux hommes de bien », deux hommes choisis, à l'issue d'un vote, par leurs pairs de l'Académie Royale espagnole avec pour mission de gagner Paris et rapporter l'édition originale en 28 volumes de l'Encyclopédie :

l'un, bibliothécaire de l'Académie, don Hermógenes Molina que ses amis appellent don Hermès, est un « petit homme rond, débonnaire, veuf depuis cinq ans. Latiniste émérite, dont la traduction des « Vies parallèles » de Plutarque a été un sommet des belles lettres espagnoles…. Peu soucieux de son apparence, sa barbe drue …. assombrit un visage dans lequel des yeux marron, pleins de bonté, fatigués par l'âge et les lectures, semblent contempler l'univers avec une certaine désorientation et un étonnement poli. »

L'autre, Amiral à la retraite, entouré de ses deux soeurs restées célibataires qui prennent soin de lui, Pedro Zárate y Queralt « a une réputation d'homme renfermé et excentrique »

Il est l'auteur d'un important dictionnaire de marine, « est grand, mince, encore fringant, avec un comportement rigide, presque sévère. Ce qu'il y a de plus remarquable, dans son visage, ce sont ses yeux bleu clair, très aqueux et transparents, qui regardent le plus souvent ses interlocuteurs avec une fixité vite inquiétante, quasi insoutenable. »



Deux hommes très différents que cette aventure, dans laquelle ils se trouvent embarqués sans l'avoir voulu, vont rapprocher. Une amitié, une profonde estime malgré leur divergence de point de vue va progressivement les lier.



A travers leurs yeux, nous allons découvrir cette époque des lumières, ce XVIIIe siècle finissant des libertins où l'insouciance, l'art de la conversation dans les salons et la légèreté d'une vie privilégiée ne va pas tarder à s'effondrer sous la violence de la révolution qu'ils n'auront pas vu venir.

L'abbé Bringas qui accompagne nos deux compères dans leur quête de l'Encyclopédie et leur exploration de Paris, « parfait exemple de la rancoeur pré-révolutionnaire, était un de ces pseudo-philosophes frustrés et radicaux ».

Cet homme plein de cynisme et de rancune saura leur montrer le fossé qui existe entre les petits marquis poudrés et les belles dames cultivées tenant salon de la rive droite où les rues sont sécurisées et éclairées et la noirceur de la rive gauche où règne la misère, où les gens vivent dans la saleté et l'insalubrité, où va pouvoir se développer le ferment des révoltes sanglantes à venir qu'il suffira de canaliser et exacerber, rôle dévolu à la presse et aux écrivains.

« Le devoir de ceux qui manient la plume, notre devoir philosophique, est de démontrer qu'il n'y a pas le moindre espoir. De mettre l'être humain face à sa désolation. C'est alors seulement qu'il se lèvera pour demander justice et vengeance. »



Dans l'ombre rôde un autre homme, Pascual Raposo, homme de main chargé de suivre les deux voyageurs, chargé par deux académiciens opposés à l'entrée de l'Encyclopédie en Espagne, de faire échouer cette expédition. A Paris, il s'octroiera, moyennant paiement, les services de Milot, flic vénal.



Une certaine naïveté va faire tomber nos deux compères dans bien des traquenards. Mais sachant dès le début qu'ils ont réussi à ramener l'Encyclopédie à bon port nous profitons pleinement de ce périple parfois rocambolesque et cocasse.



Perez-Reverte, lui-même académicien, nous raconte sa découverte des 28 volumes. Intrigué par la présence en ces lieux de cette première édition de l'Encyclopédie l'auteur est conduit à poser des questions à son entourage et, et…suite à ses premières recherches : « Alors, tout à coup j'ai su quelle histoire je voulais raconter Elle est venue tout naturellement, structurée dans ma tête tel un exposé, avec intrigue et dénouement : une suite de scènes, de cases vides à remplir. Il y avait un roman en marche, et sa trame m'attendait dans les recoins de cette bibliothèque. »

C'est ce roman en marche, ces recherches bibliographiques et autres qu'il va nécessiter au cours de sa mise en forme, que l'auteur va nous faire partager en prenant un malin plaisir à mélanger le vrai et le faux. Il offre ainsi à ses lecteurs de participer parallèlement à la lecture du roman, à l'aventure non moins passionnante de son façonnage par l'écrivain.

