Qui dit Pearl Buck, pensera automatiquement à la Chine. C'est avec une grande joie que j'ai entamé ce petit roman et c'est en jubilant que j'ai découvert son intimité. Eh oui parce que le personnage principal Kwei Lan se confie .
Une phrase captivante ouvre le livre : "Je puis vous raconter ces choses, à vous, ma sœur. " je me suis vite sentie concernée, interpellée, proche de Kwei et surtout prête à l'écouter. Pearl Buck sait comment nous plonger dans ses histoires dès les premières lignes: on se prépare aux chuchotements, aux non-dits "Je vous ai appelée ma sœur, je vous dirai tout."
Les confidences sont la plus belle chose qu'on puisse lire afin de lever le voile sur les secrets si bien tus par des personnes, des familles ou tout un pays.
Le résumé donne un aperçu sur ce que nous allons vivre avec Kwei Lan, cette chinoise issue d'une famille noble, promise puis mariée à un homme qu'elle ne connaît point. Rien d'étonnant, puisque , à l'instar de la Chine, d'autre pays connaissent et ne rejettent pas cette tradition.
Naître fille dans une famille conservatrice chinoise de l'époque n'est pas facile. Elles ne peuvent rien espérer, ni planifier. La famille, plus précisément la maman, la programme pour le mariage. Je n'exagère pas en employant le mot "programme" parce que c'est ce qui se passe réellement. La fille ne doit penser qu'à une chose : son mariage, son futur mari, comment devenir une "parfaite" épouse obéissante,... etc
Va-t-on en vouloir aux mamans? Bien sûr que non! C'est un endoctrinement en héritage. Chaque maman doit transmettre ce qu'on lui a demandé de faire sans poser de questions. C'est ainsi que la mère de Kwei Lan éduque cette dernière.
"Telle était ta destinée. Tu fus élevée dans ce dessein."
La fille apprendra à taire ses sentiments et surtout à courber l'échine sans rechigner.
Qu'en est-il de l'homme chinois? Le maître, celui qui porte le nom de la famille, qui donnera naissance aux héritiers, qui gère la famille et ses biens? Nous le découvrirons au fur et à mesure que la lecture avancera, plus précisément quand le frère de notre héroïne rentre au pays.
Notre douce et discrète Kwei Lan continue ses confidences, parle de cette envie de changer, de sacrifier de longues années d'éducation ancestrale afin de plaire à son époux. Ce dernier la bouleverse, la pousse vers une éventuelle reconstruction de sa personne : il la veut son égale. Influencé par la civilisation occidentale, tant détesté par les familles conservatrices, le mari de Kwei, est revenu avec dans la tête une autre idée du mariage et de la vie de couple. Il va l'aider à avoir confiance en elle et à outrepasser les apparences. De son côté, Kwei va s'intéresser sérieusement aux passions de son mari et à ses "nouveaux" concepts.
"C'est mon mari qui a opéré en moi ce changement, si bien que j'ose, en dépit de ma frayeur, plaider contre mes ancêtres en faveur de l'amour"
L'arrivée du frère de Kwei marié à une "étrangère" va ajouter du peps à l'histoire (utilisons une expression américaine pour rester dans le thème haha) Un affrontement à la fois violent et triste entre l'enfant prodigue et sa famille, surtout la mère, déstabiliseront un peu la nouvelle vie de Kwei mais l'aideront en même temps à avoir une autre idée de l'autre monde. Un monde dans lequel, une femme n'a pas honte de dévoiler publiquement son amour à son conjoint, où l'homme laisse son coeur décider de son sort, quitte à être renié, déshérité, banni et même être la cause d'un violent tourment familial. L'aboutissement de ce conflit est fatal et la réaction du fils est exagérée à mon avis. Je n'en dirai pas plus, je préfère vous laisser découvrir cette fin.
Toute une histoire sur une Chine "hautaine" et "xénophobe" qui ne s'ouvre pas aux autres cultures dites abjectes et dégradantes.
Une écriture très agréable, poétique même : voilà comment Pearl Buck écrit l'amour et décrit la Chine.
C'est avec douceur et délicatesse que je me suis laissée emporter par les vents des changements. Peu importe qu'il soit de l'Est ou de l'Ouest, violent ou doux, un vent balaie, nettoie et apporte quelque chose de nouveau sur chaque contrée, dans chaque coeur...
Une petite merveille que je conseille à tous. Le choc des civilisations est toujours d'actualité ! Reste à savoir de quel angle voyons-nous les choses : garder jalousement et fièrement ses coutumes ancestrales ou marcher tête baissée vers la modernité? Pourquoi pas joindre l'utile à l'agréable et vivre son temps en ayant pour base le meilleur que puisse procurer les traditions de nos
aïeux.
Après avoir fermé le livre et avant de rédiger mon avis, j'ai eu un pincement au coeur. Une question ne quittait plus mes pensées : ces enfants qui partent ailleurs pour s'instruire, ont-ils vraiment le droit de revenir avec tout ce dédain envers leur culture? J'aime les changements, j'ai encouragé silencieusement Kwei parce que sa seule motivation était l'amour mais au fond d'elle on sentait qu'elle n'approuvait pas tout ce que disait ou faisait son frère par exemple ou son mari. Après tout, l'Occident aussi se prenait (se prend toujours) pour le maître du monde et s'infiltre dans les civilisations anciennes et attaquent les racines; il donne naissance à ce qu'il appelle les hommes du "changement", les progressistes qui comme en témoigne, l'Histoire, n'ont pas été toujours "doux" pour casser les chaînes. Je m'arrête, je ne veux pas m'étaler mais je reviendrai sur ce point avec une prochaine chronique d'un autre roman de Buck.
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