AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Jacques Chessex (173)


Alain et Jacques prennent des photos : Isabelle couchée sur la tombe de son voisin, Isabelle marchant a sa tombe, pieds nus, ses sandales sous le bras, le vent soulève sa robe sur ses cuisses.
Commenter  J’apprécie          10
Le Jardinier

Une autre fois c'était une fin d'après-midi en août
Le jardinier avait bu trois litres d'Algérie en plein soleil
Il était allé au pavillon ombreux dormir une heure
Avait poussé paresseusement la porte fraîche

Soudain voit la maîtresse ouverte en face du haut miroir éblouissant
Voit le chien qui s'acharne et qui grogne
Referme la porte en titubant, zigzague entre les buis
Sous les coups noirs de la lumière

Depuis n'a plus au crâne que ce tableau
L'emmêlement du fauve et du blanc
Le mufle qui bave et qui râle
L'étoile rose entre les colonnes très lisses

De quoi détruire sa vieillesse d'homme pur
Ah leçon de l'été bienveillant
De quoi obéir mieux à la dame
Révérer le dogue, boire plus
Commenter  J’apprécie          10
Les Corbeaux

Les gais corbeaux si appliqués
A piétiner
Les viandes fanées
De la prairie

Les gais corbeaux, silhouettes nettes
A sautiller
De cœur en caillot
Aux coquelicots du champ jaune

Les gais corbeaux s'apprivoisant
A revenir à travers flaques
Pattes bien teintes aux fleurs de sang
Aux cavernes du récent rêve

Quel vent mangent-ils les gais corbeaux
Quel caillou rare à becqueter
Ils ont fini l'herbe des morts
Ils ont crié au purgatoire

Ô corbeaux boules de feu noir
Sous la méthodique lumière
Vous êtes plus morts que les morts, fantômes gras

Plus errants que les âmes mortes
Maintenant riez mes chers frères
C'est votre tour de jouer la farce
Des corbeaux morts sous le vieux ciel
Où déchiffrer vos cris inverses
Commenter  J’apprécie          10
Il y avait surtout en nous, du fond des siècles, la certitude de la punition de la punition suspendue là-haut, sur nos vies.
Commenter  J’apprécie          10
En attendant, la rumeur enfle. Et la peur. On s'arme de plus belle, la nuit on se barricade, et la délation va son train.
Commenter  J’apprécie          10
Élégie dans l’hiver


Extrait 5

Beaux instants où revoir le désert vert
Le temps où le royaume fut offert
La table où polirent les coudes, où les corps tremblèrent de joie
L’eau des plaies, des paroles
le pain intermédiaire, le poisson médium
La main affectueuse au cal connu
Le filet des doutes assemblés
Tout détruit au feu de l’enfance
Le labyrinthe s’effondra
Tout put renaître à la source du visible
Commenter  J’apprécie          10
Élégie dans l’hiver


Extrait 4

Dans l’horreur entremêlée blanche et noire
Se retourner comme un chemin des enfers sur l’arbre sur la bête moussue
Alors passe la lueur illogique
Tendre au centre de l’air
L’instant de la beauté nue s’assied sur l’horizon
Comme une femme de chair dorée devant le vide
Ses cheveux viennent dans mes mains, sa bouche
Parle partout en moi, ses seins s’ouvrent
Promettent le lait, la salive gonflée contre la mort
Voilà je suis revenu à mon paysage
Sans témoin sans dieu dans la pierre
O grille, ô tombe à honnir
Leur œil, leur sexe d’œil
L’air noir des environs recule
La douce robe et l’empoigné
La remontée dans le bleu seul
Le bleu gagne en or diaphane
Les oiseaux retrouvent leur territoire
Le délicat ourlet du plaisir tremble rose