La lecture de ce livre se double alors d'un jeu de piste qui éveille la curiosité et donne envie d'aller faire, comme l'auteur, nos propres recherches.

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Eva

Débutant comme un SAS commis par Gérard de Villiers pour valoriser MALKO et son légendaire harem, cette nouvelle aventure de Lorenzo FALCO nous mène à Tanger où s'affrontent, lors de la Guerre d'Espagne, un cargo républicain et un destroyer nationaliste.

Dans ce port neutre, FALCO est plongé dans un enfer de trahison, de corruption, de torture, où sexe, alcool, drogue et fric forment un cocktail glauque qui permet à l'auteur de brosser le calvaire des anatoliens exterminés en 1922 par les turcs, puis celui des espagnols en 1936 et 1937.



Le décor étant dessiné, FALCO et la diabolique/divine EVA, passent assez vite au second plan, et les deux commandants QUIROS et NAVIA se respectent et s'affrontent dans un conflit croissant dont le paroxysme est le chapitre 15 « chacun fait ce qu'il peut » où Arturo Pérez-Reverte démontre une rare finesse psychologique et peint l'opposition entre deux conceptions de l'Espagne, deux conceptions du devoir.



La question pour chaque membre des deux équipages est qu'il est plus facile de faire son devoir que de le connaître … ils se retrouvent cote à cote lors d'une rixe contre les anglais … avant de se retrouver face à face dans une aube brumeuse et mortelle. Duel idéologique qui évoque quelques récits De La Varende …



Ces pages n'ont pas fini d'interpeller :

• Qu'aurait fait le lecteur à Tanger en 1937 ?

• Qu'aurait il fait à Mers el Kébir ou à Dakar en 1940 ?

• Qu'aurait il fait à Alger, Bizerte, Casablanca en 1942 ?

• Ou lors du sabordage de Toulon ?

• Et aujourd'hui où sont notre honneur et notre patrie en Méditerranée ?



Merci au Seuil de m'avoir offert ce livre inoubliable lors d'une masse critique.
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Le peintre de batailles

Faulques subit une mutation. Il passe de Photographe de guerre à Peintre de batailles. Mais n’est-ce pas le même processus que l’apparition de l’image lors du développement de la pellicule et l’élaboration de la peinture ? Pourquoi Faulques s’est-il réfugié dans cette tour du sud méditerranéen ? A quoi bon reproduire cette large fresque ? Immortaliser les batailles en clouant ça et là et pour l’éternité tous ses morts. Enfin ! Ceux du moins qu’il a vus, de visu, tous ceux qui sont apparus dans la cible redoutable de son objectif. Nous sommes dans la crique d’Arráez en Espagne où les vagues affleurent à flanc de rocher. Faulques s’immobilise de temps en temps pour écouter la mer, le ressac, puis il s’échine sur cette paroi circulaire de la tour ou il restitue au pinceau chacun des personnages. Il dépose ici les armes, luisantes, le froid métal gris, la terre, avec ses ocres, terre de sienne, ses rouges pour le feu, les explosions, toutes ses nuances de gris pour le ciel. Il n’y a pas de bleu ni d’azur dans le chaos. Pourtant, le soir venu, quand le soleil se couche, la fresque immobile s’anime et des couleurs flamboient en balayant les visages et les corps, dévoilant chaque détail de la ville incendiée, de la lueur métallique des armes et de cette fissure qui traverse la fresque en accentuant, comme un cri, l’expression de la mort sur les visages et les corps gisant à terre, dans la position intimée de la chute. Une femme en son centre, cuisses légèrement ouvertes, baigne dans son sang et à côté d’elle, un enfant, le sien peut-être, où un autre, mais qu’importe. Une image qui peut-être symbolise la naissance ou la mort, mais d’un certain point de vue, les deux. L’espace-temps qui se fond à une seconde près, juste avant la vie et peu après la mort, une fraction du temps qui se rejoint.

Faulques s’interroge sur le chaos. Y a t-il un ordre dans le chaos comme il y en a un dans le désordre ?

Puis un jour, arrive Ivo Markovic, le croate. Il lui rappelle la guerre en Bosnie et d’une certaine façon, la sienne aussi. Il lui demande des comptes, des explications. Markovic a été torturé et sa famille exterminée à cause d’une photo qu’il a prise. Une photo qui a fait le tour du monde et pour laquelle Faulques à reçu une récompense. Celle qui a constitué la preuve et le moyen pour les Serbes d’atteindre Markovic pour lui faire subir des représailles. Aujourd’hui, Markovic affronte Faulques dans un langage correct, mais sans concession. Il lui raconte froidement sa guerre et il exige en retour des réponses sur sa part de responsabilité, à lui, le photographe. Il sait parfaitement qui est Faulques et s’il ne modifie en rien la teneur de ses propres agissements, il sait comment l’atteindre et l’amener où il veut. Il y avait une femme aussi là-bas. Une femme blonde que Faulques a photographiée, quand elle est tombée, elle aussi. Une photo qui n’a jamais été éditée, cependant.

À la question est-ce qu’il paye pour faire ses photos ? Faulques répondra non, même s’il prend en photo des exécutions, même s’il choisit la meilleure, cet homme droit, les yeux bandés qui reste brave et cet autre qui le regarde, indigné ; même s’il vomit en d’autres circonstances, vers d’autres contrées, quand il entend les cris des suppliciés, attachés et livrés aux crocodiles, il les a, sur ses clichés.

Markovic nie, lui. Non ! Il n’a jamais violé de femmes. Une fois, ils sont intervenus dans une famille, ils ont torturé, malmené un enfant handicapé. Un enfant qui riait, qui ne pouvait pas comprendre... Quand ils sont sortis, ils sont restés silencieux, gênés, longtemps sans se regarder. Alors pourquoi ! Pourquoi ! Il faisait partie du groupe. Il y avait des codes. Il ne pouvait pas... Au nom du groupe... Au nom de la guerre... Les hommes parlent, ils s’affrontent, ils se confondent.

Au début, Faulques cherche une arme, il visionne dans sa tête toute éventualité d’un combat, puis il se ravise, se sent ridicule et finalement, il accepte l’échange. Mais, quand Markovic s’en va, il se sent libéré. Pourtant, le lendemain, il se surprend à l’attendre. Il ressent ce besoin de sa présence. Mais qu’est-ce alors qui le lie au croate. Sinon l’histoire. Cette monstruosité qu’est la guerre, toutes ces images qui sont gravées dans sa tête, des instantanés effroyables qu’il ne peut partager avec personne, sinon lui, un pareil à lui-même, Markovic.

Une fois, poursuit le croate, il y avait un garde Serbe qui s’offrait un jeune bosniaque de dix-sept ans. Le gamin nous donnait toujours quelque chose, du chocolat, des cigarettes... Visiblement, il recherchait notre amitié. Pourtant, ils l’ont agressé à plusieurs....

Un homme qui recherche de l’amitié, en temps de guerre, ça existe, quel que soit le camp dans lequel il se trouve.

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Je cite p.115 : C’est - en ne tenant pas compte de Gödel - comme les équations mathématiques : elles possèdent une telle sûreté, une telle clarté, une telle inévitabilité, qu’elles procurent un soulagement intellectuel à ceux qui les connaissent et qui s’en servent. Pour moi, ce sont des analgésiques. Ainsi, c’est cet effort de compréhension qui nous sauve en ce qu’il nous ré-humanise en transformant l’horreur absurde en lois sereines.

Alors, il ne tient qu’à nous d’appliquer ce concept des mathématiques aux sciences humaines.