Commenter  J’apprécie          10
Élégie dans l’hiver


Extrait 3

La seule ouverture est sale
L’espace promis au crachat
le gel ronge les murs, les remparts cèdent
La place est désolée où les feuilles tournoient
Au souffle glaireux des décombres
Alors ceux qui se lèvent dans les vomissures
Tâtonnent vers leur lampe comme des damnés
Les fenêtres du grand hôpital s’allument et s’éteignent
Nous ne crions pas, nous ne parlons pas
Nos rêves se défont comme des bandages à la lumière

Commenter  J’apprécie          10
Élégie dans l’hiver


Extrait 2

Mais quelle mousse dispersée au vent pourri
Quelle écume cette voix, quelle neige le mot !
Le vert reviendra, rameau précaire
L’aubier tendre, l’écorce verte, le bourgeon fragile
Le cœur de l’oiseau aux gorges des arbres
Le dôme cristallin des appels suspendus sur les prairies
La flûte d’air
Toutes les voix, toutes les issues
Mais quelle poussière cette promesse
Quelle farine, quelle sciure cette parole crue certaine

J’étais, je serai le présent
La phrase du temps s’use, se rompt
Jamais l’éclat n’a duré
L’hiver recouvre un pan puis l’autre
Rouet de cendre
Je perdais, je perdrai
Le désert consume ma pauvre halte
Je revenais, je reviendrai, les pierres riront de ma tristesse
Je n’aurai plus qu’à me défaire avec le vent

Commenter  J’apprécie          10
Élégie dans l’hiver


Extrait 1

Dans le bois la dernière image
De l’hiver : ce puzzle violet et orange
Posé sur la montagne entre les portes des arbres
Feu figé, l’incendie le dérange
Celui qui dicte la terreur nue
La terreur vue
À l’unique, à la rouge source