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Arturo Perez-Reverte ne nous édicte pas de ligne de conduite, il nous éclaire seulement et nous livre bataille, mais aussi au travers des grandes œuvres telles que Goya « Duel à coups de gourdin », Picasso avec « Guernica », Carducho « la Victoire de Fleurus », la fresque d’Orozco pour nous peindre ce roman avec en plus, une note esthétique.

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L'ombre de l'Aigle

Lu en v.o. La sombra del aguila.





Du Perez Reverte dans sa meilleure veine. Il a l'art de se servir d'evenements et de faits historiques reels, qu'il deplace dans le temps et dans l'espace, qu'il chamboule, deforme, corrige et adapte, pour nous refiler ses idees et ses convictions, dans des recits dramatiques, des fois a grand suspense et des fois, comme dans ce cas-ci, pleins d'humour, et toujours en un style fluide et alerte.





Ici il reprend l'histoire d'un regiment espagnol de la Grande Armee napoleonienne, le regiment Jose Bonaparte, et l'accomode, l'assaisonne a sa maniere. Un regal.



Le regiment Jose Bonaparte etait compose d'espagnols plus ou moins enroles de force, qui, ayant pris connaissance des soulevements en Espagne de 1808, essayerent se deserter. Une partie reussit a passer en Angleterre et le reste, durement puni, fut force de prendre part a la campagne de Russie. Dans une des batailles ils essayent encore une fois de deserter et de passer aux russes, mais le commandement francais se meprend sur leurs intentions, et croyant a un acte d'heroisme, declenche une charge de cavalerie qui reussit a faire reculer les russes et detruit ainsi les espoirs de ces espagnols.





Perez Reverte s'invente une bataille fictive ou il introduit, en plus de cet episode, la celebre charge de Murat a Eylau. Ce sont les espagnols qui racontent leurs deboires, a leur maniere, et dans leur langage populaire. Y transparait leur haine du “petit nain", du “petit connard” (“el petit cabron”), en fait de tous les francais, ce qui a l'epoque devait etre la regle. Les generaux et marechaux d'empire sont tous ridiculises, meme ceux de qui ils reconnaissent la bravoure: “Murat, todo bordados y floripondios, con una capacidad mental de menos quince pero valiente como un toro español”. (Murat, tout en broderies et fioritures, avec une capacite mentale de moins quinze mais courageux comme un toreau espagnol). Les espagnols ne se sauvent pas non plus de la verve de l'auteur: “Un pays ou il n'y a pas deux qui prennent le café a la meme mode, seul, coupe, court de café, long, double, au lait, pour moi une menthe. Ou les cures se retroussent la soutane, tirent a bout portant et professent qu'expedier (au ciel) des franchouzes n'est pas peche. Ou le passe-temps national consiste a gratifier d'un coup de couteau le premier qui tourne le coin" (ma traduction).





En fait l'auteur, en ridiculisant les hauts commandements qui restent a l'arriere avec leurs cartes et leurs longue-vues, en drapant les actions les plus dangereuses d'un cachet saugrenu, presque absurde, heroi-comique, rend un certain hommage aux soldats du rang, ces eternels sacrifies, l'eternelle chair a canon. Il mene un requisitoire sans compromis contre la guerre, contre toute guerre. Et cela en un texte ou la saveur des parlers et le cocasse des situations devient d'un comique irresistible. On sourit a chaque page. Et au bout d'un moment a chaque page l'horreur est de plus en plus presente. Mais on continue a sourire, tout en etant conscient du message, de la charge (a la Murat) contre les causeurs de guerre.



Une grande reussite de Perez Reverte. J'ai presque deplore que ce soit si court.



Et avant que j'oublie, merci, Pecosa.

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L'ombre de l'Aigle

Publié en 1993, L'ombre de l'Aigle parait enfin en France dans quelques mois (même s'il existe une adaptation en bande dessinée datant de 2017 par Ruben del Rincon). Mieux vaut tard que jamais pour cet excellent et court roman signé Arturo Pérez-Reverte sur un épisode méconnu des guerres napoléoniennes.

Peu avant la bataille de la Bérézina, le 326 ème bataillon d'infanterie formé par d'anciens prisonniers espagnols enrôlés comme chair à canon dans les armées françaises projette de déserter. Lors de la bataille de Sbodonovo, en 1812, il tente de rejoindre les lignes russes pour se rallier à leurs troupes. Mais l'ombre de l'Aigle plane sur la bataille. du haut d'une colline, Napoléon observe ce mouvement aussi soudain qu'incompréhensible - "'¿Alguien puede decirme que diantre es eso?"- et se méprend sur leurs intentions. Il en perd sa longue-vue lorsque son Etat-Major lui signale que les braves sont Espagnols puis ordonne à Murat d'appuyer ces héroïques soldats avec une charge de cavalerie.

Le "nous" de la narration est celui du 326 ème, du petit peuple espagnol, qui tente de faire ce que son honneur lui dicte en désobéissant aux ordres si nécessaire.

Le récit de la bataille de Sbodonovo par Arturo Pérez-Reverte ne s'inscrit pas dans une geste épique, glorifiant le sacrifice et les hauts faits d'armes. Il symbolise les paradoxes et les aberrations de l'Histoire. En 1812, L'Espagne est en proie à la guerre d'Indépendance et quelque part en Russie, sans le savoir, un bataillon attendrissant, solitaire, pathétique se bat pour la gloire de celui qu'il déteste. le seul lien qui unit le 326 ème à son oppresseur est une simple longue-vue, prolongée par un doigt légendaire mais il va suffire à décider une nouvelle fois de sa destinée. Dans L'Ombre de l'Aigle, la langue est populaire, drôle, inventive. le premier chapitre, "Le Flanc droit" qui présente l'Etat-Major français est remarquable de causticité et d'humour. Les Espagnols se souviennent de leur odyssée à travers l'Europe et n'ont qu'une envie, rentrer chez eux, malgré les "franchutes", les "gabachos", les maréchaux d'Empire et toute la clique. Napoleon est "El enano", "le petit cabron", Murat est décrit comme une tête brûlée désireuse de se faire pardonner sa brillante gestion des troubles du 02 de mayo -"Esto lo arreglo yo con dos escopetazos, Sire"- qui se retrouve finalement à la tête d'une des plus célèbres charges de cavalerie de l'Histoire. Tout ça grâce à un bataillon "qui avait moins d'avenir que Marie-Antoinette le matin où on lui coupait les cheveux à la Conciergerie" mais qui essayait de passer à l'ennemi "con dos cojones".



Paru en 1993 dans le journal El País alors que Arturo Pérez-Reverte couvre la guerre de Bosnie, La sombra del águila porte un regard lucide sur une période que l'Espagnol affectionne et qu'il connaît bien. le romancier qui a longtemps oeuvré comme correspondant de guerre fait preuve d'un certain nihilisme et malmène les grands figures de l'histoire pour glorifier le peuple et la soldatesque. Il nous livre en une centaine de pages un récit hommage aux romans d'aventures du XIXème siècle (émaillé de clins d'oeil discrets à Guerre et paix) teinté d'humour caustique et d'ironie mordante. de la belle ouvrage sur une période chère au romancier, qu'il avait déjà abordée avec le Hussard (1986), et qu'il évoquera par la suite dans Cabo Trafalgar (2004), Un Jour de colère (2007) et Cadix ou la diagonale du fou (2010).
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Le tableau du Maître flamand

Parfois j'aimerais me retrouver dans la tête d'un auteur lorsque germe l'idée d'un scénario afin de comprendre le processus créatif mais surtout sa genèse.



Capter cet exact moment où les grandes lignes s'enchaînent dans sa tête opérant la magie des idées qui se succèdent pour former un récit cohérent qui ensuite sera lu par des milliers de personnes.



Arturo Perez-Reverte, cette fois-ci a simplement regardé un tableau de Pieter van Huys.

La simple vue de cette oeuvre a éveillé son imaginaire pour saisir et développer l'intrigue qui a pu donner vie à la scène couchée sur la toile depuis 5 siècles.



Et il ne fait pas dans la facilité car à sa maîtrise de l'histoire de l'art flamande s'allie une grande connaissance des échecs.