Prudence, vieux morts !
L’orgueil va droit au vrai cœur
Quand la passante, couronne, gloire
Entres ses belles cuisses saigne comme ce soleil expirant
Et je n’ai plus le droit de taire
La chair multiple qui me convoque
Au dernier repas rayonnant
Printemps mythique, printemps de grâce
À vénérer dans sa candeur
Commenter  J’apprécie          10
Vous le paierez très cher, Franz Aschenbach. Je vous surveille. Je vous ai surpris par tous les temps, j'ai vu votre barbe tressauter à vos prières et vos filles s'agenouiller devant votre valet. L'estrade de votre grange sue les hosanna et le sperme, Aschenbach et toutes les larmes de vos coupables ne laveront pas ces planches souillées devant le regard de l'Eternel.
Commenter  J’apprécie          10
J'aime l'orée. Une des explications de cet attachement très ancien est que l'orée à la fois cache et révèle quelque chose où je dois aller et ne pas aller, qui est le coeur de la forêt toujours immobile et fermé. Mais il n'y a pas que l'orée de la forêt.
Il y l' orée d'un lieu où qu'il soit, pourvu que j'ai à le découvrir sans jamais percer son mystère. Que le secret demeure. Et que de cette obscurité, reconnue même en pleine lumière, naisse une fascination où retrouver mon territoire.
Il y a l'orée du jour, l'orée de la nuit, l'orée d'une femme. Qu'est-ce que l'ombre, derrière la figure lisse ou la surface qui éclaire ? Il suffirait peut-être que j'aille voir, — mais vraiment voir — pour apprendre qu'il n'y a pas d'ombre. Ou pas cette ombre que j'imaginais. Or j'ai besoin de cette ombre-là, rêvée, cent fois caressée à distance, et qu'elle demeure invisible, qu'elle s'épaississe, ajoutant des nouvelles couches à ce que je crois d'elle à mesure que j'avance vers elle au-delà de l'orée qui brille.
Commenter  J’apprécie          10
Devant la salle d'arrêt maintenant étroitement gardée, la même foule qui assistait goguenarde aux recherches, basses allusions et histoires, insulte à cette heure les prévenus et crie à la plus haute peine.
Commenter  J’apprécie          10
Dans le gris de l'aube, ce matin de novembre où je me suis mis au travail comme à l'ordinaire, je regarde la nuit céder sous la barre de feu rose qui sort des montagnes et vient éclairer l'herbe jusqu'à la maison et les arbres.
Commenter  J’apprécie          10
J'aime le simple aéré et qui aère, le simple puits des profondeurs, le simple sous lequel bougent toutes les complexités, le secret le plus opaque, tous les possibles, la fureur, le vertigineux scandale de l'existence et du rien.
J'aime cette phrase de Heidegger : "Le simple préserve l'énigme".
Commenter  J’apprécie          10
Est-ce le fait anecdotique de me lever de plus en plus tôt, de détester porter le moindre bagage afin d'avoir le corps libre, est-ce une combinaison de gènes ou l'effet de ma volonté bien alliée, à mon insu et à mon su, à ma paix avec la mort ? "C'est dans la tête", disent les paysans de Ropraz, je sais aussi que c'est dans le corps dont le trop de poids, l'excès de lest, empêchaient le bon mouvement. Impedimentum en latin, le gros bagage qui alourdit la marche de l'armée. Je me dis que je me suis débarrassé de mes impedimenta pour guerroyer et attendre. Pour aller et venir dans mes terres, rôder dans des lieux plus nocturnes, travailler sans hâte, aimer des secrets, me lier plus à peu d'êtres.
Commenter  J’apprécie          10
- C'est beau, dit encore le chat. Emplis tes yeux, emplis ta fibre, gave ton âme, Jean Calmet. Un beau matin tu ne seras plus là pour nourrir tes extases de vivant. Tu vois ce bateau, devant Evian ? Regarde ce blanc, ce bâton de nougat sur le vert et le rouge. Et la Savoie, tu la vois ? Bleue et violette, toute la montagne résonne de cascades et de chutes de pierres dans les gouffres. Et ces brumes, du côté du Rhône ? Tu te rappelles les étangs pleins d'œufs, les couleuvres qui zigzaguaient sur les eaux plates où se reflétaient les rayons rouges ? Tu te souviens des milans sur l'embouchure ? Et des alevins dans les bulles ?
- Et toi, chat, dit Jean Calmet, tu te rappelles la figure de ton père ?
Commenter  J’apprécie          10
Qu'est-ce qu'un corps ? Je ne le possède pas, je ne le catalogue pas. Je ne l'enferme pas. Je suis nu comme l'ermite dans sa thébaïde ou le méditant dans sa cellule, et cet autre corps est survenu devant moi, il a laissé tomber ses vêtements, il s'est dépouillé de ses idées, de ses angoisses, des souvenirs qui lui collaient à la peau. Il s'est couché devant moi et il s'est ouvert, aussi pur et détaché de tout lien au monde que le pain et le vin de l'autel. Maintenant te voilà dans ta nudité, corps élémentaire, seule nourriture. Et c'est en toi que je vais reconnaître le Visage où je trouve ma première part d'éternité.
Commenter  J’apprécie          10
C'est sans doute pour cela que je suis revenu à Fribourg. Marcher sur certaines pistes, sur certaines traces, rôder, hanter des lieux et des visages, me laisser happer par des paysages, par certaines heures, certaine lumière.
Commenter  J’apprécie          10
J'esquivais, selon l'habitude. Je me réfugiais dans mes lectures d'autrefois. C'est peut-être cela, un homme cultivé: une pauvre chose battue s'accrochant à des bribes de textes, à des lambeaux de méditations ou des poèmes pour essayer de se masquer, d'enfouir son visage sous des phrases destructrices.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Jacques Chessex (1009)Voir plus

Quiz Voir plus

LES LIVRES DE JACQUES CHESSEX

Un ...........pour l'exemple

camarade
suicidé
fusillé
juif
prêtre
allemand

10 questions
12 lecteurs ont répondu
Thème : Jacques ChessexCréer un quiz sur cet auteur

{* *}