Et sa touche personnelle c'est de rendre fou le lecteur !! Comme dans Cadix, où la diagonale du fou, Perez-Reverte se donne à coeur joie dans l'art de jouer des tours abracadabrants appuyés tout de même sur son amour des mathématiques.



L'auteur espagnol adore explorer les méandres de la psyché et dans ce décor original et dense il va exceller.

L'écriture est toujours chargée d'intelligence et la notion d'immortalité d'une oeuvre d'art est pleinement abordée.



Seul bémol pour moi lectrice dont les connaissances sur les échecs se limitent à la série le jeu de la dame sur Netflix : les longues descriptions sur les stratégies et la théorie des jeux qui devient un peu rébarbative au détriment de l'épaisseur qu'il aurait pu rajouter aux personnages.





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Deux hommes de bien

Perez Reverte rend hommage dans ce livre a l'Academie Royale Espagnole, de laquelle il fait partie depuis 2003, et fait l'eloge du rationalisme et de cet heritage de lumiere que nous ont legue les encyclopedistes francais.





Au 18e siecle deux hommes de bien, deux academiciens espagnols, le bibliothecaire et philologue Hermogenes Molina et le brigadier (“l’amiral”) Pedro Zarate, auteur d'un dictionnaire de marine, sont envoyes par l'Academie a Paris pour en rapporter un exemplaire complet de l'Encyclopedie. Mais en l’Espagne de l'epoque nombreux sont les opposants a l'esprit des lumieres, menes par l'Eglise, qui essaieront de tout faire pour empecher la reussite du voyage et du projet. La mission des deux hommes sera donc pleine de contretemps, de menaces, de pieges, et deviendra une dangereuse aventure.



Cela donne une intrigue – bien qu'on soit averti depuis les premieres pages que tout va bien finir – pleine d'action, de peripeties de toutes sortes. Doublee de fideles ou imaginees descriptions des differents quartiers du Madrid et du Paris de l'epoque (et de la differente ambiance qui y regne), aussi bien que des routes et des paysages qui les relient. Triplee de discussions d'idees, sur l'organisation ideale de la societe et de son gouvernement, et sur la force du savoir et de la culture, en ce temps pre-revolutionnaire. Quadruplee des confidences de l'auteur sur les recherches qu'il a mene pour ecrire ce livre, ses errements, ses vacillations. Parce qu'il se met en scene a chaque chapitre, a chaque etape, citant ses sources, que ce soit des membres de son academie qu'il interroge ou des livres anciens qu'il consulte. Et ce travail de l'auteur s'imbrique tres heureusement dans l'intrigue et lui permet d'avancer.





Perez Reverte cite donc enormement (encore une fois, ca ne gene aucunement la lecture). Des livres, des personnes. Tellement qu'en fin de lecture j'ai ete pousse a essayer de remonter ses sources. Pour les livres c'est pratiquement impossible, mais il est clair que beaucoup (la plupart, et ce n'est pas que mon avis) sont inventes. Meme des livres dont il serait lui-meme auteur. Pour les personnes il s'est franchement amuse. Les academiciens historiques qu’il met en scene sont un pur produit de son imagination, bien qu'ils rencontrent a Paris des noms connus comme D'Alembert et Benjamin Franklin, et d'autres personnages reels (meme si caches sous de faux noms, comme l'abbe Bringas qui les aide dans leurs recherches et qui n'est surement autre qu'Andres Maria Guzman, un espagnol exile en France qui prit part a la revolution et finit guillotine en 1794).





Par contre les contemporains qu'il dit avoir consulte sont tous des personnes reelles, des academiciens comme lui, les philologues Gregorio Salvador (qu'il admire et a qui il dedie le livre, entre autres) et Dario Villanueva; l’historien de la litterature Francisco Rico (qu'il egratigne au passage, le representant tres imbu de lui-meme); Victor Garcia de la Concha, le directeur honoraire de l'academie; l'historienne Carmen Iglesias, qui servit de precepteure au roi Felipe VI; le physicien et historien des sciences Jose Manuel Sanchez Ron; le professeur de droit Santiago Munoz Machado. De plus, un ancien academicien, decede avant que Perez Reverte ne finisse son travail, l'amiral Eliseo Alvarez-Arenas, a qui est aussi dedie le livre, a vraisemblablement ete le modele pour le personnage de l’amiral Zarate. C'est donc un clair hommage que l'auteur rend a l'academie, aux hommes qui en ont occupe les fauteuils par le passe et a ceux qui les occupent a ses cotes par le present. Et il sait, de cette meme facon, remercier la libraire qui l'a aide dans ses recherches, elle aussi reelle, la francaise Michele Polak, qui anime a Paris une renommee librairie de voyages.





Bon, apres avoir donne libre cours a mes manies de detection et d'enumeration, il me faut revenir a mes impressions de lecture. J'ai beaucoup aime le cote aventure, que l'auteur maitrise depuis longtemps; j'ai ete charme par son elegance a se mettre en scene; j'ai ete fascine par son habilete a ventiler des idees, sans devenir indigeste. Pour Perez Reverte les idees des lumieres sont d'actualite, aujourd'hui plus que jamais. Et il se bat pour elles, en Don Quichotte moderne.



Don Quichotte? Mais oui, j'y suis, les deux heros, l'amiral a la belle prestance et le philologue rondouillard! Bon flan mais c'est bien flur! Le chevalier de La Mancha et son ecuyer, son fidele Sancho Panza, tout craches! C'est leur revanche! Ils s'en sortent bien pour une fois! Decidement, on est en plein jeu. Pas un jeu d'enfant mais tout aussi absorbant. Laissez vous tenter, le jeu en vaut la chandelle. Et bien plus (parce qu'on apprend entre autres ce qu'a ete la guerre des braguettes; pas ce que vous avez l'air de penser).

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Le Hussard

Arturo Perez-Reverte, journaliste de guerre, écrit en 1983 son premier roman sous le patronage littéraire de Céline et de son "Voyage au bout de la nuit" : il y dénonce la guerre en général à travers le prisme particulier de la Guerre d’Espagne, ce bourbier sans nom qui sonna le glas des ambitions de Napoléon…

J’ai cru que les personnages de l’aristocrate provençal Michel de Bourmont et du roturier alsacien Frédéric Glüntz allaient reprendre les rôles de Brett Sinclair et Daniel Wilde de "The Persuaders!" / "Amicalement Vôtre"… Oui mais non, en fait tout est raconté du point de vue du jeune Frédéric qui est venu en Espagne dans le corps prestigieux des hussards pour récolter honneur et gloire. En quelques heures, toutes ses certitudes vont voler en éclats et il ne va récolter que douleur et folie avant de SPOILER… Pas mal de points communs donc avec le film "Bruc", une œuvre de Daniel Benmayor que j’aime beaucoup qui mais semble être à la fois autant méconnue que mésestimée, où les résistants catalans et les soldats napoléoniens qui se voyaient les uns comme les autres comme des héros nationaux ne récolaient finalement que peines et douleurs dans un survival ou chacun lutte pour sauver sa peau…

L’auteur espagnol est donc très couillu d’avoir abordé un moment douloureux de son histoire nationale en racontant le destin de personnages appartenant à l’envahisseur honni. Ça rend finalement l’ensemble plus humain, voire carrément universel, en évitant les écueils du manichéisme, du nationalisme et du chauvinisme. L’histoire courte et intense, bien plus proche de la nouvelle que du roman, est un impitoyable compte à rebours et le chapitrage reflète bien cela : « la nuit », « l’aube », « la matinée », « l’escarmouche », « la bataille », « la charge », « la gloire ». Il s’agit donc d’un récit en temps réel, assez proche dans l’esprit du reportage ou du docu-fiction, qui n’est entrecoupé de quelques flashbacks que pour présenter les rêves et les espoirs de son personnage narrateur et la situation de l’Espagne sous la coupe de Napoléon.





Flandres et Italie au XVIe siècle, Espagne et Russie sous Napoléon, Verdun et Stalingrad durant les guerres mondiales, Irak et Afghanistan au début du XXIe siècle, Syrie et Libye parmi tant d’autres aujourd’hui… Plus les choses changent et plus elle reste les mêmes, et la guerre reste et restera toujours la guerre : boue, sang, merde, et rien de plus… Et ceux qui disent le contraire sont des menteurs, et rien de moins… (Saloperies de novlangue et de propagande qui ont failli nous faire croire aux mythes de « la guerre propre » et du « zéro mort » !)
Lien : http://www.portesdumultivers..
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Sabotage

Il ne faut jamais dire Fontaine, j'ai lu le dernier volume de Falcó , surtout pour savoir comment se terminait l'histoire « d'amour » entre le plus détestable des espions et la plus glaciale des agents soviétiques, trompée par la couverture du roman.

En effet, Eva est absente de Sabotaje, dont l'action se déroule à Paris en 1937 où le tueur sans état d'âme doit mener à bien deux missions: discréditer André Malraux (et lui faire quitter le devant de la scène, si possible, les pieds devant) et empêcher Picasso de peindre Guernica qui doit être exposé au pavillon espagnol de l'Exposition Internationale de Paris.



Sabotaje est le volume que j'ai le plus apprécié (plutôt le moins détesté), pour l'incursion dans le Paris d'avant-guerre, et pour le petit jeu auquel le lecteur peut s'adonner, « devine qui se cache derrière les personnages », à savoir Malraux, Hemingway, Lee Miller, Peggy Guggenheim …

J'ai bien aimé la petite mosaïque des différents services de renseignements et des courants politiques qui tissent leur toile dans la capitale et la trouvaille (ironique) de Pérez-Reverte de faire de la Bolchévique amoureuse de Manuel Chaves Nogales une clé pour que Falcó puisse décoder des messages.



Sinon, ce que j'avais détesté dans les deux premiers volumes est toujours présent, les scènes de sexe ou de séduction ratées, avec un personnage qui doit posséder un joujou extra qui fait crac boum hu, car les filles tombent à ses genoux (plan à trois et bécotage de Marlene Dietrich dans les toilettes inclus), et dans lesquelles on peut lire une phrase qui restera dans les annales. Lorsque Falcó retrouve l'une de ses maîtresses, sublime évidemment et avec laquelle tous les hommes (et les femmes) ont envie de coucher, cette dernière, folle de son incroyable physique, lui déclare « Eres el único hombre cuyo semen soy capaz de tragar -murmuró. »

La classe.

Falcó reste donc cet homme pétri d'orgueil de classe pour lequel les Républicains ne sont que des analphabètes sanguinaires, et les intellectuels des tire-au-cul bouffis d'orgueil. On lit quand même dans le roman que quelqu'un trouve enfin grâce à ses yeux, et c'est l'acteur Jean Gabin. Parce qu'idéologiquement, on a bien compris qu'il ne travaille que pour son compte, qu'il critique tous les courants politiques (dans le roman Andrès Nin est un trotskyste...), et qu'il n'y a qu'au lit qu'il se montre moins bégueule, faisant don de son piège d'amour à des femmes de toutes origines et religions, ici une mécène juive et une chanteuse noire.

Arturo Pérez-Reverte voulait créer un personnage détestable, le contrat est pleinement rempli, mais la distance instaurée est telle que j'ai suivi les aventures de l'espion avec beaucoup de détachement, et même une grande envie que ça se termine. Le romancier est bien plus efficace dans l'écriture des scènes d'action que dans l'écriture des scènes d'amour et de sexe, qui gâchent vraiment l'ensemble.



Ne reste plus qu'à relire la correspondance du grand Max Aub (qui apparaît au détour d'une petite phrase laconique, « Según informes fidedignos, el agrégado cultural de la embajada de España, un tal Aub, habría pagado ya a Picasso 150.000 francos por el encargo. ») pour comprendre les liens réels entre Malraux et la République espagnole, les modalités de la commande de Guernica par le gouvernement espagnol et les motivations de Picasso.
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